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À la fin septembre, au cœur d’un quartier résidentiel de Laval, en bordure d’un boulevard urbain, on a célébré la première année de récolte d’un nouveau jardin maraîcher de 2 000 m2. Ce projet d’agriculture urbaine est la plus récente initiative du Centre d’entraide du Marigot, un organisme sans but lucratif (OSBL) œuvrant en sécurité alimentaire.
Comme le Marigot, les OSBL du Québec sont de plus en plus nombreux à s’adonner à de l’agriculture. Et il ne s’agit pas de quelques carottes en pots, pour expliquer comment poussent les légumes… Au Marigot seulement, on a récolté 3,5 tonnes d’aliments en 2024.
« On dépasse vraiment l’objectif d’éduquer les gens », dit Chantal de Montigny, directrice des systèmes alimentaires de proximité à Vivre en ville, dont l’organisation reçoit régulièrement des demandes de soutien venant d’OSBL qui souhaitent emboîter le pas. On ignore pour le moment les quantités produites globalement, mais les initiatives sont si nombreuses que Vivre en ville vient de décider de s’outiller afin de mesurer le tout.
Plusieurs raisons expliquent cet engouement, à commencer par les besoins. « Avant la pandémie, on nourrissait 1 200 personnes. Maintenant, il y a plus de 10 000 personnes inscrites à nos services », explique Jean-Sébastien Patrice, directeur général de MultiCaf, dans le quartier montréalais de Côte-des-Neiges, qui pratique l’agriculture urbaine depuis cinq ans et qui récoltera cette année sa première production en pleine terre, sur le site de l’ancien hippodrome Blue Bonnets.
Les aliments récoltés servent à différentes fins. MultiCaf les vend frais, à bas prix, à son épicerie solidaire. D’autres organismes les utilisent dans leur cafétéria communautaire, leur cantine volante, leur cuisine collective ou encore les redistribuent aux bénévoles qui travaillent aux potagers, dont la plupart sont justement des bénéficiaires.
Cultiver, plus rentable que d’acheter?
Pour l’organisme Santropol Roulant, un précurseur qui cultive depuis 18 ans en ville comme en périphérie, l’objectif n’est pas de faire des économies.
Mais pourquoi cultiver ses légumes plutôt que de les acheter? « L’agriculture est une manière de changer la société », explique M. Liné, évoquant notamment les citoyens-bénéficiaires, qui travaillent au potager. « Nous avons beaucoup de gens en transition, qui sont en situation d’itinérance, sortent de prison ou qui sont isolés. Cultiver, ça leur donne un cadre de travail, ça donne de la paix intérieure, de la dignité et ça les aide à socialiser. » L’agriculture, dans ce contexte, aide aussi à l’intégration des nouveaux arrivants.
« On a 40 % d’immigrants. Ils achètent à prix d’or des aliments importés, parce que c’est ce qu’ils connaissent, explique M. Patrice de MultiCaf. Ils apprennent à planter du maïs et en faire du pâté chinois dans nos cuisines collectives. Ils mettent littéralement les mains dans leur terre d’accueil. »
Présente sur les rues, les toits, les stationnements, les terrains en friche, cette agriculture offre des bénéfices pour l’ensemble des citadins. « En les végétalisant, ça rend les quartiers plus agréables à vivre, poursuit Jean-Sébastien Patrice. On a même commencé à mesurer l’impact carbone avec l’Université de Montréal. » Il souligne aussi l’intérêt de l’agriculture pour la réduction des îlots de chaleur et pour la rétention d’eau.
Plusieurs intervenants ont souligné l’importance de cette pratique pour développer la clientèle des agriculteurs locaux. « Les gens qu’on aide achètent des conserves au Dollorama, dit Pier Liné. En participant à des potagers et en apprenant à transformer des aliments, ils réalisent que ce n’est pas de la magie. Après, ils seront plus portés à soutenir les producteurs locaux. »
« Je ne compte plus le nombre de gens qui ont décidé d’aller travailler en agriculture après être passés par chez nous! » ajoute-t-il.
Dans les rues piétonnes
Après la culture en bacs sur des toits de librairies ou d’écoles, les espaces dans des stationnements, les terrains vagues, l’agriculture urbaine investit les rues piétonnes. « Maintenant, il n’y a plus une rue piétonne qui se planifie sans qu’on y prévoit de l’agriculture urbaine », explique Émilie Klein, coordonnatrice d’agriculture urbaine au Carrefour solidaire, en charge notamment de la culture sur la rue Dufresne, dans Hochelaga-Maisonneuve. Depuis cinq ans, les aliments y sont cultivés par les membres bénévoles, qui peuvent repartir avec une partie de la production. « Environ 50 % d’entre eux vivent de l’insécurité alimentaire », explique Mme Klein. Les passants sont aussi invités à se servir. « Cette année, nous avons ajouté des affichettes pour leur indiquer la bonne manière de récolter les aliments », ajoute-t-elle. Avec le temps, la rue est devenue piétonne à l’année et elle jouira l’an prochain d’une grande cure de jouvence. On y retirera notamment l’asphalte, ce qui permettra la culture en pleine terre.