Ce contenu est réservé aux abonné(e)s.
Pour un accès immédiat,
abonnez-vous pour moins de 1 $ par semaine.
S'abonner maintenant
Vous êtes déjà abonné(e) ? Connectez-vous
Pour devenir autosuffisante en fourrage, la ferme Barrette et Frère optimise l’utilisation de ses terres en prolongeant le temps passé au pâturage. Voilà l’une des pratiques établies sur cette ferme dont nous faisons le portrait aujourd’hui.
En cette matinée fraîche de septembre, un groupe d’une cinquantaine de taures noires de race Simmental, accompagnées de deux taureaux Angus, pâturent dans les champs vallonnés de la ferme Barrette et Frère, à Saint-Edmond-les-Plaines, dans le nord du Lac-Saint-Jean. Guillaume Barrette, propriétaire de l’entreprise avec son frère jumeau Étienne, regarde son troupeau de bovins fièrement avant de lancer : « C’est le type de vaches qui fait triper les producteurs de bovins en ce moment. »
Au total, l’entreprise agricole possède 255 vaches, réparties en cinq groupes dans les champs. « C’est plus facile de gérer les vaches en petits groupes », remarque le producteur de 37 ans, qui renouvelle environ 15 % du troupeau chaque année et croise les races Simmental et Angus pour offrir un bon rendement sur leur ferme.
Optimiser ses terres
Barrette et Frère comptent 445 hectares de terres cultivables, ce qui leur permet d’être presque toujours autosuffisants pour la production de fourrage. Mais pour atteindre une telle efficacité, il faut optimiser ses terres. Par exemple, les vaches vont paître dans les champs récoltés pour étirer le temps passé au pâturage. « C’est deux à trois fois moins cher de laisser les vaches au champ, soutient Guillaume Barrette. On veut donc les laisser là le plus longtemps possible, jusqu’à la fin octobre. »
Le troupeau passe également l’année à l’extérieur, comme pour la majorité des éleveurs spécialisés au Lac-Saint-Jean, en Abitibi ou encore dans l’Ouest canadien. « C’est une production où la rentabilité n’est pas très forte, dit-il. Il faut donc trouver le moyen d’avoir plusieurs vaches avec moins de capitalisation et le moins de ressources possible. »
Des débuts modestes
C’est en 2003 que les jeunes agriculteurs natifs de Québec, alors âgés de 23 ans, ont fait l’achat de la ferme de Saint-Edmond, après avoir magasiné des terres bon marché dans les régions éloignées. « Pour nous, ce n’était pas un coup de cœur, mais on a trouvé une ferme en activité avec la machinerie et les animaux pour lancer notre projet d’affaires », soutient Guillaume Barrette.
Après avoir racheté le troupeau d’une soixantaine de vaches grâce à une mise de fonds de leurs parents, qui ont déménagé à Saint-Edmond avec eux, les deux frères ont graduellement acquis plus de terres et plus de vaches pour être en mesure de faire vivre deux personnes. Au cours des premières années, Étienne a dû travailler à l’extérieur pour générer suffisamment de revenus, et il a fallu compter une dizaine d’années avant que la ferme n’atteigne une rentabilité intéressante.
« Quand on est arrivés, les terres coûtaient deux fois moins cher qu’aujourd’hui », remarque l’éleveur de bovins, qui s’inquiète de la capacité de la relève agricole à mettre la main sur des terres à un tel prix. Une situation causée en partie par l’accaparement des terres, qui sévit même dans son rang.
Le défi de l’éloignement
De plus, même si l’assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) permet de stabiliser les marchés, l’éloignement cause une perte d’environ 8 % lors du transport, soit 5 % de plus qu’un éleveur qui se trouve à moins de 100 km de l’abattoir. « Si on calcule une perte de 37 lb sur un veau de 750 lb et qu’on multiplie par 240 veaux à 1,80 $/lb, ça fait beaucoup de bidous », illustre-t-il.
Pour réduire les pertes causées par le shrink (rétrécissement), comme on dit dans le jargon, des groupes de producteurs tentent parfois de s’entendre directement avec les parcs d’engraissement pour raccourcir le circuit. « Le nombre d’éleveurs s’effrite et on a perdu le potentiel de vente groupée, parce que ça prend beaucoup de volume, précise l’éleveur. Sans compter que le parc d’engraissement de Saint-Ambroise [à 150 km de la ferme] a fermé il y a deux ans. »
Aujourd’hui, le producteur est fier de l’entreprise à taille humaine qu’il a bâtie avec sa famille, mais il s’inquiète tout de même pour la relève et l’avenir du métier. « On dirait que notre capacité d’adaptation n’est pas suffisante face à tous les changements qui arrivent », conclut Guillaume Barrette en citant un autre producteur.