Alimentation 20 décembre 2017

Gin, whisky et autres spiritueux : la petite révolution québécoise

Si le Québec se démarque par l’excellence de ses fromages fins et de ses bières de microbrasserie, voilà que la même révolution se dessine dans la production de gin, de whisky et autres spiritueux du terroir.

Près d’une vingtaine de microdistilleries sont en activité aujourd’hui, alors qu’il n’y en avait que trois il y a cinq ans, souligne Stéphan Ruffo, président de l’Association des microdistilleries du Québec. « L’intérêt pour le gin explose. C’est tendance et c’est ce qui fait naître un bon nombre de microdistilleries. Ce qu’on produit aujourd’hui n’a rien à voir avec le gros gin de nos grands-pères qui faisait grimacer. On fait du gin plus fin en bouche avec un goût et une signature qui nous sont propres. Et il n’y a pas que le gin; on explore plusieurs types de spiritueux », ajoute M. Ruffo.

La Société des alcools du Québec confirme cette tendance, chiffres à l’appui : les ventes de spiritueux conçus au Québec ont littéralement doublé entre 2013 et 2017, passant de 540 000 à 1,1 million de bouteilles. Seulement dans le dernier exercice, terminé en mars 2017, les ventes de spiritueux d’ici ont enregistré une hausse de 20 % pour s’établir à 755 000 litres. Par comparaison, les ventes de vin du Québec n’ont augmenté que de 4 % durant la même période.

Jean-Philippe Bouchard (à droite), son frère et son père produisent au pied des monts Valin un gin qui a remporté un succès inespéré dès sa première année de commercialisation à la SAQ. Crédit photo : Distillerie du Fjord
Jean-Philippe Bouchard (à droite), son frère et son père produisent au pied des monts Valin un gin qui a remporté un succès inespéré dès sa première année de commercialisation à la SAQ. Crédit photo : Distillerie du Fjord

Comme un électrochoc

Stéphane Denis, directeur de comptes, Amériques et autres formats à la SAQ et spécialiste des spiritueux, indique que la génération des milléniaux est particulièrement entichée des spiritueux québécois, qu’elle emploie dans les cocktails. Cette clientèle est attirée par l’originalité et la différenciation qu’offrent les produits d’ici, dit-il. Il donne d’emblée l’exemple du gin Ungava. « Ses créateurs lui ont donné une connotation québécoise en incorporant des ingrédients du Grand Nord et une couleur jaune. Personne n’avait pensé à faire ça avant! Cela a redéfini le gin, lui a donné comme un électrochoc », témoigne Stéphane Denis, qui donne aussi l’exemple de la Cidrerie Michel Jodoin, « qui fait un brandy à se jeter par terre ».

Fierté

Au pied des monts Valin, les propriétaires de la Distillerie du Fjord espéraient vendre 15 000 bouteilles de leur gin à leur première année d’existence. Ils en ont vendu 20 000 dès les premiers mois et prévoient en écouler près de 50 000 en 2018. « On redistille le gin avec des épices de la forêt boréale. Honnêtement, on ne s’attendait pas à en vendre autant; tout est très rapide! Mais c’est stimulant et nous travaillons déjà sur d’autres recettes misant spécifiquement sur des ingrédients du Saguenay–Lac-Saint-Jean », dit Jean-Philippe Bouchard, dont le gin Km12 a remporté une médaille d’or à la dernière compétition mondiale des spiritueux de San Francisco.

La Distillerie Fils du Roy, établie au Nouveau-Brunswick et au Québec, a également remporté des prix internationaux, notamment avec son gin aromatisé au thuya. « On a commencé avec peu de moyens. On a réussi à isoler des arômes et à gagner des médailles. Aujourd’hui, les gens sont fiers de nos produits, fiers de voir qu’on fait de grandes choses même si on vient d’une petite place », raconte Sébastien Roy.

Le Graal

La prochaine étape dans la jeune existence des microdistilleries québécoises consiste, pour plusieurs entreprises, à élever leur jeu d’un cran en créant de A à Z le contenu de leur bouteille. D’autres explorent maintenant les méthodes de vieillissement de leurs produits. « On fait vieillir en fût de chêne nos “coups de circuit” pour obtenir des produits que les gens n’oublieront pas de sitôt », explique l’artisan Éric Lafrance, du Domaine Lafrance dans les Laurentides.

Signe des temps, le Service aux entreprises et aux collectivités du Cégep de Saint-Félicien offrira dès septembre 2018 une formation de 1 185 heures axée sur développement d’alcools fins du terroir.

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