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Le Réseau canadien des coûts de production vache-veau se base sur une approche méthodologique uniformisée qui permet de comparer des systèmes de production à travers le Canada.
Les données proviennent d’entreprises avec des systèmes de production similaires, réunies en groupe de discussion. Ce sont 115 entreprises qui ont généreusement accepté de partager leurs connaissances et leurs données pour produire 25 fermes repères. Pour le Québec, quatre modèles sont disponibles pour se comparer. Il est pertinent de se comparer à un modèle dont les caractéristiques ressemblent à celles de notre ferme, pas juste à la moyenne provinciale de coût de production.
Résultats économiques
Le premier constat quand on regarde les données est l’immense variété des façons de faire à travers le Québec et le Canada. La période d’hivernage, de vêlage, l’accès aux terres de la Couronne et la vente de cultures en sont quelques exemples. Pour le Québec, le Programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) est un élément distinctif qui influence certainement les décisions des entrepreneurs. La présence plus répandue de semi-finition en témoigne.
Voici donc les principales différences constatées entre les fermes du Québec et celles des autres provinces. Afin de simplifier, nous comparons ici un modèle de 150 vaches produisant la totalité des fourrages avec des fermes de 90 à 245 vaches des autres provinces ayant des caractéristiques similaires. Le tableau 1 présente la marge sur coûts totaux par vache. Le code réfère à la codification de Canfax.
Le Québec se positionne donc en milieu de peloton en termes de marge sur coûts totaux. Voyons plus en détail ce qui explique cette position.
Du côté des revenus, le poids de vente plus élevé et la présence de programmes gouvernementaux font en sorte que le Québec affiche le revenu par vache le plus élevé. La semi-finition influence également les déboursés monétaires puisqu’on y retrouve les frais d’achats d’alimentation. En termes de répartition des dépenses, le Québec est similaire aux autres provinces.
C’est du côté des charges calculées pour l’amortissement et la rémunération du travail qu’on observe des écarts importants. L’actif par vache, et donc l’amortissement, est plus du double de celui répertorié dans les autres provinces. Quant à la rémunération du travail, le constat est similaire. Même avec un taux horaire moyen (basé sur le taux des salariés) légèrement inférieur, la dépense par vache est deux fois plus élevée.
Les indicateurs techniques
Du côté technique, le Québec se distingue avec des poids de vente plus élevés, ce qui explique en partie les revenus par vache plus élevés. Toutefois, lorsqu’on regarde le nombre de livres au sevrage, il se situe dans la moyenne.
Quant à l’alimentation, les résultats du Québec sont également dans la moyenne parmi les fermes repères présentées. Il faut toutefois souligner qu’elles ont été choisies selon la durée d’alimentation hivernale; elles sont généralement les plus nordiques des autres provinces. De manière générale, les autres provinces ont une durée d’alimentation hivernale complète inférieure à celle du Québec. La couverture de neige plus faible donne accès à des techniques pour compléter et prolonger le pâturage.
Ce qui distingue le plus le Québec est le temps consacré aux animaux. Il est près du double de celui observé dans les autres provinces. Ce constat est difficilement explicable seulement par la présence de semi-finition et la rigueur de l’hiver considérant que les fermes repères présentées ont un hiver similaire.
Les constats issus de cette comparaison seraient relativement similaires pour un modèle d’environ 50 vaches, quoique moins clair en raison de la diversification des façons de faire pour cette strate de taille. Le Québec mise davantage sur la productivité et des veaux plus lourds pour augmenter ses revenus, alors que les autres provinces optent pour une diversification avec la vente de cultures ou la commercialisation directement aux consommateurs. À noter que cette strate de taille achète généralement une plus forte proportion des fourrages, ce qui a désavantagé les fermes repères du Québec dans un contexte de prix élevé du foin en raison de la sécheresse.
Tendances provinciales
Jusqu’ici, nous avons comparé une ferme repère du Québec avec des fermes similaires dans les autres provinces. Le réseau canadien des coûts de production permet également d’identifier certaines tendances provinciales dans les fermes repères. Une ferme repère est considérée comme une ferme typique de cette région.
Les provinces de l’Ouest canadien ont répertorié des fermes généralement de plus grande taille, et avec une portion plus importante de leurs revenus en provenance de la vente de cultures. Du côté de l’alimentation, elles peuvent avoir accès aux pâturages sur les terres de la Couronne et utilisent aussi l’ensilage de céréales dans les régions les plus productives. La semi-finition des veaux se fait généralement à partir de maïs fourrager qu’on fait pâturer. Leur marge sur coûts totaux est en moyenne plus élevée qu’ailleurs au Canada.
L’Ontario a identifié des fermes repères de taille similaire à celle du Québec. La période d’alimentation hivernale y est un peu plus courte et on répertorie moins d’actif bâtiment. Les fermes produisent généralement des cultures pour la vente et utilisent un peu de sous-produits dans leur alimentation, selon la disponibilité. Leur marge se situe en général entre celle des provinces de l’Ouest et celle du Québec.
Les Maritimes ont opté pour des fermes de plus petite taille, dont l’alimentation est principalement constituée de foin et ensilage en bale grazing. Elles commercialisent une partie de leurs veaux et vaches de réforme directement aux consommateurs. Leur marge serait en moyenne plus basse que le reste du Canada.
Mais au-delà des chiffres, le projet génère des constats qui méritent d’être partagés.
Le réseautage
Le premier objectif du Réseau est de susciter des échanges entre les producteurs agricoles. Les rencontres des groupes de discussion se voulaient d’abord une occasion de partager ses expériences, tant bonnes que mauvaises, de découvrir des astuces et ainsi s’améliorer et apprendre en groupe. Malgré les rencontres virtuelles, pandémie oblige, les entreprises participantes ont apprécié cette opportunité qu’on ne saisit que trop rarement.
Des entreprises de toutes les régions, de toutes les tailles, en démarrage, en fin de croisière; des vêlages de printemps, d’automne; des conseils de sage, d’autres un peu moins; mais surtout des productrices et des producteurs jeunes d’âge ou de cœur font en sorte que les résultats ne sont probablement pas représentatifs statistiquement, mais sont le reflet de la réalité des entreprises. J’ai eu le privilège d’animer les rencontres et je me permets de partager mon humble synthèse des échanges.
De judicieux conseils
Une expression empruntée d’un participant résume bien les conseils : faire mieux à l’intérieur des mêmes clôtures. En prenant le temps d’y réfléchir, on trouve des solutions pour perfectionner ce qu’on fait, tant dans l’organisation du travail, le choix des intrants ou dans ses façons de produire. C’est ainsi qu’on réduit ses coûts de production, en optimisant les ressources à notre disposition. Se fixer des objectifs simples et atteignables, c’est souvent l’investissement le plus rentable.
Un autre conseil qui ressort des discussions est simplement d’aller voir ce qui se fait ailleurs. Visiter des fermes, s’impliquer, multiplier les occasions de parler à d’autres producteurs, ça ne coûte pas cher et c’est la meilleure façon d’apprendre des erreurs des autres et de s’améliorer.
Pour plusieurs producteurs, le succès se définit comme aimer ce qu’on fait. L’agriculture est un métier de passion et on doit viser à créer un climat de travail agréable pour atteindre une qualité de vie. Planification des tâches quotidiennes, installations adéquates, équilibre travail-famille et recours à de l’expertise externe sont quelques suggestions de producteurs d’expérience.
Recommandation à la relève
Les producteurs en démarrage ont beaucoup de décisions à prendre pour le futur de leur entreprise. Les plus expérimentés recommandent donc de travailler avec son environnement d’affaires et non contre lui. Des animaux de bonne qualité avec une alimentation et des infrastructures adéquates constituent la base. Ensuite, la gestion des ressources (animaux, travailleurs, investissements) doit être planifiée et efficiente pour arriver au succès.
La gestion financière revient régulièrement dans les conseils. Procéder lentement pour s’assurer de contrôler ses coûts et ne pas trop s’endetter est primordial. Pour appuyer la gestion, la prise de bonnes données afin de prendre des décisions éclairées est la clé du succès. Finalement, le réseautage permet d’apprendre de l’expérience des professionnels et producteurs, et ainsi de mieux choisir ses pratiques et un style de gestion adapté à son entreprise.
Projet réalisé par Canfax Research Services avec la participation des coordinateurs provinciaux et la contribution financière du Beef Cattle Research Council. Consultez le site Internet de Canfax (en anglais) pour le détail de l’approche méthodologique, les résultats des 25 fermes repères et des analyses de résultats.
Jean-François Drouin, agr., MBA / Économiste principal, CECPA
Cet article est paru dans l’édition de Bovins du Québec publié le 2 février 2022