Élevage 31 janvier 2018

Les agrandissements seront soumis aux règles environnementales les plus strictes

Si Québec va de l’avant avec son projet de règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement, plusieurs fermes de production animale qui désirent prendre de l’expansion devront se soumettre au même règlement environnemental que des projets industriels comme l’exploitation d’hydrocarbures, l’activité minière et la gestion de déchets radioactifs. Des centaines de milliers de dollars sont en jeu.

Le projet de modifications au Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement (REEIE) fait actuellement l’objet d’une consultation publique qui se terminera en février. Crédit photo : Archives TCN
Le projet de modifications au Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement (REEIE) fait actuellement l’objet d’une consultation publique qui se terminera en février. Crédit photo : Archives TCN

« C’est carrément une mesure abusive qui ne tient pas compte de la réalité. Si on n’avait aucune exigence environnementale, je comprendrais. Mais le secteur agricole est, au contraire, déjà très réglementé et très supervisé », fulmine Michel Daigle, président du comité de mise en marché des bouvillons d’abattage des Producteurs de bovins du Québec (PBQ). Il indique que si le nouveau règlement entre bel et bien en vigueur le 23 mars prochain, une ferme de bovins de boucherie de taille moyenne qui détient un peu plus de 1500 bouvillons en inventaire et qui voudra prendre de l’expansion devra procéder à une étude d’impact environnemental pouvant entraîner des coûts de plus 150 000 $. « Ce sera un énorme gaspillage de temps et d’argent », dénonce M. Daigle, lui-même éleveur en Montérégie.

Le lieu d’élevage

Jusqu’à maintenant, seuls les projets qui dépassaient 600 UA dans un même bâtiment devaient être assujetties au REEIE. Certains avaient donc décidé de construire un nouveau bâtiment à côté du premier pour accroître leur nombre d’animaux. Dans la nouvelle version du règlement qui est proposée, tous les bâtiments à moins de 150 mètres l’un de l’autre ou partageant un même ouvrage de -stockage des déjections seront considérés comme un seul et même lieu d’élevage.

À Tingwick, au Centre-du-Québec, le producteur laitier Yves Roux est impliqué dans ce processus depuis 2013. Les propriétaires de la Ferme Roulante demandent les autorisations environnementales nécessaires pour traire jusqu’à 1 400 vaches sur un même site. « Ce sont des questionnaires inimaginables à remplir et plusieurs centaines de milliers de dollars qu’on paye en honoraires professionnels et autres pour faire avancer cette étude d’impact. Disons qu’on n’aurait jamais pensé que ce serait si long, mais je pense qu’on arrive au bout du processus », dit-il. La démarche est sérieuse. Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) tient d’ailleurs, jusqu’au 9 mars prochain, une période -d’information et de consultation sur le dossier de la Ferme Roulante.

Depuis l’entrée en vigueur du REEIE, le 30 décembre 1980, neuf entreprises agricoles se sont risquées à accroître leurs activités pour être assujetties au règlement, dont la Ferme Roulante. L’Union des producteurs agricoles (UPA) estime maintenant que plus d’une centaine d’exploitations seront contraintes par ce règlement dès qu’une augmentation du cheptel sera considérée. Elles seront gelées à leur niveau actuel puisqu’elles se retrouvent déjà avec des installations au-delà du seuil de 600 UA.

Ce qu’ils ont dit

« On veut diminuer le plus possible le nombre de projets assujettis à ce règlement. La volonté du ministre Lessard est d’augmenter les superficies cultivées et la production agricole. Il faut réduire les barrières réglementaires [pour y arriver]. »
– cabinet du ministre de l’Agriculture Laurent Lessard

« Les délais de traitement seront réduits. Quant aux coûts liés à la procédure d’évaluation, ils doivent représenter une partie des coûts gouvernementaux encourus par l’analyse de ces projets. »
– cabinet de la ministre de l’Environnement Isabelle Melançon

« Je me demande comment un gouvernement peut publier un tel règlement sans avoir fait plus  de travail en amont pour en mesurer les impacts et s’assurer de la pérennité des entreprises. »
– André Villeneuve, porte-parole officiel du Parti québécois en matière d’agriculture

« On prend ce projet [de modifications réglementaires] très au sérieux. On est en train d’analyser ça. »
– Nicolas Poirier-Quesnel, directeur principal aux communications et aux affaires publiques à La Coop fédérée

Avec la collaboration de Julie Mercier et Thierry Larivière

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