Économie 26 avril 2023

Des agriculteurs de l’Abitibi-Témiscamingue prennent la rue les premiers

ROUYN-NORANDA – Une centaine d’agriculteurs ont bloqué la circulation au centre-ville de Rouyn-Noranda le 26 avril en après-midi, espérant ainsi sensibiliser le gouvernement à la crise de l’inflation et à la hausse de taux d’intérêt et du coût des intrants qui pourraient mettre en péril 14 % des fermes de la région, soient quelque 80 entreprises agricoles.

La présidente du syndicat de la relève agricole de l’Abitibi-Témiscamingue, Meghan Jarry, a été chaleureusement applaudie après son intervention sur la situation précaire de la relève agricole et les entreprises en démarrage. Les agriculteurs, habitués à déplacer leur machinerie lors de mobilisations, ont troqué leurs tracteurs pour des jouets afin d’illustrer l’effet de la hausse du prix des carburants sur leurs activités. Certains voient leur facture être gonflée à plus du double de ce que représentait ce poste de dépenses avant la crise.

« C’est la pire crise en 40 ans, tous les secteurs sont touchés », analyse le président régional de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Pascal Rheault, qui rappelle du même souffle que la mobilisation a pris naissance en Abitibi-Témiscamingue, plus lourdement touchée en raison de la distance qui la sépare des grands centres.
M. Rheault s’inquiète particulièrement pour la relève ainsi que pour les entreprises en démarrage. « On hypothèque complètement le futur. Et quand j’entends des producteurs dire qu’ils ne sont pas sûrs s’ils devraient encourager leurs enfants à aller en agriculture, ça fait mal. Parce que la relève est formée, mais il faut que tu gagnes ta vie », souligne-t-il.

La relève en mode survie

Il s’agit d’une opinion partagée par la présidente de la relève de la région, Meghan Jarry, qui insiste sur le fait que 44 % des agriculteurs de la relève doivent occuper un deuxième emploi pour arriver à nourrir leur famille, une proportion qui grimpe à 60 % pour les entreprises en démarrage.

« Il a une limite à la passion, clame la productrice de lait et de céréales. Ce n’est pas la passion qui va payer les comptes à la fin du mois. Le gouvernement doit agir en conséquence, on a été assez patients. Ça fait des années qu’on sonne l’alarme. L’accès aux actifs, aux terres et aux financements pour nos entreprises, ce sont des enjeux majeurs. »

Venu en appui à ses confrères, le président général de l’UPA, Martin Caron, réclame notamment la mise en place d’un compte d’urgence pour pallier le manque de liquidités, l’ajustement du soutien aux premières entreprises sur un horizon de 10 ans plutôt que de 5 ans, ainsi que la bonification des programmes AGRI et ASRA, programme de stabilisation des revenus agricoles auquel 80 % des entreprises agricoles de l’Abitibi-Témiscamingue ont recours, plaide-t-il.

Le président général de l’UPA, Martin Caron, a mentionné que cette manifestation donne le coup d’envoi à une mobilisation à l’échelle de la province.
Pascal Rheault

« Ça fait une dizaine d’années qu’on n’a pas actualisé ces programmes-là. C’est la demande qu’on fait pour la relève et les fermes de proximité, d’ajuster le tir non pas pour les cinq premières années, mais pour 10 ans. Depuis 5 ans, on voit que votre revenu baisse dans les régions périphériques. Qu’est-ce qu’on attend? Pour nos jeunes, c’est quoi le message qu’on lance? Il faut agir maintenant! », a-t-il scandé, précisant que cette manifestation donne le coup d’envoi à une mobilisation à l’échelle de la province.

Le député de la CAQ, Daniel Bernard, n’a pas pu rencontrer les agriculteurs mercredi puisqu’il était à Québec. Une réunion avec les représentants de l’UPA et les trois députés bloquistes de la région a cependant eu lieu la semaine précédente. Son attaché a assuré que M. Bernard est bien conscient de la situation dans laquelle se trouvent les agriculteurs et qu’il va continuer de porter leurs voix auprès du ministre de l’Agriculture, André Lamontagne.

D’autres actions de mobilisation sont par ailleurs prévues dans l’ensemble de la province au cours des prochaines semaines.

Les travailleuses de rang de l’Abitibi-Témiscamingue, Sabrina Audet, Isabelle Talbot et Charlie Trudel se disent préoccupées d’une augmentation de l’ordre de 10 à 15 % de détresse psychologique au sein des agriculteurs. « Le financier revient pas mal tout le temps dans les obstacles du quotidien. Ça teinte tout le reste, ça augmente la charge de travail, diminue la concentration, augmente les problèmes conjugaux. Tout ça peut faire fermer une ferme, en plus qu’ils peuvent mettre la clé sous la porte parce qu’ils ne sont plus capables financièrement », témoigne Isabelle Talbot.