Alimentation 6 juin 2017

Les pommes à cidre arrivent au Québec

Il y a un réel intérêt pour des variétés de pommes dédiées à la production de cidre au Québec. Des essais sont en cours et au moins un cidriculteur les utilise déjà dans ses assemblages.

« On veut diversifier l’offre de cidres et avoir la plus large palette possible », a expliqué Monique Audette, agronome consultante en pomiculture et en viticulture à Dunham et conférencière lors du récent Congrès cidres, vins et alcools d’ici. On vise notamment une plus grande longueur en bouche avec les cidres. « Quand on fait du vin, on ne prend pas des raisins de table », illustre l’agronome spécialisée.

Des essais d’hybrides sont en cours à la ferme expérimentale fédérale de Frelighsburg, rouverte en 2016 après quatre ans sans financement. La première récolte est prévue cette année. Des cidriculteurs artisans participent aussi aux tests en partenariat avec le Réseau d’essais de cultivars et porte-greffes de pommiers (RECUPOM).

Les pommes à cidre possèdent plusieurs caractéristiques qui les distinguent des pommes à croquer. Celles-ci contiennent un tannin moyen de seulement 439 mg par litre de jus, comparativement à 2 894 mg pour les pommes à cidre. La chimie des fruits est différente et l’on classe ces dernières dans cinq grandes catégories (amères, douces-amères, acidulées, acides amères et acides aigres). « On doit pouvoir optimiser les assemblages », propose Caroline Provost, directrice et chercheuse au Centre de recherche agroalimentaire de Mirabel. Ce dernier teste le potentiel cidricole des variétés de pommes à cidre. Parmi celles-ci, les plus prometteuses jusqu’à maintenant sont la 8 S 55 21 et l’Ariwa.

Le nez du cidre obtenu avec ces nouvelles variétés évoque parfois des fruits exotiques. Il y a par exemple la Pixie Crunch, qui dégage des effluves de banane.

 

Nathalie Rainville et Jean-François Poirier devant leur verger, qui est l’un des rares à être destiné spécifiquement à faire du cidre. Crédit photo : Thierry Larivière/TCN
Nathalie Rainville et Jean-François Poirier devant leur verger, qui est l’un des rares à être destiné spécifiquement à faire du cidre. Crédit photo : Thierry Larivière/TCN

Moins de pesticides

Un verger qui ne contient que des pommes à cidre pourrait permettre de diminuer l’utilisation des pesticides. « On va tolérer plus de dommages pour la transformation », explique Monique Audette, qui ajoute qu’une étude a démontré que les pommes à cidre plus petites, piquées et rabougries contenaient plus de polyphénols. La régie est donc différente.

Du point de vue agronomique, les pommes à cidre ne tolèrent pas mieux le froid, puisqu’elles proviennent pour le moment de Bretagne, d’Espagne ou d’autres pays européens. Trois variétés testées sont résistantes à la tavelure.

Les essais se font avec des pommiers nains sur un porte-greffes M9, qui permet d’obtenir des pommes en deux ans. Il est « assez difficile » de développer de nouvelles variétés puisque plusieurs programmes d’hybridation en limitent la diffusion. En tout, 39 cultivars seront testés au Québec. Les plantations ont commencé en 2015 et continueront jusqu’en 2018. On vérifie le rendement, de même que différentes composantes des pommes : sucre réducteur, acidité totale, acide malique ainsi qu’intensité colorante des pommes.

Verger pour le cidre dans Lanaudière

L’entreprise Qui sème récolte possède l’un des premiers vergers de pommiers destinés spécifiquement à faire du cidre. Le « verger laboratoire » de Saint-Jean-de-Matha compte une trentaine de variétés qui contiennent notamment plus d’acide malique que les pommes à croquer. On y minimise l’emploi de pesticides et d’additifs alimentaires.

« On revient d’un voyage en Bretagne et il y a des sortes qu’on pense à surgreffer », indique Nathalie Rainville, copropriétaire de Qui sème récolte. Les enjeux auxquels le petit verger lanaudois a à faire face sont la résistance au feu bactérien et la rusticité dans ce coin de pays plus froid que le sud du Québec. Les essais de pommiers seront donc d’un grand intérêt pour ces pionniers.