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Pendant que les producteurs canadiens sont impatients de conquérir l’Europe, leurs confrères du Vieux Continent se livrent une rude compétition sur leur marché intérieur.
À l’occasion de l’assemblée semi-annuelle des Éleveurs de porcs du Québec, le président de la Fédération nationale porcine (FNP), Paul Auffray, a témoigné des difficultés de compétitionner avec ses voisins, principalement l’Espagne. « L’Espagne, pour moi, reste une énigme parce qu’il n’y a pas de paysans. L’agriculture y est basée sur les capitaux. Elle a fait l’impasse sur les fermes familiales pour passer à l’intégration selon un modèle à l’américaine », a expliqué le producteur breton. Son secret réside dans l’exploitation d’une main-d’œuvre à bas coût, en provenance de Pologne, de Biélorussie et de Roumanie. « Je suis scandalisé par ce qu’on fait à ces travailleurs, qu’on traite comme des chiens »,
a dénoncé l’éleveur.
La situation crée une distorsion de la concurrence en France qui, jumelée aux retards d’investissements de la filière porcine, a fait décrocher le prix par rapport à celui des voisins européens. « Cet été, les producteurs d’Espagne touchaient environ 20 € de plus par porc. Ça n’a pas empêché les industriels de ce pays d’exporter du jambon désossé en France à un prix de 30 à 40 % inférieur. La situation est anormale et ne pourra pas durer éternellement », a prédit Paul Auffray.
Où s’arrêtera l’Espagne?
Depuis dix ans, les éleveurs espagnols ont doublé leur production. Ainsi, l’Espagne figure aujourd’hui au premier rang des pays producteurs de porcs de l’Union européenne, tout juste devant l’Allemagne, et au troisième rang des exportateurs mondiaux. Le nombre de producteurs y a fondu de 389 000 dans les années 1980 pour s’établir à 87 000. « Les exploitations qui comptent moins de 150 truies reproductrices n’ont pas d’avenir », a lancé Horacio González Alemán, spécialiste de l’agroalimentaire européen et professeur à l’Université de Séville.
L’Espagne a largement misé sur l’intégration. Le phénomène est né en Catalogne et s’est développé de façon très rapide dans le reste du pays. Actuellement, les intégrateurs y contrôlent plus de 60 % de la production. Étonnamment, toute l’alimentation doit être importée, avec les frais supplémentaires que cela suppose. « C’est l’un des éléments clés du système espagnol puisqu’on n’a pas de soya ni de maïs »,
a illustré M. González Alemán.
Sur le marché mondial, les Espagnols s’avèrent de redoutables compétiteurs. Un récent rapport du département américain de l’Agriculture (USDA) indique que l’Espagne gagne des parts de marché, particulièrement en Asie. En 2017, ce pays est devenu le premier fournisseur de porc de la Chine et le quatrième du Japon. Dans l’Empire du Milieu, ses exportations ont bondi de 96 % en 2016, tandis que les envois vers le Japon ont crû de 31 % entre janvier et juillet derniers, calcule l’USDA.
L’espoir canadien Les producteurs canadiens espèrent toujours profiter de l’accord de libre-échange avec l’Union européenne (UE). « L’Europe est une région du monde où l’on consomme beaucoup de porc. Il serait très avantageux pour le Canada que les éleveurs de porcs puissent rapidement jeter les bases pour assurer une présence à long terme dans ce marché », a déclaré Neil Ketilson, président de Canada Porc International (CPI), lors de l’annonce du règlement d’un accroc à l’entente avec l’Union, qui empêchait le porc canadien d’en bénéficier. La levée de cet obstacle entraînera une augmentation des ventes, estime CPI. Pour le directeur général du Conseil des viandes du Canada, Chris White, l’industrie et le gouvernement doivent maintenant consacrer leurs efforts à convaincre l’UE d’approuver les antimicrobiens utilisés ici. En 2016, le Canada a exporté un peu plus de 1 100 tonnes de porc pour près de 3,8 M$ vers le Vieux Continent. « L’Europe est un marché saturé », a pour sa part mis en garde le président de la FNP, Paul Auffray, lors de l’assemblée semi-annuelle des Éleveurs de porcs du Québec. |