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L’aviculture représente un marché important au Québec. Tant pour des questions écologiques qu’économiques, l’efficacité énergétique constitue un enjeu de taille pour cette industrie.
L’exploitation de poulaillers, très énergivore, se traduit bien souvent par l’obtention d’une marge bénéficiaire assez faible pour les éleveurs. À plus forte raison dans le contexte de l’accord de libre-échange Canada – États-Unis – Mexique (ACEUM), qui ouvre davantage le secteur avicole canadien à la concurrence américaine. Pour les producteurs québécois, qui occupent 30 % du marché canadien, la recherche de moyens pour réduire leur facture énergétique et leur dépendance aux combustibles s’avère un atout, voire même une exigence.
Une multitude de solutions d’énergie, notamment des récupérateurs de chaleur et la biomasse, existent déjà. De nouvelles font l’objet d’expérimentations diverses ou sont issues de l’ingéniosité de producteurs, connus pour leurs talents de « patenteux ». Ces solutions peuvent être d’ordre organisationnel et toucher l’amélioration des connaissances et des pratiques. Pour favoriser l’atteinte des objectifs d’efficacité énergétique, il est indispensable de travailler à la mise au point d’équipements plus performants et mieux adaptés. Plusieurs évoquent en outre le coût des combustibles fossiles, encore trop faible pour représenter un véritable incitatif. Enfin, certains réclament que les programmes d’aide à l’investissement soient bonifiés afin de rendre les technologies plus accessibles pour les éleveurs.
Des récupérateurs de chaleur qui font toute la différence
« Au lieu de ventiler des bâtiments, je ventile des poussins!, déclare tout de go Christian Bellerose. Les résultats sont là et le confort des oiseaux aussi. » L’aviculteur de Saint-Félix-de-Valois, dans Lanaudière, ne cache pas son intérêt pour les nouvelles technologies et la réduction des coûts en énergie.
Il y a une trentaine d’années, un voyage en France organisé par la Coop fédérée sert de bougie d’allumage au producteur de poulets, lui permettant de développer sa passion pour les technologies. En 1994, sa curiosité l’amène à informatiser sa ferme pour savoir ce qui s’y passe en tout temps. Grâce aux moyens qu’il déploie, l’homme constate que ses poulaillers gagneraient énormément à être transformés.
« L’amélioration du bien-être de mes volailles me tenait à cœur, mais je savais également que je pouvais faire mieux d’un point de vue énergétique. En 2014, j’ai importé des récupérateurs de chaleur; j’avais regardé plusieurs modèles dans différents pays. En deux ans, j’ai investi environ 100 000 $ dans ces équipements et leur adaptation », indique le propriétaire de la Ferme avicole Bellerose et fils inc.
Christian Bellerose ajoute que les critères d’entretien et d’efficacité constituaient des incontournables pour lui. « Les récupérateurs fonctionnent en tout temps et s’ajustent selon la température extérieure, ce qui assure un plus grand confort pour les oiseaux. « Par exemple, l’hiver, on peut faire entrer de l’air à 20 °C quand il fait -10 °C degrés à l’extérieur. L’air qui transite dans le bloc est de meilleure qualité. »
L’aviculteur est même allé plus loin. L’un des poulaillers, bâti sur un étage, est doté d’un plancher chauffant. Aujourd’hui, celui-ci fonctionne avec une sonde à CO2 et une station météo qui permettent de vérifier la qualité de l’air. La récupération d’énergie s’effectue à partir du plancher chauffant ainsi que dans l’entretoit. Ce système inclut une chambre de préchauffage de l’air qui récupère l’énergie solaire.
Des économies substantielles
Il n’y a pas que les poulets qui profitent de toute cette technologie; le portefeuille du producteur aussi. En 2014, la consommation de gaz naturel pour les cinq poulaillers de la Ferme avicole Bellerose et fils inc. s’élevait à 74 700 m3. Deux ans plus tard, elle s’établit à 34 500 m3, incluant le chauffage de la maison, du garage et de l’entrepôt. L’an dernier, sa facture de gaz tournait autour de 2 100 $.
« La façon dont j’ai choisi de faire les choses correspond à ma philosophie : élever des oiseaux tout en gérant les conditions d’élevage. Depuis une dizaine d’années, j’ai acheté 400 arpents de terre à bois pour éventuellement pouvoir passer à la biomasse et ne pas être dépendant du gaz. Pour l’avenir, il y a encore beaucoup de possibilités, je ne suis pas rendu au bout de ça! », conclut Christian Bellerose.
Faire le choix de la biomasse forestière résiduelle
Lorsqu’il a procédé à l’installation de son système à la biomasse, il y a quatre ans, Christian Dufresne avait calculé qu’il le rentabiliserait en 10 ans. En 2016, le propane se vendait 0,52 $ le litre. Même si le prix a baissé et qu’il mettra plus de temps pour atteindre son objectif, il ne regrette pas son choix.
« J’évalue qu’il me faudra maintenant 13 ou 14 ans pour rentabiliser mon système, mais une fois que ce sera fait, ça devient très intéressant. Ceci sans compter que l’automne dernier, quand il y a eu les problèmes d’approvisionnement de propane par train, j’aurais été vraiment mal pris. De toute façon, les coûts en énergie vont augmenter », commente l’éleveur de Saint-Gabriel-de-Brandon, dans Lanaudière.
Les installations à la biomasse de la Ferme Christian Dufresne fonctionnent à l’eau chaude. En plus de servir au séchage du grain – 16 000 tonnes de maïs humide y sont traités tous les automnes –, les deux chaudières de deux mégawatts chacune alimentent un réseau de chaleur qui chauffe 23 des poulaillers de l’entreprise les plus proches. Quelques autres bâtiments tels des garages y sont également reliés.
« J’ai remplacé 800 000 litres de gaz propane par année contre à peu près 110 camions-remorques d’écorce de bois, qui me coûtent en moyenne 150 000 $. À cause de la pandémie, j’ai cependant dû investir pour remplir un entrepôt et avoir des réserves de biomasse pour un an parce que les scieries ont fermé. Advenant un problème, le propane sera utilisé pour le séchoir », précise Christian Dufresne.
Écologie et confort
L’intérêt de la biomasse forestière résiduelle n’est pas qu’économique, il est aussi écologique. Les gaz à effet de serre émis par la combustion se substituent à ceux qui auraient été libérés par la biomasse si celle-ci s’était simplement décomposée dans la nature, tout en diminuant le recours aux énergies fossiles. Par ailleurs, la chaleur sèche générée par le système améliore les conditions de vie des poulets.
« Par rapport à la combustion au gaz propane, j’ai besoin de moins de ventilation et j’obtiens, en bout de ligne, une qualité d’air supérieure pour les oiseaux, termine l’aviculteur. Je chauffe, mais pas parce qu’il faut que je rentre de l’air froid dans les bâtiments. Mes installations réduisent les pertes de chaleur et il n’y a pas de CO2 dedans. Quand je ventile, c’est surtout dans le but de sortir de l’ammoniac. »
Un modèle de simulation de la consommation d’énergie
La réduction des coûts en énergie des poulaillers québécois retient aussi l’attention des chercheurs. Récemment, le Groupe de recherche industrielle en technologies de l’énergie et en efficacité énergétique (t3e) de l’École de technologie supérieure (ÉTS) de l’Université du Québec a élaboré un modèle numérique de simulation prédictive des consommations énergétiques d’un poulailler.
Publiée dans la revue Substance de l’ÉTS en octobre dernier, l’étude en question, supervisée par le professeur Daniel R. Rousse, visait à évaluer des mesures et technologies à mettre en place en vue de diminuer la dépendance des producteurs de poulets aux énergies fossiles.
Le premier objectif de l’étude consistait à mettre au point une formule de bilan thermique détaillée sur un bâtiment d’élevage. Le deuxième touchait l’élaboration et la validation d’un code pour imiter le fonctionnement d’un poulailler, alors que le troisième portait sur l’utilisation du code pour simuler une année type de production avec et sans échangeurs de chaleur, le tout selon deux scénarios de commande.
Les résultats
Parmi les principaux résultats obtenus, on a noté que la chaleur sensible dégagée par les oiseaux représentait 60 % (en hiver) à 85 % (en été) des gains en chaleur, le complément étant issu du chauffage. La ventilation mécanique est responsable de la quasi-totalité des pertes de chaleur du poulailler. Dans les faits, un maximum de 3 % de celles qui ont été observées sont causées par l’enveloppe du bâtiment.
Après calibration du modèle pour le bâtiment étudié, les simulations avec Broiler House Energy Computation ont prédit la consommation annuelle de chauffage avec une erreur de 9 %. L’étude a aussi démontré que les échangeurs ESA1000 devraient être commandés par le système central de régulation Dans cette configuration, ils permettraient d’économiser jusqu’à 60 % sur le chauffage annuel.