International 23 octobre 2022

L’Argentine prête à ravir à l’Ukraine la place de premier exportateur mondial d’huile de tournesol

La culture du tournesol, délaissée en Argentine, suscite un vif regain d’intérêt général.

Le pays sud-américain est capable à court terme de doubler le volume de ses exportations d’huile, comme autrefois, et plus encore.

Enquête à Buenos Aires.

Les cultivateurs de tournesol d’Argentine se sont donné rendez-vous et mis en ordre de bataille, avec les huiliers et les semenciers à leurs côtés, le 4 août dernier, dans l’auditorium Jean-Paul II de l’Université Catholique Argentine, sise à Buenos Aires dans le quartier huppé de docks retapés de Puerto Madero. Ils ont répondu à l’appel de leur inter-filière, l’Association argentine du tournesol (ASAGIR), à l’occasion d’un séminaire technique effervescent.

Leur mot d’ordre : redevenir, au plus vite, les premiers exportateurs de la planète d’huile de tournesol. Un rang que l’Argentine a perdu, au fil des vingt ans écoulés, au profit de l’Ukraine. Or, les déboires des Ukrainiens à la suite de l’invasion militaire russe font que l’ambition à l’export des Argentins est non seulement retrouvée, mais doublée d’un certain sentiment de devoir.

En sont-ils capables? Leur moisson record remonte déjà loin, à la saison 1998-1999, à hauteur de 7,1 millions de tonnes (Mt) ayant donné grosso modo 3 Mt d’huile dont 2,5 Mt disponibles pour l’exportation. Quelle chute, depuis! « La saison dernière (campagne 2020-2021), nous avons exporté entre 800 000 et 900 000 t d’huiles de tournesol, raffinées ou non, issues d’une récolte de 3,4 Mt », informe Jorge Ingaramo, l’expert marché d’ASAGIR.

Cette inter-filière a été créée en 2002 dans l’urgence de relancer la culture de l’oléagineux en région pampéenne. La sole de tournesol y a fondu comme neige au soleil face au succès phénoménal du soya boosté par la technologie Roundup Ready tôt adoptée par les fermiers et les pools de semis argentins. Les surfaces semées en tournesol sont ainsi passées de 4,2 millions d’hectares (Mha) en 1998-1999 à 1,6 Mha l’an passé. On mesure là tout le potentiel de croissance, latent, de l’Argentine.

Or, sur le marché mondial, l’huile de tournesol entre en compétition quasi directe avec l’huile de canola. « Les principaux importateurs d’huile de tournesol d’origine argentine sont, dans cet ordre-là, le Moyen-Orient et le Maghreb (à hauteur de 28 %); l’Inde (26 %); l’Union européenne (15 %) et la Chine (15 %), ce dernier étant le marché le plus dynamique des quatre », précise M. Ingaramo.

Selon lui, à l’issue de la campagne en cours (2021-2022), la valeur des exportations argentines d’huile de tournesol pourrait atteindre 1,7 G$ US. En hausse spectaculaire par rapport au chiffre engrangé l’an dernier, autour de 1,3 G$ US, lequel doit beaucoup, certes, à la hausse des cours.

Alfredo Gonzalez, de l’Association de coopératives d’Argentine, est un expert en conduite de culture du tournesol. Photo : Marc-Henry André
Alfredo Gonzalez, de l’Association de coopératives d’Argentine, est un expert en conduite de culture du tournesol. Photo : Marc-Henry André

Cet appel du pied se fait néanmoins déjà sentir de par les Pampas : « La marge brute escomptée à l’hectare, avec un tournesol, en motive plus d’un », confirme l’agronome Alfredo Gonzalez, de l’Association argentine de coopératives (ACA). « Le tournesol se cultive en Argentine sous de très diverses latitudes. Au nord du pays, la récolte commence en décembre et se finit en région pampéenne jusqu’en mai. De ce fait, les huiliers travaillent sans arrêt presque toute l’année », souligne-t-il.

Seule une offre limitée de semences, ainsi que les dégâts provoqués par les oiseaux ravageurs, pourraient freiner la renaissance attendue du tournesol en Argentine.

M. Gonzalez conseille aux cultivateurs de synchroniser la période de floraison des parcelles, afin de réduire leur temps d’exposition aux ravageurs ailés, et une densité de semis d’au moins 45 000 graines par hectare, pour diminuer aussi bien la pression des adventices (mauvaises herbes) que le nombre de plants susceptibles d’être couchés par le vent.

Marc-Henry André, collaboration spéciale


Ce texte provient du cahier Grains publié dans La Terre de chez nous du 19 octobre 2022