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La croissance fulgurante du nombre de distilleries ces dernières années et de l’offre de spiritueux entraîne de la congestion dans les points de vente de la Société des alcools du Québec (SAQ), plaide l’Union québécoise des microdistilleries (UQMD). Des joueurs bien implantés, et dont les produits sont pourtant populaires, perdent de l’espace tablette.
« C’est devenu free for all », fait valoir le président de l’organisation, Joël Pelletier, qui est aussi copropriétaire de la Distillerie du St. Laurent, à Rimouski. Son Gin St. Laurent, par exemple, pourtant bien établi et qui génère de bonnes ventes, n’est désormais distribué que dans 150 succursales de la SAQ, alors qu’en 2016, il était présent dans 320 succursales. « C’est une baisse de plus de 50 %, et la glissade se poursuit », affirme-t-il.
Nicolas Briault, copropriétaire de la Distillerie 3 Lacs, à Salaberry-de-Valleyfield, en Montérégie, note de son côté que son Gin Pamplemousse Romarin, qui était commercialisé dans 320 points de vente en 2020, n’est désormais accessible que dans 220 succursales.
Cet engorgement, reconnaît Joël Pelletier, découle entre autres d’une demande des microdistilleries, en 2015, de faciliter l’introduction de leurs produits à la SAQ. « Ça a été entendu. Ça a mené à la création de plusieurs microdistilleries au Québec ». Le nombre est passé d’une dizaine en 2016 à environ 70 aujourd’hui. La SAQ confirme, de son côté, que le nombre de prêts-à-boire et de spiritueux offerts dans ses magasins a bondi de 454 en 2020 à 679 en 2022.
« Jusqu’à présent, nous avons été en mesure de faire de la place dans notre réseau à absolument tous les producteurs qui désiraient faire affaire avec la SAQ. Évidemment, nos tablettes ne sont pas élastiques et puisque l’offre est sans cesse grandissante, il est impossible de présenter tous les produits dans toutes nos succursales », a confirmé par courriel l’agente d’information aux affaires publiques et aux communications de la SAQ, Linda Bouchard. Elle spécifie en revanche que les ventes annuelles de spiritueux et de prêts-à-boire ont aussi grimpé considérablement sur la même période, se chiffrant à 558,6 M$ en 2022, comparativement à 466,4 M$ en 2020.
Une meilleure gestion réclamée
Cette volonté de la SAQ de faire de la place à tous les produits entraîne un nouveau problème, estime le président de l’UQMD, qui souhaiterait qu’une gestion plus serrée de l’offre soit faite, en tenant compte de la demande pour chaque spiritueux. « Actuellement, peu importe s’il y a une surreprésentation d’un produit dans une catégorie ou pas, peu importe si le produit a une pertinence commerciale ou pas, la SAQ l’accepte. […] Qu’un produit vende 25 bouteilles par mois par succursale ou qu’il en vende 2 bouteilles par mois par succursale, ils sont distribués au même niveau. […] Ce qui fait en sorte que des produits qui performent bien, que les gens aiment, retrouvent [le même espace tablette que les produits moins performants] », fait valoir M. Pelletier.
Selon lui, « un ménage » devrait être fait, car la place limitée nuit à la rentabilité de plusieurs distilleries, indique-t-il, appuyant ses dires sur un sondage mené par l’UQMD auprès de ses membres.
« Il y a trop de distilleries en activité au Québec. […] Il y a trop de produits pour que ce soit sain. Si le contexte de distribution ne permet pas à 70 distilleries d’être rentables, il y en a trop. »
De son côté, Linda Bouchard a confirmé la volonté de la SAQ de collaborer avec l’UQMD, en vue « d’une gestion de l’offre saine et équitable pour tous ». Des discussions sont d’ailleurs en cours en ce sens, dit-elle. « Nous, on voit ça comme des opportunités de se réinventer et de faire les choses autrement pour que ça marche, mentionne Mme Bouchard. C’est vraiment dans cette optique qu’on travaille avec l’industrie. Il n’y a pas une succursale qui a tous les produits. Ce qui est important, c’est que le bon produit soit au bon endroit. »
Rentabilité ardue pour les produits 100 % locaux Le directeur général de Patates Dolbec, Hugo D’Astous, qui a démarré sa distillerie il y a quelques années avec trois autres propriétaires, commercialise maintenant plusieurs produits à la SAQ, dont sa vodka à base de pommes de terre cultivées localement. Ce dernier avoue toutefois que la rentabilité des produits dont la fabrication est 100 % locale est ardue, en raison de l’espace tablette restreint à la SAQ et des coûts de production élevés que cela requiert. Il estime que les produits entièrement québécois, du grain à la bouteille, devraient être mis de l’avant davantage par rapport à ceux qui ont seulement été distillés, embouteillés ou assemblés au Québec. Ces derniers, parce qu’ils sont beaucoup plus nombreux, inondent l’espace tablette, estime-t-il. La SAQ affirme mettre de l’avant les produits entièrement conçus localement étiquetés « Origine Québec », avec la création de l’Espace Québec sur son site Web. Une promotion exclusive aux produits Origine Québec a aussi été lancée durant la dernière année. |