Actualités 30 mai 2022

En route vers la prédiction des cas de moisissure blanche du soya

Il s’agit de la maladie fongique la plus importante au Québec et pourtant, sa présence au champ est sporadique et prévoir son incidence s’avère un casse-tête. Si pour une année donnée il y a absence totale de signes au champ, il peut en être tout autrement l’année suivante, où la majorité des plantes sera recouverte par une moisissure blanche sur les parties aériennes, ou encore les plantes seront sèches et mortes.

Il s’agit ici de la moisissure blanche du soya, aussi appelée sclérotiniose ou pourriture à sclérotes. Peu importe le nom qu’on lui donne, dès qu’un champ est atteint, la maladie est très difficile à éradiquer et les fongicides ne sont rentables que si les conditions sont favorables au développement de la maladie. Alors, comment gérer cette maladie de façon efficace et rentable?

Certaines pratiques agricoles peuvent aider à réduire la pression exercée par la maladie, comme un plus grand écartement de rangs, ce qui permet au sol de sécher, des rotations de plusieurs années avec des cultures non hôtes (céréales et maïs), un travail minimal du sol (ce qui permet aux sclérotes de fructifier et de mourir), la densité ou population des plantes (une haute densité favorise un sol humide, ce qui favorise le développement de la maladie), ainsi que l’utilisation de cultivars résistants. Bien qu’aucune recette miracle nous permettant d’éliminer complètement la maladie n’existe, l’utilisation de bonnes pratiques agricoles peut contribuer grandement à réduire la quantité d’inoculum au champ et, du même coup, les pertes associées à la moisissure blanche.

En ce qui concerne les traitements possibles, le moment d’application des fongicides foliaires est primordial pour espérer le contrôle de la moisissure blanche. Les spores, l’inoculum principal dans la culture du soya, infectent les plantes à travers les fleurs. Par conséquent, les applications de fongicides sont plus efficaces aux stades de floraison, soit du R1 à R3. Par contre, si les spores ne sont pas présentes, les applications seront inutiles et représenteront un coût important pour les producteurs. Et si nous pouvions connaître la probabilité reliée à la présence d’apothécies au champ avant de prendre la décision d’appliquer des fongicides?

Sclérote produisant plusieurs apothécies. Les sclérotes sont de petites structures noires produites à l’intérieur et sur la surface des tiges et des gousses et qui tombent à terre pendant la récolte. Les sclérotes permettent à l’agent pathogène de survivre à des conditions extrêmes pendant plusieurs années.
Sclérote produisant plusieurs apothécies. Les sclérotes sont de petites structures noires produites à l’intérieur et sur la surface des tiges et des gousses et qui tombent à terre pendant la récolte. Les sclérotes permettent à l’agent pathogène de survivre à des conditions extrêmes pendant plusieurs années.

Modèles prévisionnels

Aux États-Unis, des modèles prévisionnels ont été développés par des collaborateurs de l’Université du Wisconsin afin de prédire la présence des apothécies au champ, ce qui permet aux producteurs de savoir si leurs champs sont à risque et si les fongicides sont nécessaires ou non. En utilisant des données météorologiques, comme la température (la moisissure blanche aime des conditions fraîches, <22 °C), la quantité de pluie depuis le dernier mois et la vitesse du vent, les modèles prédisent le niveau de risque d’avoir des apothécies au champ, ce qui permet aux producteurs de prendre des décisions informées sur la nécessité ou non d’appliquer des fongicides.

Depuis quelques années, grâce à un financement du MAPAQ, le Centre de recherche sur les grains (CÉROM), en collaboration avec plusieurs centres de recherche et des conseillers du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), réalise des essais de validation des modèles existants pour évaluer s’ils peuvent être adaptés aux conditions québécoises. En mettant des sclérotes au champ, les collaborateurs comptent le nombre d’apothécies présentes deux fois par semaine de juin à août pour pouvoir adapter les modèles aux conditions agroenvironnementales québécoises.

Après trois ans de dépistage, nous remarquons que des modifications des modèles américains sont nécessaires pour bien prédire la présence d’apothécies au Québec. Les trois modèles disponibles ont été modifiés afin d’offrir une performance maximale en sol québécois, car, sans modifications, le niveau de prédictions était faible et les modèles prédisaient souvent la présence d’apothécies sans que cela se reflète au champ, ce qui favoriserait inutilement les applications de fongicides.

Les essais se poursuivent en 2022 avec l’aide du Réseau d’avertissements phytosanitaires des grandes cultures (RAP-GC) afin de continuer à améliorer les modèles pour toutes les régions productrices de soya. Les dépistages, accompagnés par les prédictions des modèles, seront utilisés pour faire des annonces hebdomadaires quant au niveau de risque d’avoir des apothécies au champ. Ces annonces seront faites à travers le RAP-GC et peuvent servir comme un outil d’aide à la décision pour les agronomes et les producteurs quant au besoin d’appliquer des fongicides ou non. Nous vous invitons à suivre les annonces du RAP-GC cet été afin de prendre des décisions informées pour la gestion de la moisissure blanche du soya en vous inscrivant sur son site Web (agrireseau.net/rap).

Tanya Copley, Ph. D., phytopathologiste, CÉROM


Cet article a été publié dans l’édition de mai 2022 du magazine GRAINS