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Dans plusieurs productions animales, dont celle des porcs, des poules pondeuses et bientôt, des bovins laitiers, la course contre la montre est entamée pour adapter les bâtiments d’élevage aux nouveaux codes en matière de bien-être animal. Si ces changements font en général consensus sur les bénéfices qu’ils apporteront aux animaux, leur incidence sur l’environnement et sur le portefeuille des producteurs est un sujet plus épineux.
Les producteurs d’œufs de consommation du Québec (FPOQ) s’inquiètent des pressions sociales qui militent pour l’abandon des cages au profit de l’élevage de poules en liberté. « Cette perception du public ne considère que le bien-être animal au détriment de plusieurs autres aspects de la production », déplore Paulin Bouchard, président de la FPOQ. Car selon lui, le système de logements enrichis, où les poules sont élevées en petits groupes tout en étant libres d’exprimer leurs comportements naturels, est beaucoup plus performant pour la production d’œufs que ne peut l’être le système en volière, autant sur le plan du bien-être animal que du développement durable, croit-il. « Mettre des poules toutes ensemble dans un enclos, c’est comme mettre 1 000 enfants d’une garderie dans un aréna. C’est plus difficile à gérer, les maladies se propagent plus vite, il y a plus de poussière », donne-t-il en exemple.
Au Québec, contrairement à l’Europe, les producteurs sont d’ailleurs plus nombreux à opter pour le système enrichi plutôt que les volières lorsqu’ils rénovent leurs poulaillers pour répondre aux nouvelles exigences de leur code de bien-être animal, qui leur impose d’abandonner les cages conventionnelles d’ici 2036. Les systèmes en volière sont privilégiés surtout en production biologique, où les œufs se vendent plus cher.
Sébastien Fournel, professeur en ingénierie des infrastructures et équipements agroalimentaires à l’Université Laval, observe que les changements visant l’amélioration du bien-être animal ont toujours des revers sur les côtés économique et environnemental de la production. « C’est trois aspects sont interreliés comme un triangle : quand on tire la couverte d’un côté, il y en a moins de l’autre », illustre-t-il.
L’information influence les achats
Une récente étude, dont les résultats seront publiés cet été dans les cahiers de recherche du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), montre que le consommateur peut faire des choix différents s’il est mieux informé des différents aspects d’une production.
Le professeur Maurice Doyon, qui a mené l’étude avec une équipe de recherches du Département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l’Université Laval, explique s’être inspiré du Nutri-Score utilisé sur les emballages en Europe, qui permet de donner, avec un code de couleurs, une note entre A et D sur la qualité nutritionnelle d’un produit. « Nous avons refait le même exercice, mais en l’étendant à trois aspects : la valeur nutritive, le bien-être animal et l’impact environnemental des œufs de consommation selon le type de logements utilisés pour élever les poules pondeuses, soit en cage conventionnelle, en système enrichis et en volière », détaille-t-il.
Les résultats ont étonné les chercheurs, qui ne s’attendaient pas à un changement de comportement aussi grand. « Avant d’être informés, les 1 000 participants achetaient majoritairement les œufs produits en volière. Or, une fois les codes imprimés sur les boîtes, ils ont opté pour des œufs produits en logements enrichis, qui représentent, à la lumière des recherches les plus récentes, le meilleur compromis entre l’aspect nutritionnel, le bien-être animal et l’impact environnemental de la production, contrairement aux œufs produits en volière, dont le score environnemental est plus bas », résume-t-il.
Ce genre d’étiquetage gagnerait à être mis en place pour diminuer la méfiance du public envers certaines façons de faire de l’industrie, croit le chercheur. « Car on voit qu’en informant de manière transparente le consommateur à cet égard, il y a un changement de comportement. Le même phénomène a été observé du côté de la production porcine, où des citoyens, après avoir été informés des méthodes d’épandage du lisier de porc et des raisons pour le faire, jugeaient l’odeur moins incommodante que ceux qui n’avaient pas eu accès à ces informations », ajoute-t-il.
Revers environnemental
Le chercheur Sébastien Fournel, de l’Université Laval, travaille présentement sur plusieurs projets de recherche pour amoindrir les contrecoups environnementaux des nouveaux codes d’élevage en matière de bien-être animal dans différentes productions. « Car avec des normes qui tendent vers une réduction de la densité d’élevage comme en Europe, on se retrouve avec de plus grands bâtiments, des animaux qui sont plus actifs et qui consomment donc plus de nourriture, ce qui fait plus de déjections sur une plus grande surface, donc de plus grandes superficies à nettoyer », énumère-t-il.
Cela pose problème sur des aspects très variés, allant de la qualité de l’air aux coûts de chauffage plus élevés jusqu’aux plus grandes quantités d’eau à utiliser pour laver les planchers, notamment dans les maternités porcines.
Ce texte a été publié dans le cadre d’un dossier complet sur le bien-être animal paru dans La Terre de chez nous du 13 juillet 2022.