Économie 18 juillet 2022

La hausse des taux d’intérêt fragilise les agriculteurs

Le taux directeur de la Banque du Canada s’est accru de 1 % pour atteindre 2,50 % le 13 juillet, alors qu’il était de 0,25 % il y a quelques mois à peine. Voilà qui fragilise encore davantage les producteurs agricoles déjà aux prises avec la hausse des coûts de production. 

Sébastien Pouliot
Sébastien Pouliot

L’économiste agricole supérieur chez Financement agricole Canada (FAC), Sébastien Pouliot, estime que la nouvelle hausse enregistrée est exceptionnelle. Elle a pour objectif de réduire l’inflation, qui pourrait atteindre 8 % dans les prochains mois, fait-il valoir.

M. Pouliot précise qu’au Canada, en 2019, 44 % des producteurs possédaient un taux variable, mais que cette proportion s’est amoindrie au profit des emprunts à taux fixes au fil du temps. Depuis six mois, les conseillers financiers de FAC ont fortement incité les producteurs à fixer les taux d’intérêt de leurs emprunts. « Pour les prêts à taux fixe, il n’y aura pas de changements [immédiats, sauf lorsqu’il faudra les renouveler]. Là, ils auront des taux d’intérêt plus élevés dessus », ­souligne l’économiste.

Le taux d’intérêt sur le prêt de 2,5 M$ du producteur de veau d’embouche Augustin Cormier, au Témiscamingue, est fixé pour les douze prochains mois. « Mon banquier m’a appelé [la veille de la hausse du taux directeur] pour me dire que j’étais un des rares qui a fait un bon coup en le fixant au mois de décembre l’an passé parce que sur trois ans, ça m’aurait coûté 100 000 $ de plus », rapporte-t-il. Avec le prix des intrants et du diesel qui sont passés du simple au double, le producteur n’a eu d’autres choix que de recommencer à travailler comme électricien à l’extérieur de la ferme. 

L’économiste Sébastien Pouliot estime que les productions sous gestion de l’offre seront les plus touchées par cette hausse de taux. Encouragées par la valeur de leurs actifs et la stabilité de leurs marchés, les banques prêtent davantage à ces producteurs. 

L’année prochaine, c’est un prêt de 5 M$ que le producteur laitier et céréalier David Hossay, d’Albanel au Lac-Saint-Jean, aura à renouveler. « Cinq millions à 2 % de plus que ce que je paie maintenant, c’est 100 000 $ de plus. Chaque mois, ce sera 8 ou 10 000 $ de plus », calcule-t-il. Le producteur s’attend à une année 2023 difficile, puisqu’il perdra d’un même coup la moitié de ses revenus de grandes cultures en raison des conditions exceptionnellement pluvieuses dans sa région cette année.

L’un des prêts de la ferme du producteur Gilbert Marquis, au Bas-Saint-Laurent, arrivera à échéance sous peu. L’homme estime qu’il aura à négocier avec son institution financière, mais pense qu’il fixera un taux sur le long terme. « Je pense qu’on va vivre une crise en 2023. Ce sera difficile à traverser pour les producteurs. C’est pour ça qu’on a demandé aux deux paliers gouvernementaux un programme ad hoc pour les soutenir », affirme celui qui préside sa fédération régionale de l’Union des producteurs agricoles. 

La prochaine date d’établissement de taux est le 7 septembre. Sébastien Pouliot estime qu’une hausse de taux d’intérêt supplémentaire de 1 % surviendra d’ici la fin de l’année.  

À Albanel au Lac-Saint-Jean, David Hossay appréhende ses prochains renouvellements de prêts totalisant 5 M$. Photo : Gracieuseté de David Hossay
À Albanel au Lac-Saint-Jean, David Hossay appréhende ses prochains renouvellements de prêts totalisant 5 M$. Photo : Gracieuseté de David Hossay