Ambitieuse, créative et pleine de potentiel, la ferme urbaine déploie des trésors d’ingéniosité dans l’exécution d’une mission qui défie les standards de l’agriculture. Pour y parvenir, il lui faut entre autres profiter d’un « soleil » parfait sur commande, quel que soit l’espace.

Un défi costaud, mais loin d’être impossible : La Terre vous présente trois concepts « allumés » qui permettent d’accomplir de véritables exploits.

Des fraises à l’année : Vertité

Cultiver des fraises savoureuses, sans pesticides, toute l’année, et en ville de surcroît! C’est l’incroyable mandat que se sont donné Ophelia Sarakinis et Phillip Rosenbaum, cofondateurs de Vertité, une ferme urbaine située à Kirkland, près de Montréal. « La culture en intérieur est un défi, car nous devons nous assurer que nous pouvons fournir aux plantes l’intensité lumineuse exacte et le bon spectre sans compromettre la qualité, tout en réduisant la quantité d’énergie que nous utilisons », témoigne Ophelia Sarakinis, ajoutant du même souffle que l’aménagement est un autre facteur de taille. « Lorsque vous cultivez dans une ferme verticale en intérieur, vous devez maximiser l’efficacité de l’espace.

Ici, les lumières DEL conçues pour les serres ne fonctionneront pas, car elles sont trop grandes et encombrantes. Nous avons besoin de barres lumineuses qui s’adaptent à l’espace restreint de l’intérieur », explique la productrice. « Notre solution d’éclairage personnalisée nous permet de cultiver les fraises les plus délicieuses, sans soleil, toute l’année. Elle nous permet aussi de maximiser la teneur en sucre et de contrôler l’architecture de la plante en fonction de nos besoins. »

Culture verticale, hydroponique, horizontale ou superposée… Tous les déploiements peuvent s’éclairer, à une condition près : la nécessité de se faire petit. « L’éclairage doit fournir la meilleure performance tout en restant le plus compact possible. Autrement, on prend de la place, et on enlève cet espace-là pour la production. Il faut comprendre qu’ici, on ne parle pas de mètres carrés, mais bien de mètres cubes. Il faut donc vraiment maximiser l’espace pour que le producteur puisse avoir un meilleur rendement », explique Martin Quintal, président de Futur Vert, l’entreprise de solutions d’éclairage à haut rendement qui a conçu le système de Vertité. « Il faut aussi prendre en compte que toutes les plantes ne requièrent pas le même type d’éclairage. On va donc utiliser différents modèles et ajuster le spectre lumineux dans l’intensité. L’idée, c’est d’essayer de reproduire ce que le soleil fait depuis 4 milliards d’années », résume ce spécialiste de l’éclairage conçu pour les environnements contrôlés qui requièrent une ­densité de flux photosynthétique uniforme et hautement efficiente.

Champignons et micropousses : le Laboratoire Grenouille rouge

Situé en plein cœur de Montréal, le Laboratoire Grenouille rouge, une entreprise de production agricole modulaire, a lui aussi bénéficié de l’expertise de Futur Vert. La ferme à deux modules de production commerciale se spécialise dans la production de micropousses et de champignons gourmets. « Au stade de planification du projet, Martin nous a guidés vers des barres DEL qui respectaient tous nos critères de production », relate Gabriel Roy Doyon, cofondateur de cette entreprise émergente qui vise à assurer une production agricole de haute qualité, toute l’année, tout en minimisant ses impacts sur l’environnement et en offrant des produits de qualité biologique. « Comme nous produisons à l’intérieur, nous avions besoin de lumière qui produit peu de chaleur.

La technologie DEL nous permet d’avoir une croissance verticale et compacte sans affecter la température ambiante nécessaire à la bonne croissance de nos champignons et de nos micropousses. Les lumières qui se trouvent dans nos deux modules nous permettent de produire des cultures d’excellente qualité. Nous en avons aussi dans nos chambres de fructification pour nos champignons », atteste M. Roy Doyon, qui souligne ici l’importance d’investir dans un produit de qualité supérieure. « Nos lumières sont capables de résister à l’eau et à la poussière, ce qui leur donne une durabilité indéniable.

C’est une qualité particulièrement appréciable, surtout dans un milieu de production agricole urbain », ajoute l’entrepreneur, qui rappelle du même coup que dans le secteur de l’agriculture urbaine, tous les coûts épargnés sont grandement appréciés. « Nos lumières sont capables de fournir le spectre lumineux nécessaire à nos plantes tout en nous permettant d’épargner sur les coûts d’électricité. Autre avantage, ces produits sont certifiés écologiques, ce qui nous a permis d’avoir accès à des subventions lors de l’achat », témoigne M. Roy Doyon, qui envisage maintenant de développer un module de ­production en aquaponie.

Pour Martin Quintal, cette notion de réussite et d’expansion passe par une approche multidisciplinaire du projet, quelle que soit sa nature. « La clé, c’est d’amener les producteurs à avoir du succès.

Pour y arriver, il faut vraiment les guider dans toute la conception du projet, en les mettant en contact avec des gens qui vont les aider pour la ventilation et l’irrigation, avec des spécialistes qui vont les conseiller en terreau. Donc, oui, l’éclairage est important, mais il faut soutenir les producteurs dans toutes les autres sphères du projet. Parce que s’ils n’ont pas de succès avec leur ferme, mon éclairage ne servira pas à grand-chose », soutient l’entrepreneur, qui place l’écoresponsabilité et l’intégration des principes de développement durable au cœur de sa mission d’entreprise.

Biostimulants biologiques : Ulysse Biotech

La mission d’Ulysse Biotech en est une d’envergure planétaire : l’entreprise de Trois-Rivières veut jouer un rôle déterminant dans notre façon d’affronter les grands défis agricoles, sanitaires et médicaux de notre ère. Pour ce faire, elle utilise une gamme de biostimulants, c’est-à-dire des produits qui augmentent la croissance des plantes et la résistance aux stress abiotiques (comme le manque d’eau, le sel et la chaleur) et peuvent réduire le besoin en engrais.

Son domaine d’expertise : développer des solutions qui trouvent leur efficacité dans la nature.

Son objectif : aider les agriculteurs à canaliser le pouvoir de la nature pour produire des cultures plus abondantes et plus résilientes, de manière plus écologique, en réduisant l’utilisation de pesticides et d’énergies fossiles. « Ce qui nous a d’abord impressionnés avec ce concept d’éclairage, c’est sa capacité de moduler l’intensité et la fréquence de lumière, et d’aller chercher des “recettes” de lumière provenant d’endroits particuliers », révèle François Gagné-Bourque, directeur de la recherche et du développement de l’entreprise qui a fait appel à la montréalaise Sollum Technologies pour la conception de son éclairage.

« Par exemple, il y a quelques années, nous avons travaillé pour des producteurs de l’île d’Orléans : nous avons donc dû obtenir “le soleil” de l’île d’Orléans.

Par la suite, dans le cadre d’un projet de développement américain pour la Californie, on a pu reproduire la lumière de Salinas », explique le chercheur, pour qui cette possibilité de reproduire les conditions de culture de partout dans le monde représente un avantage commercial indéniable. « La lumière de Salinas est bien différente de celle de l’île d’Orléans, ou de Mirabel. Pour nous, c’est la valeur ajoutée de ce système : il peut offrir n’importe quelle plage d’éclairage et recréer les ondes, ainsi que le pattern de lumière et les durées d’ensoleillement. On peut obtenir exactement la bonne lumière pour nos essais. On est donc mieux préparés lorsqu’on se présente chez les agriculteurs pour faire l’essai de nos produits, parce qu’on a déjà fait des tests dans un environnement très similaire à celui qui prévaut sur le terrain », conclut M. Gagné-Bourque, qui apprécie cette liberté de configuration et la capacité de moduler la lumière selon des critères de recherche spécifiques. 

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Nathalie Laberge, collaboration spéciale

Ce texte a été publié dans l’édition de novembre de L’UtiliTerre, le cahier technique de La Terre de chez nous.