Alimentation 18 septembre 2014

Le yogourt de la discorde

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Un permis d’importation menacerait la gestion de l’offre.

L’irruption sur le marché canadien d’un yogourt de type grec, fabriqué aux États-Unis, pourrait-elle faire imploser la gestion de l’offre en production laitière au Canada?

Président-directeur général du Conseil des industriels laitiers du Québec (CILQ), Pierre Nadeau l’a laissé entendre à La Terre de chez nous, le 9 décembre dernier. Le yogourt de type grec de Chobani est actuellement en période de testage sur le marché ontarien dans quelque 70 Loblaws du Grand Toronto et de Hamilton, pour environ un an, en vertu d’un permis spécial d’importation accordé par le gouvernement fédéral. Avec des tests concluants, Chobani pourrait construire une usine pour fabriquer son yogourt en Ontario.

Selon M. Nadeau, les transformateurs laitiers qui fabriquent déjà du yogourt au Canada, y compris de type grec (Danone, Liberté, Olympic Dairy, Skotidakis et Parmalat), sont profondément irrités par la décision du gouvernement fédéral d’octroyer un tel permis à Chobani. À leurs yeux, ce fabricant new-yorkais ne respecte pas les critères requis : ni son produit ni son processus de fabrication ne s’écartent suffisamment de la réalité du yogourt de type grec déjà commercialisé au pays pour le justifier. De plus, ce yogourt constitue une concurrence déloyale parce que fabriqué avec du lait américain, moins cher que le lait canadien. Le Québec produit plus de 70 % du yogourt canadien.

M. Nadeau souligne que les transformateurs laitiers jugent par ailleurs inéquitable l’offre prioritaire d’importants volumes de lait faite à Chobani par les DFO (Dairy Farmers of Ontario, l’équivalent de la Fédération des producteurs de lait du Québec) pour fabriquer son yogourt dans son éventuelle usine en Ontario. Ils sont frustrés du fait que Chobani ait accès à du lait aussi facilement alors qu’ils réclament du lait supplémentaire depuis des années, sans trop de succès. Et en plus, Chobani grugerait leurs volumes actuels. C’est cet accroc aux règles habituelles de répartition du lait qui aurait le potentiel de faire sauter la gestion de l’offre. L’Ontario Dairy Council a demandé aux DFO de revoir leur décision.

Membre de l’exécutif des Producteurs laitiers du Canada (PLC) et du conseil d’administration des DFO, Ron Versteeg a déclaré à la Terre, le 13 décembre dernier, que l’arrivée de Chobani en Ontario pourrait être bénéfique pour l’industrie canadienne en termes d’investissements et d’emplois, favoriser la croissance du marché des produits laitiers et la production à la ferme. Il considère la concurrence entre transformateurs comme une bonne chose pour les producteurs de lait. M. Versteeg réfute l’argument du manque de lait invoqué par les transformateurs. Il reconnaît que le système de gestion de l’offre implique une gestion très serrée de la production. « Mais la demande est surveillée de près, aux deux mois, et les quotas sont ajustés en conséquence. Ainsi, le quota a été majoré de 2 % le 1er décembre dernier », a-t-il expliqué.

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, qui a délivré le permis spécial, est pour l’heure totalement muet dans cette affaire.