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Près de 40 % des fermes laitières du Québec ont voulu acheter du quota en janvier. Plus précisément, 1 834 fermes ont demandé 20 066 kilos de matière grasse par jour (kg de MG/jour) de quota, mais seulement 411 kg de MG/jour leur ont été alloués, soit 2 % de la demande. Cette difficulté à obtenir du quota, causée notamment par les accords internationaux, freine l’élan des fermes qui avaient investi dans des bâtiments plus grands.
C’est le cas de Martin Beaudry, de Saint-Valérien-de-Milton, en Montérégie. « Quand on a commencé à construire en 2018, on pouvait acheter deux à trois kilos par mois, maintenant, c’est 0,2 kilo par mois. Ça dérange. C’est beaucoup trop lent pour la relève en place. On est en retard sur le plan d’affaires et on n’optimise pas les bâtiments ni les équipements », dit le copropriétaire de la Ferme Beaudry. Son bâtiment inauguré en 2019 possède l’espace pour abriter 200 vaches en lactation, mais l’entreprise en compte 150 présentement. « Pourquoi c’est si lent [pour avoir du quota]? On ne sait pas. Est-ce que les produits qui rentrent de l’Europe et d’ailleurs prennent notre expansion? Est-ce les produits véganes, comme le fromage sans lait? » se questionne-t-il.
L’effet des importations
Les derniers chiffres des Producteurs de lait du Québec (PLQ) datant du 31 décembre 2020 indiquent que la province comptait 4 732 producteurs détenant au total un quota de 385 611 kg de MG/jour. À 24 000 $ le kilo, c’est dire que les producteurs québécois détiennent une valeur de 9,3 G$ en quotas.
Rappelons que les producteurs laitiers peuvent obtenir du quota en achetant celui d’un autre producteur. Ils en obtiennent aussi gratuitement lors des émissions de quotas destinés à tous les producteurs. Ainsi, le système de gestion de l’offre fait en sorte que chaque année, le quota est ajusté en fonction de la demande de lait. La demande du lait de consommation a diminué de près de 160 millions de litres au Canada depuis 2016, mais celle pour produire de la crème, du beurre et des fromages a augmenté. Les besoins totaux de matière grasse ont ainsi augmenté de 10 % lors des trois dernières années au Canada, passant de 373 à 411 millions de kilos de gras.
Pour répondre à cette demande, le quota a été augmenté pour tous les producteurs de 2,6 % lors de l’année 2018-2019, de 1,8 % en 2019-2020 et de 2,6 % en 2020-2021. Ces hausses de quotas auraient pu être encore plus importantes, n’eussent été d’ententes commerciales internationales. Lors des trois dernières années, les importations sont passées de 3 à 13 millions de kg de matière grasse, lesquelles sont venues répondre à 26 % de la hausse des besoins totaux.
Lors de leur réunion de réflexion en novembre dernier, les PLQ ont dit que la progression des importations continuera jusqu’en 2025-2026 et qu’il fallait donc s’attendre à un ralentissement de la croissance du quota alloué aux producteurs québécois par rapport aux besoins totaux. Néanmoins, la Commission canadienne du lait prévoit des augmentations de quotas de 2,4 % en moyenne pour les quatre prochaines années.
En attente du prochain grand coup
Le producteur laitier Jean-Yves Lacoste a ajouté un bâtiment à sa ferme en 2019, lequel est loin d’afficher complet aujourd’hui. Près de 120 vaches en lactation se trouvent dans ce bâtiment d’une capacité maximale de 240 vaches laitières. Mais l’agriculteur ne s’en fait pas. Lui qui avait réussi à doubler son quota en 15 ans, passant de 152 à 342 kg, sait que cet espace sera éventuellement occupé, car il estime qu’un autre « grand coup » s’en vient.
« Je pense que des producteurs vont lâcher dans les prochaines années et qu’il va y avoir beaucoup de quotas à vendre. C’est plate à dire, mais il y a une purge qui s’en vient, car présentement, ce n’est pas tout le monde qui réussit bien dans le lait. La main-d’œuvre, c’est difficile. Des producteurs ont de la difficulté à gérer leurs dettes. D’autres vont devoir investir pour se conformer aux normes de bien-être animal [visant particulièrement la stabulation entravée], et vont peut-être décider de lâcher au lieu de mettre 2 M$ dans quelque chose qui ne rapportera pas plus », anticipe-t-il.
Son point de vue est partagé par un autre producteur qui se prépare à une phase de croissance, Nicolas Mailloux, de Granby. Sa ferme, qui mise sur 320 vaches en lactation, est au maximum de sa capacité. Dès l’arrivée du beau temps, il entamera la construction d’un bâtiment supplémentaire pouvant abriter une centaine de vaches laitières. « Je crois que nous aurons de la croissance [dans le quota] lors des 10 prochaines années. Ça ne rentrera pas de façon régulière, mais il y en aura. Pour différentes raisons, des producteurs lâcheront éventuellement. Il faut que tu sois prêt quand le quota arrive », affirme-t-il. Sa ferme possède déjà un salon de traite, de sorte que son bâtiment supplémentaire ne lui coûtera pas si cher en infrastructures et s’avérera rentable même s’il n’est pas plein au début, argue-t-il.
Des agrandissements qui minent la rentabilité Le conseiller en gestion Luc Gagné, qui accompagne près de 70 fermes laitières, dit que certaines entreprises ont manqué de planification en construisant trop grand sans avoir de quota, ce qui mine leur rentabilité. « Certains ont brûlé des étapes. S’ils ont un bâtiment pour 200 kg, mais qu’ils en produisent 100, ils paient les intérêts, les assurances, la litière, l’entretien d’un bâtiment de 200 kg. Ces charges fixes mettent de la pression sur la trésorerie, même dans des fermes efficaces », remarque-t-il. Lui qui travaille en Montérégie et en Ontario conseille aux producteurs de construire en fonction d’une augmentation maximale de 25 % de quota et de garder en tête que les vaches peuvent augmenter leurs performances de 10 % sur quelques années, ce qui absorbe une partie de la croissance du quota, sans besoin d’agrandir. |