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SAINT-DAMIEN – La hausse du prix des veaux d’embouche, en 2024, a incité La Financière agricole du Québec (FADQ) à ne pas verser l’avance de l’Assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) traditionnellement octroyée aux éleveurs en juillet. Il s’agit d’une première en près d’une décennie, qui prive certains producteurs de liquidités dans une période cruciale de l’année.
Accoté sur la barrière de son bâtiment d’élevage, Martin Drainville explique que l’avance de paiement du mois de juillet est pour lui la plus importante de l’année. « Dans la production de vache-veau, 70 % de nos dépenses sont reliées à l’alimentation du troupeau, et l’alimentation se [produit] tout l’été », dit le producteur de Saint-Damien, dans Lanaudière.
Pour obtenir des liquidités, le producteur a réduit la taille de son troupeau un peu plus tôt en saison. Dix-huit veaux et bouvillons, sur un cheptel d’environ 300 têtes, ont pris la direction de l’encan. C’est que Martin Drainville s’attendait à une telle annonce de la Financière.
Hausse de 19 % sur le marché
La Financière a choisi de ne pas procéder au paiement anticipé de juillet pour plusieurs raisons. D’une part, car les prévisions de prix de marché en 2024 sont d’environ 350 $ de plus par tête qu’en 2023, au Québec. Cela représente une hausse de 19 %, estime la Financière. « Ce qu’on vit présentement, ce sont des prix records à vie, mais ce sont des coûts de production records à vie aussi », souligne Martin Drainville, qui est également président du comité de mise en marché des veaux d’embouche aux Producteurs de bovins du Québec (PBQ).
Malgré des prévisions de prix plus élevés, la Financière a effectivement confirmé à La Terre que ceux-ci ne couvriront pas les coûts de production. Conséquemment, si la tendance de prix se maintient, les éleveurs recevront un paiement d’ASRA pour l’année 2024 au printemps 2025.
Éviter le remboursement
La directrice générale adjointe des PBQ, Eve Martin, explique que si le premier versement anticipé d’ASRA n’est pas octroyé en juillet, c’est notamment pour éviter que les producteurs reçoivent plus d’argent que prévu et aient à rembourser la Financière en fin de compte. « On convient de ne pas verser d’avance au mois de juillet pour s’assurer que si jamais les prix de marché devaient augmenter à l’automne, qu’au moment du paiement final, les producteurs pourront recevoir un montant de la Financière et non pas devoir payer une facture parce qu’on en aurait trop versé au moment des avances », dit-elle.
De plus, la Financière justifie sa décision par la faiblesse du montant qui aurait été versé aux éleveurs en juillet. En effet, l’avance de paiement versée au mois de juillet ne représente que 50 % du paiement final attribué au printemps suivant et la prime d’assurance que les producteurs versent à la Financière pour bénéficier de l’ASRA est exigible lors de cette même avance du mois de juillet. Conséquemment, « le montant net versé aux adhérents aurait été très faible », indique la conseillère en communication de la FADQ, Stéphanie Roy-Bourget. Pour la deuxième avance, habituellement effectuée en décembre, poursuit-elle, la Financière va réévaluer la situation et analyser les données qui seront disponibles à ce moment-là.
Depuis 20 ans, 2015 est la seule année où les producteurs de veaux d’embouche n’ont pas bénéficié de l’ASRA en raison des forts prix sur le marché.
Coûts de production non représentatifs
Les coûts de production utilisés par la Financière pour calculer les compensations anticipées de l’Assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) ne sont pas représentatifs de la réalité, croit Martin Drainville. Le coût de production est calculé en fonction des dépenses effectuées à la ferme, mais le veau d’embouche est une production à faibles revenus dans laquelle les éleveurs peinent à investir, précise-t-il. « La machinerie est trop dispendieuse. Il y a plein de choses trop dispendieuses qui font qu’on n’investit pas parce qu’on n’est pas capables », dit-il. Cela empêche les producteurs de veaux d’embouche de suivre les autres productions agricoles, soutient le producteur. De plus, le coût des dépenses comme les loyers de terre, les taxes ou encore le carburant ont augmenté de manière importante. Il en va de même pour la relève animale. « Oui, on va vendre une vieille vache à la réforme 2 500 $, par exemple, mais quand on se revire de bord pour acheter une taure gestante, c’est 3 500 $-4 000 $. Tout est exponentiel, donc au final, on n’est pas plus riches; on est plus pauvres », estime-t-il.
Naisseur-finisseur depuis peu
Martin Drainville élève des veaux d’embouche depuis 20 ans. Toutefois, depuis deux ans, le producteur de Saint-Damien, dans Lanaudière, fait le pari de ne plus vendre ses veaux aux parcs d’engraissement. « Je suis naisseur-finisseur. Quand le veau part de chez nous, il s’en va directement à l’abattoir », dit-il. Bien qu’il soit trop tôt, selon lui, pour évaluer la rentabilité de cette nouvelle stratégie, il mentionne l’avoir fait pour éliminer des intermédiaires. Il vend donc l’entièreté de sa production à un abattoir. Il a également adopté cette nouvelle stratégie parce qu’étant producteur de grandes cultures, il était en mesure de cultiver lui-même ce qui sert à l’alimentation des animaux.