Élevage 30 mars 2022

Du quota accordé en priorité pour freiner la « saignée » en régions éloignées

Les producteurs laitiers des régions de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine et d’Abitibi-Témiscamingue disposent depuis 2019 d’une priorité d’achat de quota visant à freiner la décroissance dans ces régions éloignées. Plusieurs agriculteurs se sont prévalus depuis trois ans de cet avantage pour augmenter leur cheptel et investir dans leurs installations.

« Ça a toujours été une saignée ici », fait remarquer le président sortant des Producteurs de lait de l’Abitibi-­Témiscamingue, Gabriel Rancourt. « Il y a 30 ans, on avait 420 fermes dans la région. Aujourd’hui, il en reste 92. […] On remarque aussi que le quota par ferme est bien plus petit que la moyenne provinciale », dit-il. En date du 31 décembre 2021, l’Abitibi-Témiscamingue comptabilisait en effet 92 fermes détenant environ 67,52 kg de MG/jour chacune, alors que la moyenne provinciale se situe plutôt à 87 kg de MG/jour. En Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, les 12 fermes répertoriées détiennent quant à elles en moyenne 64 kg de MG/jour.

Aussi, le nombre de producteurs laitiers dans l’ensemble du Québec est passé d’environ 8 200 en 2002 à 4 643 en 2021, soit une baisse de 43 %. Sur la même période en Gaspésie et en Abitibi-Témiscamingue, le nombre a plutôt dégringolé de 63 % et de 50 %. « La décroissance du nombre de fermes laitières, c’est partout, mais dans nos régions, la baisse est plus importante », fait valoir le président des Producteurs de lait de la Gaspésie-Les Îles, Normand Barriault.

Pour remédier à la situation, des changements ont été apportés aux règles de transferts de quotas en 2019 pour ces régions, à la demande des Producteurs de lait du Québec et avec l’approbation de la Régie des ­marchés agricoles et alimentaires du Québec.

Un regain et des investissements

En 2021 et en 2022, la quantité de quotas mise à la disposition des agriculteurs de la Gaspésie et de ­l’Abitibi-Témiscamingue de manière prioritaire correspond à la différence entre le quota vendu et acheté l’année précédente dans chacune de ces deux régions. Lorsqu’une exploitation ferme ses portes sur l’un de ces deux territoires, le quota à racheter est donc retourné en grande partie aux agriculteurs de la région concernée au lieu d’être mis à la disposition de tous les producteurs du Québec par l’entremise du ­système centralisé.

« Le but, c’est d’empêcher le plus possible le quota de sortir. Au moins, quand un producteur quitte, son quota peut être racheté par les producteurs de la région. Faites une offre [d’achat de quota] qui reflète vos besoins et c’est presque sûr que vous allez l’avoir », fait valoir Gabriel Rancourt, qui, à titre personnel, détient aujourd’hui 140 kg de MG/jour, alors qu’il en avait 85 en 2017. « Sans le programme, j’en aurais encore en bas de 100 », estime le producteur de Poularies en Abitibi. Celui-ci est en mesure, avec ce droit de produire supplémentaire, de rentabiliser son étable neuve et ses deux nouveaux robots de traite.

Michel Robert, producteur à Saint-Eugène-de-Guigues au Témiscamingue qui prend la relève de Gabriel Rancourt à titre de président régional, raconte quant à lui avoir obtenu 25 kg de MG/jour, en deux mises, sur deux mois. Cet achat lui permet de remplir son étable ­agrandie et modernisée récemment. 

Du côté de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, la réalité est un peu différente, étant donné qu’il ne reste que 12 fermes laitières sur le territoire. Le quota moyen par exploitation a bondi de 53 kg de MG/jour à 64 kg de MG/jour, de 2020 à 2021, principalement grâce au système de priorisation. En contrepartie, la quantité de fermes restantes appelées à fermer et à laisser du quota à d’autres agriculteurs diminue. « Le programme nous donne un coup de pouce, mais c’est certain que ça atteint une limite. Ce qu’on remarque par contre, c’est que la priorisation a un effet levier. Il y a un engouement pour la croissance et les investissements », observe Normand Barriault.

Pier-Luc Lajoie, producteur à Carleton-sur-Mer, est d’ailleurs parvenu à faire l’acquisition de 28 kilos de quotas l’an dernier. « Il y a des mois que je misais 8 kilos et que je recevais 8 kilos. D’habitude, quand tu mises ça et que tu en obtiens 0,2, c’est beau », témoigne le producteur qui explique avoir profité au moment opportun du départ de deux de ses confrères. « J’ai été chanceux. Je suis tombé sur la bonne année », souligne celui qui peut lui aussi, grâce au quota acquis, rentabiliser un agrandissement d’étable.