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La Terre a suivi un groupe d’amis qui ont passé une excellente journée à visiter cinq vignobles séparés par 288 kilomètres de route dans deux régions différentes. C’était pour eux une façon de découvrir la ruralité québécoise, en même temps que les produits et le savoir-faire des producteurs de vin locaux.
Vignoble Les Murmures
Premier arrêt, un vignoble caché, sur les flancs du mont Saint-Hilaire, où les deux propriétaires, Daniel et Monique, ont tout fait eux-mêmes, de la préparation du terrain dans les années 1990 à la plantation des vignes en 2000 et la vinification de leur récolte, à présent. En y mettant les pieds, la première chose qui attire l’attention du groupe est la vue sur les autres collines montérégiennes.
Fiche technique Nom : Vignoble Les Murmures |
Daniel ouvre l’imposante porte de bois qui donne sur l’antre de son caveau souterrain. Il débouche ses bouteilles et présente chaque vin avec passion, une touche philosophique en bonus. « Nous pensons que les gens se comprennent mieux quand ils murmurent », dit-il, en expliquant le nom de son vignoble, qui vient aussi du murmure de l’eau qui coule de la montagne et du goût de ses vins. « Car nos vins ne sont pas criants. Ils ont une puissance tranquille. Le sol volcanique de la montagne leur confère des saveurs uniques », exprime le vigneron. Parmi les huit produits offerts, la Mariolle, un rosé très festif, et les deux vins fortifiés se démarquent aux yeux du groupe.
Celui qui a pris sa retraite comme enseignant à l’Institut de technologie agroalimentaire, campus de Saint-Hyacinthe, parle de son vignoble comme d’une réussite de vie. « J’ai eu la chance de rencontrer ma femme sur les bancs d’école à l’Université Laval alors qu’on étudiait en agronomie. Je l’ai séduite en lui disant qu’un jour nous aurions une ferme ensemble. Ç’a pris plus de temps que prévu, à notre retraite, mais c’est mission accomplie. C’est un projet formidable! »
Domaine Cartier-Potelle
Dans la municipalité voisine de Rougemont, un chemin de ferme sinueux à travers les pommiers nous conduit à un imposant bâtiment aux allures modernes. « Notre bâtiment n’est pas très champêtre. C’est contemporain, avec une grande fenestration et un plafond très haut, comme ce qu’on a vu en Californie. C’est ce qui nous rejoignait le plus », dit le copropriétaire Jean-Pierre Potelle. Dans sa vaste pièce de dégustation au deuxième étage, dotée d’une vue magnifique, il débouche l’une de ses fiertés : un chardonnay.
Fiche technique Nom : Domaine Cartier-Potelle |
L’entreprise veut justement se démarquer avec les cépages nobles et connus des consommateurs. « Quand tu parles d’un chardonnay, d’un riesling, c’est plus facile à vendre, car les gens ont une référence, contrairement à un cépage comme le frontenac, qui nécessite peu de protection à l’hiver, mais qui parle moins aux gens », précise celui qui a récemment mis en terre les cépages européens gamay et gamaret. «
Les gens connaissent beaucoup le pinot noir, mais croyez-moi, dans trois ans, on ne parlera que du gamay-gamaret. C’est notre beau projet », assure ce vigneron qui a auparavant travaillé dans le secteur de l’informatique. Il met ensuite une autre de ses spécialités sur la table : un cidre effervescent. « Des bulles fines, un produit sec, avec des arômes de pomme mûre qui ont une bonne longueur en bouche », présente-t-il.
Vignoble et Verger Coteau St-Paul
Par un heureux hasard, le troisième vignoble sur l’itinéraire se trouve sur les flancs d’une troisième montérégienne : le mont Yamaska. Surprise, c’est un vigneron dans la jeune trentaine, Nicolas Pomerleau, qui est propriétaire du vignoble et qui accueille ses visiteurs avec une énergie très positive. Son histoire est riche de ses études à l’Institut de technologie agroalimentaire et en agroéconomie à l’Université Laval. Durant ses étés, il a travaillé au Coteau St-Paul pour ensuite en prendre la relève. Il raconte s’être relevé d’un incendie à la ferme en 2017.
Fiche technique Nom : Vignoble et Verger Coteau St-Paul |
Il a aussi orchestré la refonte des logos du vignoble avec un tatoueur réputé de la région et termine présentement sa transition vers l’agriculture biologique. Ses produits sont originaux. « Mon vin gris, c’est un gros must. Les raisins sont pressés tout doucement pour faire sortir les premiers jus. Ça donne un vin demi-sec, tout en fraîcheur, quand même long en bouche, avec des arômes très marqués de pêche, poire et pomme », précise-t-il. Il fait ensuite goûter au groupe son vin orange. « Ça, c’est un vin cool à essayer! Un vin très structuré, avec un petit effluve caramélisé et léger avec ses 10,2 % d’alcool. Il donne soif », décrit le vigneron. Fait intéressant, ce dernier est l’un des rares producteurs de raisins de table du Québec, avec une quinzaine de variétés en autocueillette.
Au vignoble d’Orford
La minifourgonnette met le cap sur l’Estrie, Orford plus précisément, pour atteindre le vignoble du même nom. Tout juste après le village, un sentier en pierres nous guide vers les magnifiques portes en bois du chai. Pierre Lange s’y trouve, lui qui vient tout juste d’acheter ce vignoble, à 71 ans, notamment pour son aspect bucolique. Auparavant spécialisé dans l’importation de vins européens, M. Lange fait maintenant le saut en production. Voilà qui n’est pas sans défi!
Fiche technique Nom : Au vignoble d’Orford |
Le vignoble est en rupture de stock de vin blanc, en raison de la visite des ratons laveurs qui ont mangé beaucoup de raisin l’an dernier, soit l’équivalent de près de 4 000 bouteilles. « Mon prédécesseur avait piégé 30 ratons laveurs en un été », rapporte-t-il. Avec ses connaissances viticoles internationales, M. Lange dit que le vin québécois ne doit pas être comparé. « Il est unique », assure-t-il.
Debout derrière le comptoir de dégustation, le vigneron dépeint son vin blanc comme un produit au nez franc, comportant des arômes de pêche et des saveurs d’ananas. « Il est très sec, et quand même léger avec deux grammes de sucre », mentionne le vigneron. Son rouge est plus costaud. « Beaucoup plus charnu, car vieilli en fût de chêne 20 mois. Le nez est expressif, d’arômes intenses de chocolat noir, de cassis et de cerise noire, avec une bonne longueur en bouche. Le taux d’acidité est un peu élevé, mais c’est ce qui domine dans les vins rouges du Québec », résume-t-il.
Vignoble le Cep d’Argent
La journée se termine de très belle façon à Magog, au Vignoble le Cep d’Argent. Le concept de dégustation refroidit d’abord un peu, avec un système de coupons qu’il faut payer pour déguster tel ou tel produit. Les autres vignobles fonctionnaient plutôt avec un prix fixe pour déguster un certain nombre de vins. Mais ce qui vaut le détour, c’est indubitablement la rencontre avec le copropriétaire Jean-Paul Scieur. Ce vigneron incarne la 6e génération de Scieur à produire du champagne avec sa famille en France avant de venir s’installer au Québec où il a développé avec son frère François un vignoble, près du lac Magog, spécialisé dans les mousseux, dont les méthodes sont calquées sur le cahier des charges du champagne.
Fiche technique Nom : Vignoble le Cep d’Argent |
Jean-Paul Scieur plonge ainsi ses visiteurs québécois dans l’univers du champagne. Il parle de la pression naturelle désirée dans les bouteilles. Il raconte comment son équipe effectue le remuage, c’est-à-dire comment chaque bouteille est légèrement tournée, trois fois par jour, à la main, pendant une douzaine de jours, afin de faire descendre le dépôt de levure vers le goulot pour ensuite dégorger la bouteille, en ouvrant chacune d’elle manuellement pour éjecter ledit dépôt. La bouteille est ensuite refermée avec un bouchon de liège et muselée.
L’objectif des frères Scieur est d’obtenir la même qualité de produit avec leur mousseux québécois que leur champagne. Y a-t-il une différence? « La finesse des bulles est la même. La différence est définitivement sur les cépages qui ont leur typicité. Tu vas aller chercher un côté pain grillé brioché plus accentué avec le champagne », indique Jean-Paul, dont le vignoble produit près de 140 000 bouteilles par année de mousseux et d’autres vins.