Alimentation 1 mai 2024

Le secteur canadien des protéines végétales tente de lutter contre l’inflation

L’industrie des protéines végétales se concentre sur l’amélioration des prix, du goût et de la texture de ses produits, alors qu’elle traverse une période de méfiance des consommateurs alimentée par l’inflation.

C’est ce que constatent des experts de l’industrie, dont Bill Greuel, président-directeur général de Protein Industries Canada, un organisme à but non lucratif qui reçoit un financement d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada pour investir dans la fabrication d’aliments et d’ingrédients à base de plantes.

Beaucoup de travail est fait au Canada pour améliorer des choses comme la capacité des substituts de fromage végétaliens (les « fauxmages ») à fondre ou comme la texture des substituts de viande à base de plantes, a déclaré M. Greuel en entrevue en marge de la conférence Plant Forward, à Toronto, axée sur cette industrie.

« Le Canada fait de grands progrès », estime M. Greuel, qualifiant le prix, le goût et la texture de « Sainte Trinité des besoins des consommateurs ».

Mais l’inflation et la hausse des taux d’intérêt ont rendu les consommateurs plus sensibles aux écarts de prix, et donc moins disposés à essayer des substituts à base de plantes, admet-il.

En plus d’innover du côté du goût et de la texture, l’industrie doit aussi renforcer sa capacité de fabrication et de transformation au Canada, afin de réduire les différences de prix entre les substituts de viande et la viande conventionnelle, souligne M. Greuel.

Notre conviction est que si nous créons des économies d’échelle dans la fabrication d’ingrédients, cela offrira plus d’options aux fabricants de produits alimentaires, plus d’options aux consommateurs. Et c’est notre voie pour soulager certaines des pressions inflationnistes dans le secteur des aliments à base de plantes, en intensifiant la fabrication d’ingrédients ici au Canada.

Bill Greuel, président-directeur général de Protein Industries Canada

Les perspectives économiques de l’industrie des protéines végétales ont fait l’objet d’une présentation par deux intervenants d’Ernst and Young lors de la conférence du 17 avril à Toronto.

Huzaifa Akhtar, vice-présidente du conseil économique, et Mauricio Zelaya, associé et leader national en économie, ont déclaré aux participants que les entreprises du secteur travaillaient sur plusieurs fronts pour garder une longueur d’avance. Cela implique d’améliorer les produits existants et d’en rechercher de nouveaux, a déclaré Mme Akhtar. « Nous constatons vraiment une énorme poussée d’innovation à tous les niveaux », a-t-elle souligné.

Il est également important pour les entreprises d’atténuer les perturbations potentielles de la chaîne d’approvisionnement en relocalisant à proximité et en diversifiant les sources de leurs intrants végétaux, a-t-elle déclaré.

Croissance moins rapide 

À plus long terme, M. Greuel estime qu’une forte croissance est encore prévue pour l’industrie, mais pas au rythme élevé envisagé auparavant.

Des entreprises comme Beyond Meat ont fait la une des journaux lorsqu’elles ont lancé des produits, y compris dans les grandes chaînes de restauration rapide, qui promettaient d’imiter le goût et la texture d’un hamburger au bœuf. Mais l’enthousiasme initial s’est estompé ces dernières années et a donné lieu à une baisse du cours des actions. 

Les ambitions de croissance dans l’industrie des protéines végétales se sont réduites, admet M. Greuel. « Au début de la pandémie de COVID, nous constations un taux de croissance annuel composé à deux chiffres. Maintenant, nous avons eu une correction du marché, et je pense que c’était justifié. » Les estimations récentes sont plus prudentes, d’environ 6 % à 8 %, dit-il. « C’est quand même important. »

L’intensification de la fabrication et de la transformation au Canada est toutefois un défi, car ces projets nécessitent beaucoup de capital de croissance, a souligné M. Greuel.

« Le coût d’une usine de fabrication d’ingrédients se mesure en centaines de millions de dollars : c’est très difficile à financer dans les modèles traditionnels [de capital-risque] que nous avons au Canada », a-t-il déploré.

« L’autre problème, c’est qu’on ne peut pas financer l’intégralité d’une installation de transformation avec un financement par emprunt sur les marchés traditionnels, car le coût du service de la dette devient alors trop élevé. »

C’est pourquoi il est important de trouver des moyens d’encourager davantage d’investissements du secteur privé, a déclaré M. Greuel.

La réglementation gouvernementale est également une préoccupation majeure, ajoute-t-il, car il faut beaucoup plus de temps au Canada qu’aux États-Unis pour que les nouveaux aliments soient approuvés – parfois plusieurs années de plus.

Alors que le dernier budget fédéral mentionnait des « bacs à sable réglementaires » pour aider les entreprises à stimuler l’innovation, M. Greuel rappelle que « ce sont toutes des choses que nous avons déjà entendues ».


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