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MONTRÉAL— La Terre a visité un « motel » agricole unique en son genre situé en bordure de l’autoroute métropolitaine à Montréal.
De l’extérieur, le bâtiment brun n’a rien de pittoresque ou d’agricole, mais à l’intérieur, dans d’anciens locaux manufacturiers aux murs égratignés, se trouvent une multitude de fermes urbaines, plus originales les unes que les autres, lesquelles forment la plus grande coopérative d’agriculture urbaine au Québec : la Centrale agricole. Production maraîchère verticale, pisciculture, vignoble sur toit, élevage d’insectes; près d’une vingtaine d’entreprises et d’organismes s’y trouvent et misent sur l’entraide.
Le conseiller stratégique de la coopérative, Athanasios Mihou, affirme que la roue commence réellement à tourner pour l’agriculture urbaine. « Il y a d’autres villes du Québec et d’autres arrondissements de Montréal qui veulent répliquer le modèle de la Centrale agricole. Je pense qu’on est au début de quelque chose d’assez gros », assure-t-il, ajoutant que des projets privés d’envergure arrivent et mettront davantage Montréal sur « la map » de l’agriculture urbaine dans le monde.
Un élevage de poissons au sous-sol
Lorsqu’on descend au sous-sol de la Place Legendre à Montréal, l’odeur des produits industriels laisse place à l’air marin. Vêtu de ses bottes en caoutchouc et de son sarrau blanc, David Dupaul-Chicoine nous fait visiter ses bassins regorgeant d’ombles chevaliers. Son associé Nicolas Paquin et lui sont les fondateurs d’Opercule, qu’ils estiment être la toute première pisciculture commerciale urbaine. L’une des craintes au départ concernait la survie d’un élevage de poissons à grande échelle dans l’eau de la ville de Montréal, une crainte qui s’est dissipée après les premiers essais. La proximité des marchés et l’aspect écologique de leur production, qui mise sur une filtration très efficace des déjections de poissons, créent un engouement pour leur production, souligne David Dupaul-Chicoine, un bachelier en musique.
Des plantes ornementales produites localement
Succurbaine est le nom de l’entreprise de deux frères passionnés d’agriculture urbaine qui veulent offrir aux Montréalais des plantes avec lesquelles ils pourront décorer leur demeure. « La culture ornementale, c’est assez nouveau dans l’agriculture urbaine et ça se développe bien. On sent que les gens sont intéressés par des plantes cultivées localement. On croit qu’il y a du marché pour vendre 75 000 plantes par année, et nous sommes déjà rendus à 2 000 de vendues depuis janvier », analyse Victor Bruneault-Lalande.
Déjà, dans leur local, la production prend de l’ampleur. Les deux frères se spécialisent dans les plantes grasses, appelées des succulentes. « Ce sont des plantes plus petites qui sont faciles à produire tout au long de l’année, dans des étagères, en environnement contrôlé. Et on remarque une tendance des gens à revenir à de plus petites plantes, plus faciles à entretenir. Présentement, on a un super beau résultat », dit Victor.
Des millions d’insectes derrière la porte
Difficile de croire que derrière l’une des portes anonymes du complexe de la Place Legendre à Montréal se trouve une ferme qui élève des millions d’insectes! Non seulement l’entreprise TriCycle alimente les Montréalais avec ses insectes, mais elle utilise aussi les déchets alimentaires de la métropole pour le faire, explique Noémie Hotte, gestionnaire de projet.
« On vend de la protéine d’insecte pour l’alimentation humaine et animale. Et on vend des fertilisants provenant du fumier de ces insectes. Tout est à base de matière résiduelle qu’on récolte chez les entreprises agroalimentaires environnantes. En fait, chez TriCycle, on essaie d’être le plus possible en économie circulaire pour diminuer le plus possible notre impact environnemental. » Et les affaires vont bien : la ferme, qui produit présentement de trois à quatre tonnes d’insectes, multipliera par dix sa production pour atteindre trente tonnes d’insectes dans deux ans.
« On a deux produits pour l’alimentation humaine : de la poudre d’insecte qui s’intègre bien dans des recettes, comme des biscuits, et des insectes entiers, qui sont moins populaires, mais vraiment délicieux, par exemple pour une collation riche en protéine », précise Noémie.
Des champignons comestibles qui mangent tout
Geoffroy Renaud vend ses champignons comme une source de nourriture, mais aussi comme une technologie prometteuse de gestion des déchets. Dans son local de la Centrale agricole, une chaudière blanche contient un monstre.
« Ce mycélium n’arrête jamais de grossir; il mange les vidanges. Un genre d’estomac infini. Tu remplis cette chaudière de papier, carton, café, feuilles mortes, etc. et en deux semaines tout est mangé. Tant qu’on le nourrit, il grandit. Quand on arrête, en deux semaines, il transforme la moitié de son poids en champignons comestibles. Et à partir d’une racine de champignon, il se reproduit à perpétuité. C’est assez généreux», dit le propriétaire de l’entreprise Champignons Maison, qui vient d’être accepté comme candidat au doctorat à l’Université de Montréal. Il explique que les résidus qui ne sont pas complètement digérés par le champignon peuvent ensuite être employés comme matériau isolant à faible coût. Une autre piste qu’il développe concerne la dépollution par les champignons.
« Mon jardin est sur une ancienne station-service, et des champignons peuvent dépolluer super vite le site. Ce n’est pas comme s’ils mangent les hydrocarbures [pétrole], mais plutôt qu’ils désassemblent ses molécules d’hydrogène et de carbone en une matière qui n’est pas toxique pour la nature. C’est hot », souligne-t-il.
Ce texte a été publié dans le cadre d’un dossier complet sur l’agriculture urbaine paru dans La Terre de chez nous le 29 juin 2022.