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Avant de débuter la journée de travail, les quatre associés, Julie, Mathieu, Luc et leur père Daniel Charbonneau, de même que les trois employés de l’entreprise s’attablent dans la cuisinette pour déjeuner.
Pour les agriculteurs, c’est le moment de discuter du boulot à faire durant la journée, des soins à apporter au troupeau et des projets de la compagnie. « Notre ferme c’est comme un mariage, badine le copropriétaire Daniel Charbonneau. La communication, c’est un des secrets pour traverser les épreuves. » Outre la discussion, la vision et la résilience ont été deux ingrédients essentiels qui ont permis à la famille Charbonneau de demeurer agriculteur de la colonie à aujourd’hui.
« La résilience, ça vient de ma grand-mère Marie-Ange, s’enorgueillit l’agriculteur. Elle venait de la ville, mais c’était une femme de terre. Si elle n’avait pas été là, on ne serait plus en agriculture aujourd’hui. »
À l’époque, l’entreprise familiale était située à Sainte-Thérèse. Daniel Charbonneau faisait partie de la sixième génération à naître sur la ferme des Laurentides.
Un petit poulailler sur le terrain subvenait aux besoins de la famille en œufs. « Ma grand-mère a vu du potentiel dans ce poulailler, raconte l’homme de 61 ans. Elle partait avec des valises de voyage pleines et se rendait en train au village. » La femme faisait alors du porte-à-porte pour vendre ses œufs et revenait à pied à la maison pour ne pas dépenser l’argent qu’elle venait de gagner. L’argent économisé a permis à la famille de se lancer dans la culture maraîchère et horticole et ainsi faire fleurir la ferme. « Ma grand-mère n’avait pas le pouce vert, elle avait tous les doigts verts », ricane Daniel Charbonneau. Entre-temps, son père, Jean-Louis avait pris les rênes de l’entreprise avec tout autant de succès.
Puis, en 1957, la ferme a été expropriée pour la construction de l’autoroute des Laurentides forçant la famille à déménager. Elle a élu domicile dans un bungalow au village et Jean-Louis Charbonneau, pour sa part, a dû travailler comme paysagiste pour subvenir aux besoins familiaux. Une situation qui attristait sa mère Marie-Ange. « Un jour elle est entrée dans la maison en pleurant, se souvient Daniel, qui était très jeune à l’époque. Elle a dit : ‘‘Je mangerais de la terre’’. »
Son fils Jean-Louis a alors pris la décision de magasiner une nouvelle ferme. Ainsi, tous les dimanches, toute la famille embarquait dans la Ford Custom 1968 familiale pour visiter des terrains potentiels.
La famille lorgnait un terrain à Mirabel, mais la transaction a échoué. Cette fois, le karma était du côté des Charbonneau puisque le terrain convoité a été exproprié quelques années plus tard pour la construction de l’aéroport. En 1961, Jean-Louis Charbonneau a finalement acheté une ferme à Sainte-Anne-des-Plaines. « On a visité d’autres fermes mieux, mais mon père ne voulait pas s’endetter, lance Daniel Charbonneau. Quand on est arrivé là-bas, on avait juste une bottine et une claque. La ferme était toute nue. » La nouvelle ferme des Charbonneau ne comptait qu’une seule vache, six taures et six truies. La famille a donc dû repartir à zéro.
« Les premières années à Sainte-Anne, on a continué à faire de le culture maraîchère, affirme Daniel Charbonneau. Mais à Sainte-Anne la terre était argileuse donc nos outils n’étaient plus adéquats. On a dû s’adapter. » Les agriculteurs ont eu la chance de partager une run de lait avec leur voisin pendant plusieurs années.
Des agriculteurs engagés
L’entreprise familiale, connue depuis 1965 sous le nom de Vachalê, a continué à livrer du lait porte-à-porte jusqu’en 1972 avant de commencer à produire le lait pour le contingentement. « Quand la fédération de producteurs de lait est arrivée, mon frère Guy a sauté les pieds joints là-dedans, explique le copropriétaire. Il a été le premier président de celle des Laurentides. On a toujours été impliqué et ça nous a rapporté. »
La ferme Vachalê a continué à grossir jusqu’à ce qu’en 1980, le feu ravage les installations de la ferme. À l’exception de la laiterie, tout a brûlé, se souvient Daniel. Et puis, le lendemain on s’est assis et on s’est demandé si on reconstruisait. La réponse n’a pas tardé; c’était oui. » Depuis, l’entreprise n’a cessé de croître. En plus de posséder près de 90 vaches en traite, elle vend une trentaine de pur-sang par année à travers le monde. Propriétaires de la société Vachalê depuis 1972, le père et les frères de Daniel Charbonneau ont vendu leur part en 2008. L’agriculteur possède maintenant l’entreprise avec trois de ses enfants.
Partir pour mieux revenir
Aujourd’hui fier copropriétaire de la Ferme Vachalê avec trois de ses enfants, Daniel Charbonneau n’a jamais mis de pression sur ces derniers pour qu’ils prennent en charge l’entreprise familiale. « Quand mes enfants ont fini le secondaire, je leur ai dit : ‘‘Partez! Voyagez, allez voir ce qui se fait ailleurs.’’ Je voulais qu’ils développent leurs goûts, soutient le père de quatre enfants. ‘‘Après ça, si vous voulez la ferme, on va tout faire pour vous la transmettre.’’ »
Une des filles de Daniel Charbonneau s’est rendue en Suisse pour effectuer un stage en agriculture à la fin de l’adolescence. Elle s’est finalement installée là-bas et possède une ferme laitière avec son mari, originaire du Vieux Continent. Son frère jumeau, Luc, a aussi passablement voyagé. « J’ai travaillé beaucoup à l’extérieur. J’ai conduit de la machinerie agricole dans l’Ouest canadien pendant un petit bout de temps, je suis aussi allé en Suisse, se souvient-il. Ça m’a ‘‘groundé’’. Je me suis rendu compte que je voulais travailler en agriculture. » Celui qui est électricien pour la ferme familiale carbure aux défis liés à son emploi. Pour lui, l’agriculture est un domaine fascinant. « Une ferme, c’est comme un laboratoire à ciel ouvert, soutient-il. Il n’y a pas une seule façon de faire les choses en agriculture. »
Aujourd’hui, Daniel Charbonneau a 9 (bientôt 10) petits-enfants. Certains s’attellent déjà aux tâches de la ferme. « Hier, un de mes petits-fils nous a aidés à ensiler, relate-t-il. Pendant ce temps-là, ma petite-fille se promenait dans l’étable avec une fourche. On n’a pas besoin de le lui demander. » Pas question, cependant, de leur mettre de la pression. « On veut juste qu’ils se tiennent occupés, conclut l’agriculteur. Que ce soit à la ferme ou non. »
Un pâturage hors de l’ordinaire
En 1989, deux vaches de la ferme Vachalê ont pu paître sur l’herbe du Stade olympique de Montréal. Alors président de Holstein Canada et copropriétaire de la ferme, Guy Charbonneau a transporté deux bêtes de Sainte-Anne-des-Plaines jusqu’au Parc olympique à bord d’une remorque. Il souhaitait faire de la publicité pour la ferme Vachalê en publiant une photo de deux de ses bêtes devant la tour inclinée du Stade à la Une du magazine Holstein.
Arrivé sur l’avenue Pierre-De-Coubertin, il les a sorties promptement sur l’herbe olympienne. La visite des bovins laitiers n’est pas passée inaperçue. Des policiers ont rapidement interpellé l’agriculteur pour lui demander s’il avait une autorisation pour promener ses vaches à cet endroit. « Il a dit : ‘‘Oui, mais elle est dans ma remorque et je dois surveiller mes vaches’’, s’esclaffe son frère Daniel Charbonneau. Les policiers lui ont dit qu’il reviendrait plus tard pour vérifier. Le photographe a vite pris les photos et mon frère a rembarqué les vaches en vitesse dans la remorque avant que les policiers ne reviennent parce qu’il n’avait pas demandé la permission à personne. »