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Dénicher des dérivés intéressants pour ses matières résiduelles n’est pas de tout repos. Après quatre ans de développement, la Famille Migneron de Charlevoix doit encore vendre à perte son eau-de-vie à base de lactosérum, un résidu de sa production de fromages. Le projet de loi 17, qui vient d’être adopté par l’Assemblée nationale, reconnaît finalement la possibilité d’utiliser cet intrant. « Mais ça ne règle pas tout, dit Madeleine Dufour, chargée du développement du produit. Il reste bien des détails réglementaires à régler pour que ce soit rentable. »
C’est entre autres pour s’attaquer à ce genre d’enjeux qu’a été lancé, au début octobre, le laboratoire vivant du Centre d’études et de recherches intersectorielles en économie circulaire (CERIEC). Sous l’égide de l’École de technologie supérieure, ce centre se penche sur le secteur de l’alimentation après avoir travaillé sur celui de la construction. L’objectif est d’accélérer la transition vers l’économie circulaire, car la province accuse du retard. Au Québec, tous secteurs confondus, le taux de circularité (réemploi des matières) est de 3,5 %, alors qu’à l’échelle mondiale, il est de 8,6%. Dans certains endroits comme les Pays-Bas, ce taux atteint 24 %, selon Recyc-Québec.
Mais on sent que ça bouge. Les entreprises agroalimentaires cherchent plus que jamais à optimiser les ressources et trouver des nouveaux débouchés aux matières résiduelles. « C’est un appel sur deux qu’on reçoit [qui porte sur l’économie circulaire], alors qu’il y a quelques années, tout le monde voulait du sans gluten », rapporte Charles Émond, chercheur au Centre de développement bioalimentaire du Québec (CDBQ), qui accompagne les entreprises. Au Centre d’innovation et de recherche appliquée, connu sous le nom de Cintech agroalimentaire, on constate le même engouement.
Qu’est-ce qui pousse les transformateurs ou les agriculteurs vers cette nouvelle approche? « Plusieurs choses, explique Philippe Guérineau, vice-président à la stratégie et aux opérations de Cintech. Les coûts de production ont explosé, on a connu un stress dans les chaînes d’approvisionnement avec la pandémie, et finalement, il y a la demande des consommateurs, curieux de ces produits. » Cynthia Poirier, chargée de projet pour le laboratoire sur les systèmes alimentaires du CERIEC, souligne quant à elle que plusieurs entreprises doivent payer pour se débarrasser de leurs résidus. « Aussi bien en tirer un revenu! » lance-t-elle.
Mais les défis pour y parvenir sont nombreux. Le laboratoire s’est donné trois ans pour trouver des solutions. Ces dernières seront cocréées en ateliers, puis expérimentées sur le terrain. Les connaissances acquises seront ensuite transférées.
« Dans la construction, nous avons pu tester 19 solutions, explique Mme Poirier. Ça peut aller jusqu’à faire modifier des règlements. On veut trouver les terrains d’expérimentation avec le plus de portée, qui pourraient être répliqués ailleurs au Québec. » Le codirecteur du laboratoire, Guillaume Cantin, qui est le cofondateur de la Transformerie, un organisme de lutte contre le gaspillage alimentaire par la récupération et la transformation des aliments périssables, insiste sur un point : « On ne veut pas dupliquer ce qui se fait déjà. »
Parmi ce qui se fait déjà, on note le réseau d’experts-conseils Synergie Québec, présent dans la plupart des régions. Son mandat est d’accompagner les organisations à la recherche de solutions concrètes. Symbiose agroalimentaire Montérégie est même entièrement orienté vers ce secteur. Elle offre un accompagnement sur mesure et gratuit. « Nous mettons les bons acteurs ensemble, explique Rachel Bourdon, chargée de projet. C’est moins compliqué que les gens l’imaginent. Une fois le contact établi [entre ceux qui ont des matières à valoriser et ceux qui en ont besoin],
ça roule. »
Mais parfois, la solution de valorisation n’existe pas encore. « On va orienter les gens vers des organismes de recherche et aider à trouver les subventions », poursuit Mme Bourdon. C’est là qu’interviennent des centres comme le CBDQ ou Cintech. Ce dernier vient d’ailleurs de renouveler ses appareils qui peuvent broyer, texturer, réduire en poudre ou mouler en sphère, un parc technologique d’une valeur de 10 M$, qui peut transformer les résidus en pépites.
« Il y a toujours quelque chose à faire avec des molécules, dit Rachel Bourdon. Même des coquilles d’œufs contiennent de l’albumine et des minéraux. Il ne faut jamais sous-estimer la valeur de ses résidus. »