Élevage 26 avril 2018

Les défis du circuit court avec 500 poules

Réussir à vendre les œufs de 500 poules sur les circuits courts n’est pas si simple, même si ces œufs sont produits selon des règles de salubrité similaires à celles des grandes fermes avicoles.

En 2016, les frères Samuel et Élie Bertrand ont remporté le tirage de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec (FPOQ) qui permet à cinq candidats par année d’obtenir le droit de produire des œufs avec 500 poules alors que le maximum autorisé hors quotas est normalement de 100 poules.

La mise en marché est très diversifiée, mais il est quand même difficile d’écouler tous les œufs chaque semaine. La petite ferme Les Cocos locaux vend une partie de ses œufs à la boutique de la ferme familiale Aux Saveurs des Monts, dans divers marchés publics l’été, au Marché de l’Outaouais (un marché de solidarité coopératif avec une boutique en ligne) et au Cercle fermier à cerclefermier.ca. Ce dernier réseau, qui compte sur un circuit déjà établi, permet la livraison partout dans Gatineau à peu de frais. 

Toutefois, comme le programme de la FPOQ est dédié à la vente directe sans intermédiaire, les deux frères ne peuvent pas livrer leurs œufs dans les épiceries. Cela pourrait changer s’ils étaient administrateurs à la ferme Aux saveurs des monts ou y détenaient des participations, puisque celle-ci possède des quotas de poulets. Cela n’est cependant pas prévu à court terme.

Le prix demandé aux consommateurs oscille entre 6 $ et 6,50 $ la douzaine. « On a une clientèle régulière à la ferme », ajoute Samuel.

Une partie des œufs est vendue à la boutique de la ferme des parents de Samuel et Élie Bertrand.
Une partie des œufs est vendue à la boutique de la ferme des parents de Samuel et Élie Bertrand.

La vente directe saturée

Le jeune producteur remarque que le marché devient plus difficile l’été, depuis que les producteurs hors quotas (100 poules) ont obtenu le droit de vendre leurs œufs dans les marchés publics en 2017. Ces agriculteurs n’ayant pas besoin de se conformer aux mêmes exigences réglementaires, leur coût de production peut être moins élevé.

« Ils ne veulent pas qu’on empiète sur le marché des producteurs avec du quota, mais est-ce qu’on peut penser à un compromis? On pourrait être les seuls autorisés dans les marchés publics », suggère Samuel Bertrand, qui pense qu’on assurerait ainsi une plus grande qualité de produit dans les marchés publics en prévoyant notamment des tests pour détecter la salmonelle. D’éventuelles intoxications pourraient mettre en péril la réputation du marché, craint le jeune éleveur. Samuel Bertrand propose aussi la possibilité de laisser des œufs en consigne dans des boucheries ou des magasins d’aliments naturels.

« Si le nombre de poules autorisées sans quota augmente à 300, c’est certain que ça va nous rentrer dans le corps », craint Samuel Bertrand, en pensant à un éventuel changement des règles sur le hors quotas.

Un programme encadré

En plus d’exiger un plan d’affaires, le programme de la FPOQ prévoit en effet de nombreuses règles pour assurer la salubrité des œufs. « On est soumis à des tests pour qu’il n’y ait aucune trace de salmonelle », explique Samuel en entrevue avec La Terre. Les normes de densité d’élevage, de bien-être animal, de réfrigération des œufs et de propreté doivent être suivies « à la lettre ». Elles sont vérifiées sur le même principe que pour les plus gros producteurs. 

Samuel et Élie auraient, par exemple, souhaité construire un petit poulailler sur le site de la ferme familiale de production de poulet Aux saveurs des monts, mais ce n’était pas possible à cause des risques de contamination croisée. Les deux frères ont alors trouvé une petite ferme avec une vieille écurie et des terres un peu à l’abandon. « On a rénové le bâtiment et coulé un plancher de béton avec un chauffage radiant », explique Samuel, qui précise qu’il est plus facile d’obtenir un « bon nid confortable » et une litière sèche avec ce système. 

Toutes ces étapes coûtent cher et c’est la ferme des parents, Sylvain et Suzanne, qui finance le projet des deux fils. Ces derniers louent le bâtiment pour la production des œufs. Financer le tout aurait été difficile pour ces deux jeunes dans la vingtaine, même s’ils travaillaient déjà à temps plein à la ferme familiale. Après un chantier un peu compliqué, les poules brunes sont arrivées en mai 2017.

Les Cocos locaux prévoient bientôt faire l’élevage de leurs poulettes adaptées aux installations (en liberté) et offrir des volailles aux citoyens de Gatineau qui ont obtenu le droit d’élever des poules en ville.

Les poules peuvent sortir dans un enclos extérieur, même si la production n’est pas entièrement biologique à cause du prix du grain certifié.
Les poules peuvent sortir dans un enclos extérieur, même si la production n’est pas entièrement biologique à cause du prix du grain certifié.