Économie 20 août 2024

Un programme de subventions agroenvironnementales crée des mécontents

Dans la foulée des subventions de près de 300 M$ octroyées par le gouvernement fédéral pour diminuer les gaz à effet de serre en agriculture, des producteurs et des conseillers ont été déçus de se retrouver le bec à l’eau. 

Stéphane Bégin

« Le programme de gestion des pâturages [de l’Association canadienne pour les plantes fourragères] a été catastrophique ici. On a été en gestion de déception plus qu’autre chose », raconte Julie Potvin, agronome et directrice générale de JMP Consultants, une firme de
services-conseils de Rimouski spécialisée en agroenvironnement, en agroalimentaire et en agroéconomie. 

Un des conseillers membres de son équipe, Stéphane Bégin, explique qu’une seule demande de subvention pour un producteur bovin qui désirait établir un pâturage intensif lui prenait environ une douzaine d’heures de travail.

On a monté des dossiers pendant presque un mois et demi, et on s’est dépêchés pour que les dossiers passent, mais à la dernière seconde, on nous a dit que les budgets étaient atteints. Il a fallu facturer nos clients pareil, même s’ils n’ont rien eu des subventions. C’est déplaisant pour eux et aussi pour nous, qui avons travaillé sans que ça serve

Stéphane Bégin

Celui qui est agronome comprend que ses clients n’étaient pas les seuls à désirer cette subvention du fédéral offerte dans le cadre du Fonds d’action à la ferme pour le climat, mais il estime qu’une meilleure communication de l’organisme responsable des subventions aurait minimisé les déceptions. En effet, sur 15 producteurs de sa clientèle qui voulaient ladite subvention, un seul a été accepté en 2023 et deux en 2024. « Une bonne partie des autres producteurs ont été échaudés et ont mis ça de côté maintenant; ils disent qu’ils ne veulent plus se badrer avec ce programme de subventions », constate le conseiller.

Le conseiller affirme cependant que les trois producteurs dont le dossier a été accepté bénéficient d’une aide fort intéressante. L’installation des dispositifs de pâturage intensif est complétée ou pratiquement terminée dans les trois cas. L’achat de clôtures, de conduites d’eau et la configuration des parcelles en fonction d’une courte rotation des animaux ont été financés en grande partie par le fédéral. « Les animaux sont dedans et ça fonctionne. Soixante-dix pour cent du montant total a été couvert par la subvention; ce n’est pas négligeable », dit-il. 

Victime de son succès

À l’Association canadienne pour les plantes fourragères, Travis Quirk, responsable de la mise en œuvre de ce programme de subvention du fédéral doté d’une enveloppe de 16,6 M$, fait remarquer que le programme a été victime de son succès, avec une demande très forte au Québec. « De nombreux producteurs ont demandé et reçu du financement. [En date du mois de mai], nous avons approuvé 124 projets au Québec et payé environ 1,5 M$ aux producteurs. D’autres projets seront approuvés et s’ajouteront à ces totaux dans l’année », souligne-t-il.  

Au sujet des déceptions de certains agriculteurs, il souligne que la popularité du programme et ses fonds limités les ont contraints à prendre des décisions difficiles et à choisir les meilleurs projets. Il ajoute que les plans préparés par les conseillers qui n’ont pas été retenus ne sont pas perdus. Ils pourront servir à postuler sur de futurs programmes et ils représentent un atout, dit-il, pour les fermes qui veulent emboîter le pas d’une agriculture durable.

Des façons de faire différentes

De son côté, Julie Potvin indique que le programme du Fonds d’action à la ferme pour le climat du fédéral est bénéfique dans son ensemble. Elle se questionne toutefois sur la structure de distribution des subventions, expliquant que ces dernières ont été gérées par différents organismes, dont l’Union des producteurs agricoles, Ecocert Canada, les Producteurs de grains du Québec, l’Association canadienne pour les plantes fourragères, etc. Chacun avait des intervenants différents, des façons de faire qui pouvaient différer sur le terrain et globalement une gestion des fonds qui pouvait varier, observe-t-elle, se demandant s’il n’aurait pas été plus simple, pour les producteurs et les conseillers, d’avoir accès aux subventions par le biais d’un seul organisme central au lieu de plusieurs.