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Gilbert Halde travaille à l’étable ce matin, non pas pour nourrir ses vaches, mais plutôt pour désassembler la structure du réservoir à lait. Le démantèlement des stalles suivra. Le troupeau vient d’être vendu et c’est ainsi que prend fin l’histoire de la dernière ferme laitière biologique de la Montérégie-Est.
« On avait des investissements à faire pour respecter la nouvelle norme biologique et on n’avait pas de relève. De plus, notre employé nous a annoncé qu’il ne reviendrait pas. Alors on s’est dit que le temps était venu de vendre », explique Gilbert Halde, copropriétaire.
Un rêve qui part
Le silence dans l’étable et les lumières éteintes, le soir, crée tout un changement dans la ferme. C’est la première fois depuis 71 ans qu’il n’y a pas de vaches dans cette entreprise familiale située sur la berge de la rivière Richelieu, près du mont Saint-Hilaire.
Les frères Halde ne regrettent pas leur décision. Ils ont obtenu un excellent prix pour leurs bêtes; près de 1 000 $ de plus par tête comparativement à ce qu’ils anticipaient. C’est que les vaches bio sont rares sur le marché. Mais dans un monde idéal, elles seraient encore dans leur étable.
À vrai dire, les deux agriculteurs rêvaient de passer le flambeau. L’un des enfants s’était d’ailleurs montré intéressé, mais il a finalement décidé de conserver son emploi qui offrait de meilleures conditions. Qui pourrait l’en blâmer?
La relève non apparentée a ensuite fait partie des options. Après avoir évalué un projet, les frères Halde ont cependant convenu que le risque était trop grand. « Nous étions très ouverts à transmettre le savoir, mais pas à fournir l’huile de bras! Nous sommes au début de la soixantaine et nous voulons nous enlever de l’ouvrage, sauf qu’avec le projet des jeunes, c’était parti pour nous en ajouter », explique Simon Halde, l’aîné.
Un transfert difficile
Ce n’est pas évident de transférer une ferme laitière bio, assurent les Halde, surtout à quelqu’un qui n’a pas d’expérience. Le candidat doit maîtriser la régie des cultures et d’un troupeau biologiques avec des outils beaucoup plus limités qu’en régie conventionnelle.
Si c’était à refaire, les deux frères auraient amorcé plus tôt le processus de transfert afin de former graduellement un candidat. « Oui, c’est la fin. C’est certain que nous avons eu un pincement au cœur de voir nos vaches monter dans les remorques, mais on tourne la page », résume Gilbert.
S’amuser en grandes cultures
Seulement une douzaine de fermes laitières biologiques existaient au Québec lorsque les Halde ont grossi les rangs du bio en 2001. Le défi s’est avéré des plus épanouissants. « En adhérent au bio, nous avons tout de suite été baignés dans un milieu complètement différent, très avant-gardiste et en forte croissance. Dans le conventionnel, ce sont des vendeurs qui nous conseillent, mais dans le bio, ce sont des agriculteurs. L’entraide est remarquable. Nous faisons partie d’une vraie communauté », dépeint Gilbert. L’esprit de confrérie a tellement plu à ce dernier qu’il est devenu président du Syndicat des producteurs de lait biologique du Québec, dès les balbutiements de cet organisme au début des années 2000.
Les deux frères qui disent « avoir le bio dans le sang » entendent maintenant s’amuser en cultivant maïs, soya, fourrages et légumes de transformation bio. Ils accepteront aussi d’être mentors pour des jeunes de la relève.
Maintenant que les vaches sont parties, est-ce que les frères Halde achètent du lait bio à l’épicerie où le trouvent-ils trop cher? « On achète du lait bio entier, c’est certain, mais c’est difficile de s’habituer à du lait mis en carton; ça ne goûte pas comme notre lait », conclut Simon Halde.