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La flambée des prix des intrants depuis deux ans jumelée à la hausse spectaculaire des taux d’intérêt en 2022 crée une pression chez les producteurs céréaliers qui ne peuvent se permettre de compter seulement sur les bons prix du marché afin de conserver leur marge bénéficiaire.
« On n’est jamais totalement prémunis contre l’inflation et les hausses des taux d’intérêt. Il y a toujours une partie qu’on subit, mais en se diversifiant, on est moins à risque. Quand un secteur va moins bien, l’autre peut compenser », explique William Gélinas, copropriétaire avec son père Michel et son frère Émile de la Ferme Gémini à Saint-Barnabé, en Mauricie.
En plus de cultiver sur près de 1 200 acres du maïs à ensilage, du maïs-grain, du soya à identité préservée (IP), du blé à consommation humaine et de la luzerne, la famille Gélinas élève près de 70 veaux de grains annuellement et exploite une ferme laitière de 165 vaches en lactation ainsi que deux poulaillers pouvant produire plus de 500 000 kg de volaille par année.
Contrer la hausse du prix des intrants
En réaction au prix des engrais, qui avait doublé en 2022 par rapport à l’année précédente, la Ferme Gémini a maximisé l’utilisation du fumier de ses élevages dans les champs. « On a priorisé par exemple les sols qui allaient recevoir du maïs parce que c’est une culture plus exigeante en azote. Au niveau des fourrages pour nos animaux, on essaie aussi de se diversifier le plus possible. Ça nous permet d’économiser sur l’achat de protéines qui sont aussi excessivement chères. Il faut regarder chaque petit détail », souligne William Gélinas.
À la Ferme Van Tassel, à Hébertville dans la MRC du Lac-Saint-Jean, William Van Tassel concentre pour sa part son attention sur le prix des intrants. « Nous avons toujours eu comme philosophie de rembourser nos prêts le plus rapidement possible. Comme nous sommes peu endettés, la hausse des taux d’intérêt nous touche peu », indique le producteur qui cultive du soya, du canola, de l’orge brassicole, du blé et un peu de maïs sur des superficies totalisant près de 1 000 hectares.
William Van Tassel surveille très attentivement le cours des prix des grains et des engrais. « En 2022, comme le prix était très bon, on a décidé de substituer nos champs de blé par de l’avoine. Économiquement, on faisait une pierre deux coups parce que l’avoine prend la moitié de la dose d’azote que le blé », poursuit le producteur qui compte revenir au blé cette année, car les prix sont redevenus plus attrayants. « L’idée, c’est d’avoir les meilleurs rendements possibles au minimum de coûts parce qu’avec le coût des intrants, si ta production n’est pas à la hauteur, ça va mal », résume-t-il.
Même si le niveau des prix du maïs et du soya demeure très intéressant pour les producteurs, la Ferme Gémini n’a pas hésité en 2022 à « sacrifier » une trentaine d’hectares pour y cultiver du pois qui sera servi à son troupeau de vaches cet hiver. « Ce printemps, on compte doubler la superficie pour y cultiver du lupin blanc, du triticale et du pois. Au prix actuel, ça serait plus intéressant financièrement d’y cultiver du soya, de le vendre et de racheter des protéines, mais pour l’instant, on est encore à évaluer la rentabilité de cette stratégie à moyen terme », souligne-t-il.
Des achats à l’automne
La Ferme Gémini veille aussi à réserver et à payer ses intrants dès l’automne en prévision de la prochaine saison. « On organise nos liquidités en conséquence. À l’automne 2021, le tourteau de soya était assez cher et la tendance était à la hausse. J’en ai donc acheté pour six mois et, comme de fait, les prix ont continué à grimper », souligne William Gélinas qui envisage d’utiliser la même stratégie avec le carburant et le propane afin se prémunir contre les hausses éventuelles.
C’est aussi la façon de faire de William Van Tassel, qui achète également ses intrants à l’automne.
« De notre côté, comme on travaille le sol le moins possible dans nos champs, on économise aussi sur la consommation de diesel », indique-t-il.
Bien qu’il s’estime bien informé en général, le producteur agricole de la Mauricie croit qu’une veille plus approfondie des marchés pourrait générer des économies supplémentaires. « On essaie de se tenir au courant le plus possible même si je considère qu’on ne surveille pas ça assez régulièrement. On n’est pas assez assidus à ce niveau », juge William Gélinas.
À propos des taux d’intérêt qui ont bondi en 2022, William Van Tassel essaie d’en relativiser l’impact lorsqu’il en discute avec les autres producteurs. « Moi, je me suis lancé en 1980 quand les taux étaient à 20 % et quand ils sont descendus à 8 % dans les années 1990, on trouvait ça bon. Alors aujourd’hui, quand ils sont à 6,25 %, il faut relativiser. Pour ma part, je n’ai jamais pensé qu’à 1,5 à 2 %, ils étaient pour toujours rester à ce niveau », conclut le producteur céréalier.
Cet article a été publié dans le cahier Grains de janvier 2023.