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La résistance aux agents antimicrobiens des bactéries d’origine animale et alimentaire préoccupe les consommateurs et la santé publique.
Il est important de surveiller la résistance de certaines bactéries
pathogènes aux antibiotiques afin de mieux baliser les modalités de leur utilisation et d’éviter que les traitements d’une maladie infectieuse s’avèrent inefficaces. Que faisons-nous au Canada et au Québec pour surveiller le phénomène de l’antibiorésistance?
Au Canada
Le Programme intégré canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (PICRA) de l’Agence de la santé publique du Canada existe depuis 2002. Il a comme mandat de surveiller les variations temporelles à l’échelle nationale quant à l’emploi des agents antimicrobiens et à l’émergence de la résistance bactérienne envers ces derniers. Pour ce faire, le PICRA a mis en oeuvre une surveillance de certaines bactéries d’origine intestinale dont les salmonelles, Escherichia coli et Campylobacter. Ces bactéries proviennent d’animaux destinés à l’alimentation (bovins, porcs et volailles). Les échantillons sont prélevés à la ferme (sur des animaux sains), aux abattoirs, dans la viande vendue au détail, chez des animaux malades et chez des patients humains.
Les rapports annuels du PICRA décrivent les profils de résistance aux antibiotiques, qui sont considérés comme de très haute importance en médecine humaine. Ces médicaments comprennent notamment le ceftiofur, un antibiotique utilisé en médecine vétérinaire et étroitement apparenté à la ceftriaxone, employée chez les humains pour traiter certains types d’infection dont les salmonelloses graves chez l’enfant. Ils comprennent aussi la ciprofloxacine, une fluoroquinolone à large spectre recommandée pour le traitement de plusieurs types d’infections chez les humains, notamment les maladies gastro-intestinales graves. Chez les bovins, entre autres, le rapport le plus récent (2007) révèle peu de résistance envers des antibiotiques d’intérêt en santé publique. Par exemple, la présence de résistance à l’acide nalidixique a été observée dans moins de 1% des isolats d’E. coli provenant de la viande de boeuf. La résistance à l’acide nalidixique est le plus souvent associée à de la sensibilité réduite à la ciprofloxacine et peut accroître le risque d’échec à des traitements nécessitant des fluoroquinolones. De même, la résistance à la ciprofloxacine a été détectée dans un isolat de Campylobacter coli provenant de bovins en abattoir.
L’émergence d’une résistance chez des bactéries d’origine intestinale, ajoutée au fait que des éléments de résistance génétique pourraient être transférés d’un micro-organisme à l’autre ou que ces bactéries pourraient être transférées entre l’animal et l’humain, met encore plus en évidence la nécessité d’utiliser prudemment les antibiotiques partout au Canada ainsi que chez toutes les espèces animales. Pour plus d’information, le site du
PICRA est disponible et permet l’accès aux diverses publications à l’adresse suivante : http://www.phac-aspc.gc.ca/ciparspicra/index-fra.php
Au Québec
La Direction générale de l’alimentation du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) administre le Programme québécois de surveillance de la résistance aux agents antimicrobiens des bactéries d’origine animale. Ce programme a pour objectif de surveiller les variations temporelles au Québec quant à l’émergence de la résistance bactérienne envers les antibiotiques. Depuis 1993, le MAPAQ a mis en oeuvre une surveillance de l’antibiorésistance pour des bactéries isolées à partir de spécimens provenant d’animaux malades soumis dans les laboratoires de diagnostic. Les bactéries pathogènes isolées de ces cas sont testées pour leur sensibilité envers les antibiotiques afin de donner aux médecins vétérinaires praticiens l’information sur le traitement le plus approprié pour le ou les animaux infectés. Par la suite, l’ensemble des données recueillies chez les animaux destinés à l’alimentation sont traitées et permettent de dégager, chaque année, les nouvelles tendances quant à la résistance de certaines bactéries pathogènes envers des antibiotiques d’importance en médecine vétérinaire et en santé publique. Par exemple, depuis 2006, les résultats démontrent, entre autres chez les bovins, une tendance à la hausse de la résistance des isolats pathogènes d’E. coli envers l’enrofloxacine. Cet antibiotique fait partie des fluoroquinolones, tout comme la ciprofloxacine mentionnée précédemment et considérée d’intérêt en santé publique. Son utilisation est approuvée au Canada pour le traitement du complexe respiratoire chez les bovins de boucherie. Il est considéré comme un antibiotique à utiliser en dernier recours. Même si cet antibiotique cible des bactéries pathogènes présentes dans le système respiratoire de l’animal, des bactéries retrouvées dans d’autres systèmes tels que les E. coli d’origine intestinale peuvent subir la pression sélective exercée par son usage.
Présentement, un faible pourcentage de résistance est observé chez les bactéries du système respiratoire envers cet antibiotique. Il est tout de même important d’utiliser judicieusement cet antibiotique et de préserver son efficacité. Il sera intéressant de suivre l’évolution de cette résistance au cours des prochaines années. Pour en savoir plus sur cet antibiotique, une foire aux questions concernant l’enrofloxacine (Baytril®100) est disponible sur le site Internet de Santé Canada à l’adressehttp://www.hc-sc.gc.ca/dhpmps/vet/faq/baytril_qa-qr-fra.php.Le ceftiofur est un autre antibiotique surveillé et considéré d’intérêt en santé publique. Comme mentionné précédemment, il est apparenté au ceftriaxone, utilisé en médecine humaine. Le ceftiofur est approuvé au Canada pour le traitement des problèmes respiratoires (Excenel® RTU) et le traitement de la mammite chez les bovins (Spectramast® DC et Spectramast® LC). En 2009, les niveaux de résistance au ceftiofur étaient faibles pour les bactéries surveillées et aucune tendance à la hausse de la résistance n’avait été observée. Les résultats du programme de surveillance sont disponibles sur le site Internet du MAPAQ :http://mapaq.gouv.qc.ca/antibioresistance.
La surveillance des volumes d’utilisation des antibiotiques
Grâce à ces programmes de surveillance de la résistance bactérienne envers les antibiotiques, il est plus facile de suivre l’évolution de ce problème en agroalimentaire et d’en mesurer l’ampleur. Par ailleurs, ces systèmes de surveillance ne sont pas complets sans la surveillance des volumes d’utilisation des antibiotiques en production animale. Présentement, ces données ne sont pas disponibles pour les animaux destinés à l’alimentation ni au Québec ni au Canada. Cette information permettrait, pour certains antibiotiques, de mieux comprendre et d’interpréter les variations temporelles sur la résistance bactérienne observée. Par exemple, on s’interroge à savoir si une tendance à la hausse de la résistance envers un antibiotique est associée à une augmentation de l’utilisation de ce même antibiotique. En attendant le développement de ce type de surveillance au pays, l’information présentement recueillie peut orienter l’élaboration de politiques visant à réduire l’apparition et la propagation de la résistance aux antibiotiques dans la chaîne alimentaire et aider à mieux gérer l’utilisation des antibiotiques en médecine vétérinaire ainsi qu’en production animale.