Alimentation 27 août 2014

Protéger Metro pour faire la souveraineté alimentaire

af8272b43f3fefe720c209cb3c81b48b

Pour faire la souveraineté alimentaire, il faudra protéger le dernier distributeur québécois qu’est la chaîne Metro.

C’est ce que concluent deux chercheurs de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) dans une analyse percutante fraîchement publiée.

Et il faudrait faire intervenir financièrement la Caisse de dépôt et placement du Québec afin de renforcer l’actionnariat québécois chez Metro, insistent les chargés de projet François L’Italien et David Dupont.

Ces derniers constatent qu’« en raison de la composition de son actionnariat, Metro est vulnérable à des offres d’achat non sollicitées ».

Ils s’inquiètent du « faible poids des actionnaires québécois dans la structure financière de Metro » et se disent préoccupés du fait que la Caisse de dépôt et placement soit absente du bloc de contrôle du distributeur. Pour eux, le bas de laine des Québécois devrait donc remplir son panier d’épicerie avec un fort volume d’actions de Metro.

Politique crédible

Le rapport de l’IRÉC, publié à la veille de la séance de travail convoquée par le ministre de l’Agriculture, François Gendron, analyse le rôle de Metro dans l’économie agroalimentaire du Québec et définit des moyens non seulement d’en conserver le contrôle, mais aussi d’améliorer sa contribution au développement de l’ensemble du secteur.

« Si le Québec veut se doter d’une politique crédible de souveraineté alimentaire, il devra porter une attention particulière à l’un des grands maillons de la chaîne : la grande distribution alimentaire », peut-on lire dans la note de présentation du rapport de l’IRÉC.

Ses auteurs ajoutent : « Au Québec, cette distribution est l’affaire d’un oligopole au sein duquel le seul joueur québécois, Metro, apparaît vulnérable à une prise de contrôle ».

Les chargés de projet David Dupont et François L’Italien rappellent qu’« après les acquisitions de Provigo par Loblaw et d’IGA par Sobeys, « la question du contrôle de Metro prend ainsi tout son sens avec le projet de souveraineté alimentaire ».

Ils recommandent en outre de favoriser l’accès des produits alimentaires québécois aux tablettes des magasins d’alimentation intégrés ou associés aux grandes chaînes de distribution.

Une autre de leurs recommandations porte sur le rôle que pourraient jouer « des fonds institutionnels comme la Caisse de dépôt et placement du Québec » pour « maintenir ce distributeur [Metro] au Québec ».

Rappelons que Metro est le seul des trois principaux distributeurs alimentaires à avoir conservé son siège social au Québec.

Préserver la propriété

Tout récemment, le député libéral Raymond Bachand, qui a été ministre des Finances jusqu’à l’été 2012, avait lui aussi parlé de l’importance de préserver la propriété québécoise de Metro. Il avait fait des rapprochements entre la tentative d’achat hostile du quincaillier Rona et le potentiel que présente Metro pour un éventuel acheteur hors Québec.

Tout cela reste hypothétique, mais ils sont nombreux à craindre que la perte de Metro n’entraîne une rationalisation des achats auprès des producteurs et transformateurs alimentaires du Québec.

Au moment où le gouvernement vante les mérites de campagnes comme celle d’Aliments du Québec, producteurs et transformateurs souhaitent pouvoir compter sur un joueur solide, près de leurs marchés.

Dans les notes compilées par l’IRÉC, « plus de la moitié de tous les aliments vendus au Québec, qu’ils le soient dans les milieux de la restauration, dans les hôpitaux, hôtels ou écoles, à la Société des alcools, dans les dépanneurs ou ailleurs, le sont dans les supermarchés et autres épiceries ».

Enfin, les deux chargés de projet rappellent que la vente de Provigo au géant Loblaw a entraîné un « déplacement du centre de gravité » dans les achats de produits québécois. Depuis cette acquisition en 1998, les marques maison de Provigo ont été remplacées par celles de Loblaw.

Et le siège social de Provigo, qui comptait 1 200 employés en 2000, n’en a plus que 300. On parle maintenant d’un centre administratif. En outre, l’entrepôt de Loblaw a fermé ses portes à Québec, tandis que ceux de Boucherville et Saint-Laurent seraient menacés, dit-on.