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Populaire auprès des producteurs biologiques, le fumier de poulet est désormais plus difficile à obtenir compte tenu d’une demande accrue de ce produit. Essentiellement, l’augmentation des coûts de fertilisants chimiques a fait en sorte que de plus en plus d’agriculteurs conventionnels choisissent de s’approvisionner en fumier plutôt qu’en engrais, ce qui crée une rareté chez les producteurs biologiques qui doivent, eux, se tourner vers des solutions de rechange. Plusieurs d’entre eux flirtent aussi avec l’idée d’utiliser un biostimulant complémentaire au fumier, mais les résultats ne semblent pas toujours au rendez-vous.
Selon l’agronome Sophie Rivest-Auger, conseillère en grandes cultures biologiques au CETAB+, ce sont surtout les nouveaux producteurs biologiques et ceux qui veulent prendre de l’expansion qui sont affectés par cette pénurie. C’est très difficile pour eux de trouver du fumier de poulet prisé par les producteurs biologiques. « Ils doivent se tourner vers le lisier de porc, par exemple, mais cela entraîne des problèmes de compactage du sol », explique la spécialiste.
Il n’y a pas que l’augmentation du prix des intrants à la base de ce problème. Le fait que plusieurs poulaillers envoient leur fumier en Ontario pour échapper à la complexité réglementaire du Québec et qu’il y a eu beaucoup de producteurs qui ont transité vers l’agriculture biologique sont deux autres facteurs qui expliquent cette rareté, dit-elle.
Transition compromise
L’un des copropriétaires des Fermes Belvache de Sainte-Anne-des-Plaines, Vincent Gauthier, constate cette plus grande rareté du fumier de poulet pour son entreprise. « Quand tu as de nouvelles terres en transition, il faut que tu penses tout de suite où tu vas aller chercher ton azote », dit-il. Selon M. Gauthier, la difficulté de s’approvisionner en fumier peut compromettre la volonté d’un producteur à faire une transition. « La diminution du nombre de producteurs en transition, ça va aider, ça aussi », dit-il.
Le fumier de poulet est le plus recherché par les producteurs biologiques à cause de sa simplicité de transport et son uniformité, dit-il. Le fumier de vache contient moins de nutriments à la tonne, alors que le lisier de porc peut avoir une forte concentration d’eau, ce qui fait qu’au final, le coût des fertilisants à l’hectare revient plus cher, explique le producteur. « En ce moment, tu prends ce que tu peux avoir. Il faut être ouvert à toutes les options », dit-il. Vincent Gauthier utilisait du fumier de poulet dans une proportion de 90 %. Aujourd’hui, il parle plutôt de 70 %.
Le coût du transport peut être aussi un facteur à estimer. L’acheteur devra souvent aller récupérer le lisier chez le producteur porcin, par exemple. Utiliser au maximum les engrais verts et faire des rotations de cultures avec le soya et le blé permet de maintenir un bon apport de nutriments dans le sol le jour où tu veux produire du maïs, ajoute le producteur. Les nouveaux produits tels que les biostimulants font partie des options qu’on ne peut pas ignorer, soutient M. Gauthier. « On ne peut pas dire non à une source d’azote organique », poursuit-il.
Autres façons
Selon David Proulx, directeur général de la Ferme Bio-Nic, de Nicolet, les producteurs biologiques qui veulent prendre de l’expansion et qui n’ont pas déjà une source d’approvisionnement en fumier dans leur giron auront de la difficulté à obtenir la quantité additionnelle dont ils ont besoin.
Tous les producteurs, qu’ils soient en régie biologique ou conventionnelle, ont besoin de phosphore, de potasse et d’azote, des éléments que l’on retrouve dans le fumier. Si celui-ci coûte moins cher que les engrais chimiques, les producteurs conventionnels vont se rabattre sur le fumier, ce qui aura un impact pour les producteurs bio pour lesquels l’utilisation de fertilisants chimiques n’est pas une option, dit-il. Corollaire à cette rareté : l’ensemble des producteurs bio devront aussi faire face à une hausse des coûts du fumier cette année, dit-il.
Au sein des Éleveurs de volailles du Québec, on ne croit pas que la demande accrue de fumier de poulet va créer une surenchère du produit, ni qu’il y ait une forme d’opportunisme qui profite aux éleveurs. Le fumier de poulet a toujours été très recherché et les volumes trouvent toujours preneurs. « Nos éleveurs nous disent qu’ils sont fidèles à leurs clients », souligne la directrice générale, Marie-Ève Tremblay.
Nouvelles techniques
« On cherche de nouvelles techniques pour restreindre la quantité de fumier qu’on va utiliser », enchaîne David Proulx. Il a fait l’expérience du biofertilisant Utrisha N, mais il ne voit pas encore de résultats concrets. « Est-ce que ça veut dire qu’il n’est pas efficace ou que les terres sont suffisamment riches pour que la plante n’en ait pas besoin? » se demande le producteur.
Ce genre de produits peut être ajouté en complément, mais ceux-ci ne peuvent pas remplacer le fumier, soulignent David Proulx et Vincent Gauthier. « Si cela nous permettait de réduire de 30 % notre quantité de fumier, ce serait déjà bien », estime de son côté M. Gauthier.
Sophie Rivest-Auger demeure sceptique quant à l’efficacité de produits biostimulants à l’essai au Québec. « Ça ne donne pas les bénéfices escomptés », dit-elle. Les sols biologiques, ajoute-t-elle, sont déjà en très bonne santé grâce à l’utilisation de fumier et d’engrais verts et aux rotations de cultures. Ces produits n’auront pas autant d’impacts que si on les utilise dans un sol qui est dégradé et pauvre en microbiologie, dit-elle. « Tant qu’à mettre des produits, mettez de la prairie. Vous allez arriver aux mêmes bénéfices à la fin et ça va vous coûter moins cher d’intrants », ajoute Mme Rivest-Auger.
Elle croit en outre que « dans une situation catastrophique où on aurait vraiment une pénurie de lisier, il faudrait possiblement envisager une année où on n’aurait pas nécessairement de récolte et où on implanterait plutôt des légumineuses pour augmenter les stocks d’azote ».
Bénéfique pour tous
L’agronome ne blâme pas les producteurs conventionnels qui utilisent davantage de fumier. « Tout le monde a le droit de mettre du fumier. C’est bénéfique pour tout le monde, qu’on soit bio ou conventionnel. Les producteurs conventionnels auront des sols plus en santé et achèteront moins d’engrais », dit-elle.
À court terme, selon Sophie Rivest-Auger, le problème de la pénurie de fumier de poulet touche surtout les nouveaux arrivants en production biologique. « À force d’appels téléphoniques, de rappels et de rappels, de négociations de prix, on arrive quand même à trouver du fumier », conclut-elle.
Qu’est-ce que le biostimulant Utrisha?
« Le biostimulant que Corteva Agriscience a commercialisé au Canada s’appelle Utrisha N. Ce produit offre une source supplémentaire d’azote pour une variété de cultures cultivées à travers le pays », résume Kirsten Ratzlaff, gestionnaire de portefeuille – technologies appliquées aux semences et produits biologiques chez Corteva Agriscience. L’engrais azoté conventionnel continue d’être un élément essentiel d’un programme d’azote réussi, mais il peut être sujet à des pertes variant de 25 à 60 % selon les conditions environnementales, dit-elle. « Utrisha N fournit une source alternative durable d’azote qui réduit la dépendance à l’absorption d’azote du sol et garantit que la plante a accès à l’azote tout au long de la saison », selon Kirsten Ratzlaff. Utrisha N est appliqué à l’aide d’un équipement de pulvérisation standard sur les cultures de soja et de maïs au stade V4-V8. L’azote demeure l’un des principaux facteurs de coût pour les agriculteurs canadiens lorsqu’ils font pousser des cultures, mais il est facilement disponible dans l’atmosphère terrestre. « La bactérie naturelle Methylobacterium symbioticum fixe l’azote de l’air et le convertit pour la plante. Utrisha N maximise le potentiel des cultures grâce à une gestion améliorée de l’azote tout au long de la saison, offrant des performances éprouvées et prévisibles », conclut Kirsten Ratzlaff.