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Lorsqu’un contribuable a une activité agricole, il faut d’abord déterminer s’il exploite ou non une entreprise. Cette détermination sera particulièrement importante quand viendra le temps de déduire les pertes provenant de l’agriculture.
D’ailleurs, beaucoup de contribuables se voient refuser leurs pertes agricoles par les autorités fiscales et chaque année, les tribunaux ont à se pencher sur de nombreuses causes à ce sujet. La cause la plus célèbre et qui a tracé des lignes directrices encore suivies est la cause Moldowan c. La Reine (77 DTC 5213) où la Cour suprême a identifié trois catégories d’agriculteurs :
- le contribuable pour qui l’agriculture constitue la principale source de revenus et pour laquelle il consacre la majorité de son temps;
- le contribuable pour qui l’agriculture ou une combinaison de celle-ci avec une autre activité ne constitue pas sa principale source de revenu pour vivre, mais plutôt une entreprise marginale (« sideline »);
- le contribuable pour qui l’agriculture est plutôt un passe-temps (« hobby »).
Dans le premier cas, les pertes provenant de l’agriculture pourront être déductibles sans restriction contre toute autre source de revenus ou être reportées à l’encontre du revenu provenant de l’agriculture des 3 années précédentes et des 20 années suivantes. Dans le second cas, en vertu de l’article 31 LIR, la déduction des pertes provenant de l’agriculture sera limitée à 17 500 $ (2 500 $ plus la moitié des 30 000 $ suivants) dans l’année où elles seront encourues et s’il y a un solde non déduit (pertes agricoles restreintes), il pourra être reporté à l’encontre du revenu provenant de l’agriculture des 3 années précédentes et des 20 années suivantes. Dans le dernier cas, aucune perte n’est déductible contre d’autres sources de revenus.
Par ailleurs, selon la Loi de l’impôt sur le revenu, le terme « agriculture » inclut la culture du sol, l’élevage ou l’exposition d’animaux de ferme, l’entretien de chevaux de course, l’élevage de la volaille, l’élevage des animaux à fourrure, la production laitière, la pomiculture et l’apiculture.
Comme dans d’autres secteurs d’activité, l’attente raisonnable de profit sera déterminante pour établir la déductibilité des pertes. Parmi les critères à considérer pour établir s’il y a ou non attente raisonnable, mentionnons l’ampleur de l’activité par rapport à d’autres entreprises semblables, le revenu brut par rapport aux dépenses, le temps consacré à l’exploitation, les profits et les pertes des années antérieures, la formation et l’expérience du contribuable, les projets élaborés par le contribuable, les capitaux investis, la progression des revenus et la possibilité que l’entreprise fasse des profits après amortissement.
Le 1er août 2012, la Cour suprême du Canada a rendu une décision importante dans l’affaire La Reine c. John H. Craig. Ce dernier était avocat et ses revenus provenaient principalement de cette profession. Cependant, il tirait aussi un revenu de l’agriculture en s’impliquant dans l’entraînement et la vente de chevaux de course. Bien que M. Craig consacrât beaucoup de temps à l’agriculture (mais pas la majorité) et eût investi un important capital financier au fil des ans, l’Agence du revenu du Canada (ARC) avait limité les pertes en question à 8 750 $. La Cour suprême a donné raison à M. Craig et lui a accordé la totalité de ses pertes.
À la suite de cette décision, la Loi de l’impôt sur le revenu a été changée et on est venu préciser que si le revenu d’un contribuable, pour une année d’imposition, ne provient principalement ni de l’agriculture ni d’une combinaison de l’agriculture et d’une autre source qui est subordonnée à l’agriculture, les pertes provenant de toutes les entreprises agricoles exploitées par le contribuable seraient limitées aux montants mentionnés précédemment.
Bien que le fisc puisse faire preuve de tolérance au cours des premières années d’une entreprise, le contribuable qui partage son temps entre son entreprise agricole et une autre activité lui rapportant des revenus devra être prudent avant de réclamer la totalité de ses pertes agricoles. Il devra être conscient que ses pertes pourraient faire l’objet d’une révision et être limitées de façon rétroactive, ce qui pourrait lui occasionner une facture d’impôts non souhaitée.
Kévin Flamand-Lapointe, CPA, fiscaliste chez SCF Conseils Saguenay Lac-St-Jean inc.