Alimentation 18 septembre 2014

Perspectives peu encourageantes de la crise alimentaire

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La hausse des prix de base se répercutera sur toute la chaine alimentaire, ce qui devrait accentuer la crise alimentaire dans le monde, selon l’OCDE et la FAO.

Rien ne laisse présager une embellie qui permettrait aux populations de pays en voie de développement de manger à leur faim. « Si des prix plus élevés sont généralement une bonne nouvelle pour les agriculteurs, les conséquences peuvent être catastrophiques pour les pauvres qui, dans les pays en développement, consacrent une part importante de leur revenu à l’alimentation », soutient le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurria.

Il a tenu ces propos vendredi, au moment de dévoiler les Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2011-2020. Ces « perspectives » n’ont pas de quoi susciter un peu d’espoir sur les continents africains, notamment, où on ne mange pas à sa faim. Le rapport indique, entre autres, qu’au cours de la prochaine décennie les prix réels des céréales devraient dépasser en moyenne de 20 % les niveaux de la période 2001-2010, et ceux de la viande de 30 %. Le professeur Sylvain Charlebois de l’Université de Guelph, rappelle dans un texte publié vendredi que la faim dans le monde demeure « une calamité qui affecte près d’un milliard de personnes ».

La hausse des prix des produits de base se répercutera ainsi sur toute la chaîne alimentaire, ce qui aura pour conséquence de faire exploser les prix à la consommation. Dans les pays en développement, les consommateurs pauvres seront « particulièrement exposés », reconnaissent les auteurs du rapport. On y a apprend que le niveau plus élevé des prix alimentaires et la volatilité des marchés des produits de base sont des phénomènes durables, selon les perspectives dévoilées par l’OCDE et la FAO.

Le directeur général de la FAO, Jacques Diouf, a indiqué que « dans le contexte actuel du marché, la volatilité des prix pourrait demeurer une caractéristique des marchés agricoles. Des politiques cohérentes s’imposent donc afin de réduire la volatilité et d’en limiter les retombées négatives. La principale solution au problème sera d’accroître l’investissement dans l’agriculture et de favoriser le développement rural dans les pays en développement, où vivent actuellement 98 % des personnes qui souffrent de la faim et où la population devrait s’accroître de 47% au cours des prochaines décennies ».

Réunion au sommet

La publication de ce rapport préoccupant coïncide avec la tenue du G20, qui réunit les ministres de l’Agriculture à Paris. Les ministres vont débattre de la question de la sécurité alimentaire et tenter de trouver des solutions à la volatilité des prix des denrées alimentaires. Or, selon le professeur Sylvain Charlebois, « contrairement à ce que plusieurs prétendent, l’insécurité alimentaire n’émane pas seulement d’un manque de productivité agricole. Malgré des soubresauts de Dame Nature, la production mondiale a atteint des records ces dernières années, et ce, grâce à la distribution alimentaire et à l’accès continu à une alimentation saine. Ainsi, garantir la sécurité alimentaire exige une approche multisectorielle qui englobe un vaste éventail de politiques publiques ».

Le professeur constate que la flambée des prix des denrées agricoles aide les producteurs, surtout au Canada, mais pénalise les citoyens du monde. « L’ascension spectaculaire et rapide du prix du blé, du canola, du maïs et d’autres céréales dérange et l’urgence d’agir ne fait plus aucun doute. »

Il ne cache pas que la spéculation financière sera bien difficile à endiguer, mais il estime que les membres du G20 devront penser à « mieux encadrer les volumes transactionnels sur les marchés, puisque les États-Unis ont déjà légiféré, à ce chapitre, il y environ un an, et cette mesure est plus que jamais idéologiquement accessible pour les membres du groupe ».
Rappelons que des groupes d’agriculteurs de 60 pays d’Afrique, des Amériques, d’Asie et d’Europe vont se rassembler à Bruxelles lundi pour lancer publiquement un Appel à la cohérence. Ils pressent leurs gouvernements respectifs « de ne pas laisser les accords commerciaux miner la capacité d’assurer la sécurité et la stabilité alimentaires, de porter attention aux besoins particuliers de l’agriculture et de veiller à la cohérence entre les accords internationaux ». Le président de l’UPA, Christian Lacasse, qui se trouve à Bruxelles, prendra part vendredi matin à un point de presse sur la question.