Ce contenu est réservé aux abonné(e)s.
Pour un accès immédiat,
abonnez-vous pour moins de 1 $ par semaine.
S'abonner maintenant
Vous êtes déjà abonné(e) ? Connectez-vous
Les contenants de lait semblent bien paisibles sur les tablettes des épiceries québécoises, mais une concurrence très féroce se cache dans les frigos. Des agriculteurs qui veulent y vendre leur lait fermier découvrent cette dynamique où l’argent est roi.
« Ça n’a pas été long qu’on s’est fait tasser des tablettes réservées au lait! » confie Évelyne Rancourt, propriétaire de la laiterie fermière Boréalait, en Abitibi. Elle distribue le lait de sa ferme dans des supermarchés de la région depuis un an. « Au début, on ne dérangeait pas trop, mais quand les gros joueurs ont compris que nos ventes étaient bonnes, ils ont commencé à nous trouver fatigants et ont demandé aux gérants de nous mettre ailleurs. On a été déplacé plus loin, après la crème. Notre lait est plus dur à trouver, mais c’est correct, car de toute façon, on n’a pas les moyens d’acheter de l’espace tablette », dit-elle.
Alexandre Lampron, de la Laiterie Lampron, est en discussion avec les épiceries montréalaises afin d’y faire entrer son lait fermier. « Ce n’est pas simple, avoue-t-il. Les gros joueurs ne sont pas trop ouverts à partager l’espace tablette. Et l’épicier a des ententes de volumes signées avec eux et il ne veut pas diminuer ses volumes à cause de nous », dit-il. En Mauricie, où sa ferme se trouve, la situation est différente. Plusieurs épiceries régionales ont rapidement fait une place de choix au lait fermier des Lampron, et ce, principalement en raison des consommateurs qui le demandent.
Contrats payants avec les gros joueurs
Le propriétaire d’une épicerie située en Montérégie et affiliée à une grande chaîne affirme à La Terre, sous le couvert de l’anonymat, que le rayon des produits laitiers est mené par du « gros argent ».
« Le lait, c’est le contrat le plus payant qu’une épicerie peut aller chercher. C’est plus d’argent que dans la bière et les boissons gazeuses », assure-t-il. Il explique que l’épicier ne fait pratiquement aucun profit sur les ventes de lait. Ce qui est payant, c’est le contrat qu’il signe avec l’un des gros joueurs (Parmalat, Agropur ou autres) pour vendre sa marque en priorité. « Si tu atteins l’objectif de vente inscrit dans le contrat, tu reçois un très gros montant. Et si tu dépasses l’objectif de vente, tu reçois encore un plus gros montant! Alors, tu prends les décisions en conséquence », résume-t-il. Faire rentrer du lait fermier peut alors cannibaliser les ventes et nuire à ce contrat de volume…
Un épicier pourra cependant être tenté de faire place au lait fermier pour deux raisons. Premièrement, pour encourager une ferme locale. « Ce n’est pas bon pour ton image si tu refuses de vendre le produit d’une entreprise du coin », fait remarquer la source. Deuxièmement, certains laits fermiers deviennent un produit haut de gamme sur lequel les marges sont intéressantes et ce type de produit unique peut être un moyen d’attirer la clientèle.
Parmalat et Agropur n’ont pas voulu répondre aux questions de La Terre au sujet des contrats de vente de produits laitiers en épicerie.
Machines distributrices de bouteilles de lait fermier Face à la difficulté de compétitionner les grands transformateurs laitiers, le jeune entrepreneur Guillaume Béland propose de créer un canal de distribution alternatif. « Le commerce en ligne a révolutionné tous les secteurs du commerce de détail, sauf le lait. Il est temps de réinventer la commercialisation du lait, avec un système d’application mobile. C’est là qu’on s’en va : le laitier 2.0 », dit avec enthousiasme le copropriétaire de l’entreprise Proxifrigo. Ce dernier veut mettre en place des machines distributrices de bouteilles de lait fermier dans les sorties du métro de Montréal, les tours à condo, etc. Une première machine vient tout juste d’être installée en Mauricie pour tester ce concept auprès de 25 utilisateurs. « Les gens téléchargent l’application sur leur téléphone et ils payent un abonnement avec leur carte de crédit. Quand ils arrivent à la machine, ils touchent l’écran tactile de la machine, entrent leur bouteille vide et repartent avec une bouteille pleine de lait frais provenant de la ferme [des Lampron] », indique M. Béland. « Arrêtons de vendre à l’unité. Il faut vendre les aliments par abonnement et de façon simple », martèle celui qui détient une formation en marketing direct. |