Économie 20 octobre 2023

Une autre hausse de taux à prévoir en janvier?

Les agriculteurs qui espèrent une baisse des taux à la fin 2023 pourraient bien être déçus. « Il n’y aura pas de répit pour les taux. Aucun soulagement avant 12 mois. Même que les marchés anticipent une hausse de taux, peut-être en janvier », rapporte Jean-Philippe Gervais, économiste en chef chez Financement agricole Canada (FAC), en entrevue avec La Terre.   

M. Gervais remarque que les ratios financiers des fermes sont plus serrés. « Mais c’est une situation à prendre avec des nuances », souligne-t-il, indiquant que la grande majorité des agriculteurs chez FAC avaient sécurisé leurs emprunts sur du long terme, ce qui les protège d’une portion de la présente hausse des taux. De plus, il rappelle que l’équité des fermes, c’est-à-dire leur valeur, a connu une forte hausse ces dernières années, ce qui est positif.  

L’économiste remarque qu’avec le contexte actuel, les producteurs affichent une plus grande prudence dans leurs décisions d’affaires, mais plusieurs demeurent néanmoins optimistes.

Les gens gardent le cap; certains poursuivent leur stratégie d’expansion, pour leur relève, etc.

Jean-Philippe Gervais, économiste en chef chez Financement agricole Canada

Marges en baisse dans les grandes cultures

Jean-Philippe Gervais s’attend à ce que les marges bénéficiaires plongent chez les producteurs de maïs et de soya. Il spécifie que les marges moyennes brutes dans ces deux cultures pour le Québec et l’Ontario étaient de 450 $ l’acre en 2021, de 470 $ l’acre en 2022, mais de seulement 175 $ l’acre en 2023. Une marge brute de 175 $ l’acre cette année signifierait, selon lui, un profit avoisinant 0 $ l’acre.

Sauf que le prix des terres continue de grimper (voir l’encadré), un phénomène qui démontre la richesse de certaines fermes. Dans le secteur laitier, M. Gervais évalue que, selon l’éventuelle hausse du prix du lait, les entreprises devraient dégager des bénéfices, lesquels seront également guidés par le coût de certains intrants qui diminuent, l’alimentation par exemple.

Les autres secteurs d’élevage, comme le porc et le bovin, devraient également bénéficier d’une baisse des coûts d’alimentation. Il tient à préciser qu’avant de brosser un bilan, beaucoup de questions demeurent en suspens, comme la volatilité du prix de l’énergie, etc.

Le prix des terres grimpe encore au Québec

L’analyse de mi-année de Financement agricole Canada, sur la valeur des terres fait état d’une autre hausse, le Québec étant même la deuxième province, derrière la Saskatchewan, enregistrant les hausses moyennes les plus élevées au Canada pour les six premiers mois de 2023. La valeur des terres au Québec s’est ainsi accrue de 10,6 % en moyenne, contre 6,9 % pour l’Ontario et 7,7 % pour l’ensemble du Canada.

Le nombre limité de terres agricoles à vendre et la richesse de certaines fermes expliquent principalement ces statistiques, souligne Jean-Philippe Gervais, économiste en chef chez FAC. « Ça ne prend pas beaucoup d’acheteurs pour compétitionner [et créer de la surenchère]; ça en prend seulement deux. Aussi, rappelons-nous que les années 2021 et 2022 ont été d’excellentes années [profitables] et la hausse des taux s’est matérialisée tard », fait-il valoir.

Jean-Philippe Gervais s’attend toutefois à ce que le rythme de l’augmentation du prix des terres diminue.

Baisse du prix des terres dans une région de Colombie-Britannique

La Colombie-Britannique affiche une variation de la valeur des terres égale à 0,0 % et même une légère décroissance de la valeur des terres dans l’une de ses régions. La décroissance du prix des terres est inhabituelle pour le milieu agricole et M. Gervais l’explique par un prix des terres devenu tout simplement trop élevé à cet endroit, jumelé à la hausse des taux d’intérêt.