Alimentation 25 octobre 2018

Il manque de soya au Québec pour l’alimentation humaine

SAINTE-ANNE-DES-PLAINES — La demande mondiale en soya destiné à l’alimentation humaine est en hausse et les producteurs devront prendre les moyens pour augmenter la production. 

« À la récolte 2018, on aurait pu en vendre 20 000 tonnes de plus à l’international », affirme le président-directeur général de Prograin, Alain Létourneau. Même si 75 % des superficies produisent actuellement du soya GM, les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à tenter l’expérience du soya à identité préservée [IP] non génétiquement modifié [GM].

Intérêt chinois

La visite du ministre chinois de l’Agriculture, Han Changfu, aux installations de Prograin le 16 octobre témoigne de l’intérêt grandissant pour le soya destiné à l’alimentation humaine. D’ailleurs, les volumes de soya IP de Prograin ont crû de 10 % annuellement depuis les trois dernières années, sans toutefois suffire à la demande. 

Même son de cloche du côté de Viterra, à Bécancour. « On a semé 15 % [des superficies en soya IP] cette année, mais il aurait fallu le faire sur au moins 25 % d’entre elles pour répondre à la demande », mentionne Christian Dagenais, directeur de la commercialisation.

Pour sa part, le directeur agronomique des achats et de la recherche et développement du soya IP chez Ceresco, Hicham Bali, observe une hausse de la demande européenne et nord-américaine. « Les gens veulent diminuer leur consommation de viande et compenser le manque de protéines par du soya », explique-t-il.

Profitabilité

Alain Létourneau parle d’un revenu supplémentaire aux agriculteurs de 250 $/ha pour du soya IP. « Ce qu’on leur offre en ce moment avec le soya IP répond de plus en plus à leurs attentes du point de vue de la profitabilité », considère M. Létourneau. Un constat partagé par Christian Overbeek, président des Producteurs de grains du Québec (PGQ), qui cultive aussi du soya IP. « Ça nous prend une récompense, affirme-t-il sans détour. Si nous n’avons pas un rendement supérieur, il n’y a pas d’intérêt à développer ça. Le soya IP nous demande une gestion serrée au quotidien. »

La production québécoise de soya biologique connaît également une effervescence sur les marchés asiatiques. Guy Gauthier, des Fermes Belvache, en cultive 500 ha depuis une vingtaine d’années. « Le soya est l’une de nos cultures les plus rentables et on vise toujours le marché de la consommation humaine parce qu’on trouve que les primes sont intéressantes. C’est sûr qu’il y a plus de défis à relever, mais c’est rentable d’en cultiver », confirme l’agriculteur. Seulement 5 % de la production québécoise de soya est biologique et les prix sont intéressants. M. Gauthier reçoit entre 1 000 $/t et 1 400 $/t pour son soya IP biologique de variété natto. 

En 2010, au Québec, 50 % des producteurs cultivaient du soya GM et 50 % du soya non GM. Or, cette proportion est passée respectivement à 75 % et à 25 %, car même si la demande en soya IP augmente, celle pour le soya non GM destiné à la trituration est en forte baisse en Europe. « Les primes pour ce marché-là n’étaient pas à la hausse dans les dernières années », explique Alain Létourneau, de Prograin.

Le soya du futur

D’ici deux à cinq ans, plusieurs variétés à valeur ajoutée
se retrouveront sur le marché. Voici un aperçu de ce qui s’en vient. 

Pour l’humain :

Huile :
Des variétés de soya à haute teneur en acide oléique
se développent, notamment chez Prograin. Elles donneront des huiles meilleures pour la santé, au même titre que celles issues du canola. « La demande a beaucoup augmenté du côté des États-Unis », souligne Christian Dagenais, directeur de la commercialisation chez Viterra.

Sucre :
L’Asie réclame des variétés de soya dont le taux de sucre est beaucoup plus élevé que ce qui existe actuellement pour la consommation humaine. Cela permettra de remplacer les sucres ajoutés dans le yogourt de soya et dans la fabrication de tofu. Prograin y travaille.

Protéines de soya en poudre (isolat) :
« Au Québec, ça nous prendrait une usine de transformation pour la farine de soya. Ce sont des multinationales qui sont dans ce domaine-là; des géants qu’on ne pense pas à approcher [pour leur demander de venir s’installer ici] », estime Réal Beaulieu, copropriétaire d’Unisoya.

Pour l’animal :

Farine pour poissons :
Un « super soya » pourrait remplacer la farine utilisée dans la moulée des poissons en aquaculture. L’actuelle farine est composée de résidus de carcasses de poisson.
Ce super soya aurait toutes les caractéristiques alimentaires pour la remplacer.

Fèves plus protéinées et résistantes :
Le Centre de recherche sur les grains (CÉROM) développe présentement des variétés hâtives qui affichent des taux de protéines acceptables. Les variétés devront aussi être plus tolérantes aux stress causés par l’environnement et aux nouveaux ravageurs qui pourraient apparaître en raison des changements climatiques, comme le nématode à kyste du soya.

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