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SHERRINGTON — Les terres noires de la Montérégie, où sont cultivés plus de 35 % des légumes du Québec, se dégradent progressivement. Si rien n’est fait pour les préserver, la production maraîchère y sera de plus en plus difficile, voire impossible d’ici 50 ans, préviennent des chercheurs de l’Université Laval qui testent des techniques de conservation dans les fermes depuis 2018.
Chaque année, l’érosion éolienne et la dégradation microbienne provoquent l’affaissement en moyenne de 1,7 cm de terres noires (ou sols organiques) cultivées en Montérégie pour la production de légumes. Jacynthe Dessureault-Rompré, professeure adjointe en conservation et santé des sols à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval, explique que les terres noires, à l’origine, sont des tourbières qui ont été drainées pour l’exploitation agricole. Or, dès que ces sols composés de matière organique sont en culture, ils sont voués à se dégrader progressivement, avec l’entrée d’oxygène dans la terre. Comme ils sont très fertiles et essentiels à la production de laitues, de carottes, d’oignons, de céleris, de bok choy, de radis et d’épinards au Québec, des actions concrètes et durables, dit-elle, doivent être entreprises pour les préserver.
Selon de premiers constats de l’Université Laval, qui effectue des tests de conservation depuis 2018 en collaboration avec 14 agriculteurs de Saint-Michel, de Sherrington, de Saint-Clotilde et de Napierville, l’ajout aux terres noires de 15 tonnes à l’hectare par année de biomasse – des plantes récoltées pour remplacer la matière organique perdue – pourrait prolonger de trois à quatre fois leur durée de vie. Le professeur Jean Caron, qui dirige la Chaire de recherche en conservation et restauration des sols organiques du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, précise que le contrôle de l’érosion, notamment par l’utilisation de cultures de couverture, doit aussi faire partie de l’équation pour mieux préserver les sols organiques. Ainsi, la durée de vie estimée des terres noires pourrait passer de 50 à plus de 150 ans. « Ça peut paraître utopique, mais ce n’est pas si utopique que ça, assure le chercheur. S’il y a de l’engrais vert et une bonne gestion, je pense que c’est quand même possible », dit-il.
Le saule et le miscanthus testés
Jarek Holoszkiewicz, directeur général adjoint chez Vert nature, une division de VegPro International située à Sherrington, fait partie des producteurs qui testent des techniques de conservation, en collaboration avec l’Université Laval. Il explique cultiver du miscanthus et du saule qui, une fois broyés, peuvent être ajoutés comme matière organique à la terre noire en culture pour contribuer à sa reconstitution. « Le miscanthus pousse très rapidement, explique le producteur. Il produit une grande quantité de biomasse par saison, de manière prolifique. » Il souligne que cette plante vivace reste en production durant environ 15 ans.
Le chercheur Jean Caron spécifie de son côté que de nombreuses plantes ont été testées, mais que le miscanthus et le saule ont été ciblés, car ils sont particulièrement « stables biologiquement ». « Ils vont résister à la décomposition par les microbes », remarque-t-il. Un rapport final des activités de sa chaire de recherche devrait être déposé en 2023.
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Ce texte a été publié dans l’édition du 15 juin 2022 de La Terre de chez nous, dans le cadre d’un dossier complet sur les terre noires. Pour y accéder ou vous abonner, cliquez ici.