Distinctions 14 mai 2024

Le drainage souterrain : pas la seule solution

Chaque année, La Terre de chez nous remet une bourse de vulgarisation à un ou des étudiants de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval. Voici le texte qui a valu à Andrea Surprenant de la remporter cette fois-ci.


Des drains, des drains, encore des drains. L’utilisation de drains agricoles se fait depuis plusieurs décennies et la pose de drains s’accélère depuis les années 70 avec le développement de l’agriculture à grande échelle. Le drainage des terres agricoles se fait pour plusieurs raisons. Les cultures ayant les pieds dans l’eau sont vulnérables à plusieurs maladies. La mauvaise oxygénation des racines peut causer des délais de croissance et des pertes de rendement. Au printemps, les producteurs attendent le ressuyage de la nappe pour pouvoir entrer au champ. Et donc, poser des drains veut dire entrer plus tôt au champ, ce qui veut dire moins de stress pour récolter, plus tôt, à l’automne. Pour celleux faisant des céréales d’automne, la survie à l’hiver dépend, entre autres, de bonnes conditions de drainage, puisque la rapidité de ressuyage après une pluie hivernale avant un gel est cruciale pour que les plants ne s’asphyxient pas dans la glace (suivre le cours PLG-3202 : Céréales et maïs pour en savoir plus). 

Il faut donc drainer, drainer, encore drainer. C’est la réponse à tout! Hmm, sûrement pas. D’abord, poser un drain, c’est coûteux, soit environ 4 200 $ par hectare. En plus de devoir trouver l’équipement d’excavation, il faut s’arranger pour ne pas poser le drain en conditions humides, sinon la structure du sol s’en trouve sens dessus dessous. Ensuite, on observe que le drain améliore le drainage du sol, mais les problèmes de drainage reviennent après quelques années, que s’est-il passé? L’installation d’un drain demande une excavation, qui a le même effet qu’un sous-solage. La couche de sol compactée en profondeur, la plupart du temps, a été brisée lors de la pose d’un drain, mais tout ce travail se perd, alors que le compactage revient avec la pression causée par la machinerie. Alors, quand faut-il exactement poser des drains? 

Le drainage ne sert qu’à abaisser la nappe. La plupart du temps, les problèmes de drainage sont liés à la compaction, plutôt qu’à une nappe trop haute. En creusant un peu dans les baissières, plusieurs pourraient se rendre compte qu’à moins d’un mètre en dessous de leurs pieds se trouve du sol complètement sec! 

Alors quoi faire? Voici quelques solutions, qui doivent, bien sûr, s’adapter au contexte de chaque terrain. 

Connaître son sol. J’espère ne pas être la première à vous l’annoncer : va falloir sortir sa pelle! Apprendre à connaître son sol, ce qu’il mange en hiver, ça rend la prise de décision beaucoup plus éclairée. 

Agroforesterie. Qu’est-ce qui est mieux qu’une racine de radis chinois pour décompacter le sol? Des arbres! Ceux-ci offrent plusieurs services. En plus d’utiliser leurs racines pour décompacter le sol, les arbres utilisent l’eau en excès pour leur croissance. Se rajoute à cela plusieurs autres services écosystémiques et utiles à la culture : le rôle de brise-vent, la production de biomasse aérienne pouvant être utilisée comme paillis, la création de niches écologiques permettant à des prédateurs de pestes de visiter vos champs, et j’en passe. 

Le sous-solage. Attention, cette technique devrait être traitée comme une chirurgie que l’on prescrit, à faire en dernier recours, en prenant soin d’avoir les bonnes conditions pour qu’elle soit bien appliquée. Le sol a besoin d’une convalescence après cette opération. Le sous-solage ne sert à rien si on ne prend pas action pour que le problème de compaction ne se répète pas.

Pratiques réduisant la compaction par la machinerie. Eh oui, je ne pouvais pas m’en sortir sans en parler : la machinerie devient de plus en plus lourde, particulièrement afin d’accomplir un même travail en moins de temps et avec moins de main-d’œuvre. Cependant, pour faire le même travail de sol sur un sol compacté, cela prend de plus en plus de puissance, avec la taille d’équipement qui va avec. C’est un cercle vicieux! Règle du pouce : jamais un équipement de plus de 5 tonnes par essieu ne devrait entrer dans le champ. 

La priorité des opérations. Selon un article de Yves Bédard sur le site du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, les travaux de drainage doivent se faire selon un ordre de priorité. Tout d’abord, il faut entretenir et aménager le réseau hydraulique. Ensuite, faire l’aménagement de surface avec modération, puisque ça perturbe le sol et peut coûter jusqu’à 850 $ par hectare. Puis, en toute dernière priorité, les travaux de drainage. Comme il le dit si bien : « Parmi les correctifs d’égouttement et de drainage, c’est le drainage souterrain qui est le plus populaire. C’est aussi celui dont la nécessité réelle est la moins questionnée. » 

En tant que futurs agronomes, il est de notre devoir de remettre en question les pratiques en place. La pose de drains est-elle la meilleure solution? Aujourd’hui, plusieurs autres avenues sont possibles pour prévenir et guérir les problèmes de drainage. Ce court article n’en est qu’une fraction. Soyez curieux et ne cessez de vous poser des questions, mes amis.