Alimentation 27 août 2018

La fleur d’ail transformée : ça marche !

SHERBROOKE — Si les ventes de fleurs d’ail fraîches demeurent difficiles pour les producteurs, la fleur d’ail transformée se révèle un marché de plus en plus intéressant et rentable.  

Le directeur de l’Association des producteurs Ail Québec, Serge Pageau, atteste que les produits transformés comme la fleur d’ail marinée, en relish ou en pesto, sont sur une lancée. Ces produits peuvent même représenter jusqu’à 30 % des revenus de la production d’ail des fermes. 


À Sherbrooke, Léon Bibeau-Mercier calcule que ses ventes de fleurs d’ail représentent maintenant 15 % de son chiffre d’affaires associé à la culture de l’ail. « On vend notre récolte en vrac à quelqu’un qui la transforme. Le prix est correct. Éventuellement, nous la transformerons nous-mêmes pour aller chercher plus de revenus, mais nous ne sommes pas encore rendus là », explique celui qui récoltait ses champs en pleine canicule lors du passage de La Terre. 

Des produits uniques 

L’entreprise Le Petit Mas note une clientèle fidèle pour ses produits de fleurs d’ail fermentées. « Le climat du Québec nous permet de cultiver une variété d’ail dont la fleur est récoltable et comestible. Les produits transformés à base de fleurs d’ail ne se retrouvent pas en Europe. C’est assez unique ici; il faut les promouvoir », souligne le copropriétaire Sébastien Grandmont.

Dans Lanaudière, la Ferme Chant-O-Vent tire un revenu intéressant de la fleur d’ail émincée marinée dans l’huile. Ce type de produits s’écoule bien et durant toute l’année, contrairement à la fleur d’ail fraîche, dont la vente avait engendré des pertes dernièrement. L’entreprise réserve cette année tous ses volumes de fleurs d’ail à la transformation. 


En Montérégie, près de la frontière ontarienne, Christian Vinet constate un « engouement très marqué pour les produits de la fleur d’ail ». Il a concocté avec un ami chef cuisinier une recette de pesto, de beurre à l’ail et de chimichurri à base de fleur d’ail, et ses produits trouvent tous preneur. 

De l’ail du Québec 12 mois par année

« Si on veut que les grandes chaînes vendent notre ail, il faut être en mesure de les approvisionner pendant 12 mois. Ce n’est pas le cas pour l’instant, car notre ail se conserve environ six à neuf mois; les détaillants se tournent alors vers nos compétiteurs, de l’Ontario notamment. Mais on travaille à changer ça », dit France Bouthillette, administratrice de l’Association des producteurs Ail Québec. Elle soutient qu’un groupe, incluant un producteur d’ail, développe présentement une technique de conservation similaire à un système de chambre à atmosphère contrôlée. Ce procédé permettrait de conserver l’ail jusqu’à 12 mois par année. « Maintenant qu’on s’attarde à relever les défis d’un séchage adéquat de l’ail [qui est un enjeu important au Québec], on augmente aussi, en plus de la qualité, la quantité de notre production.


La part de marché de l’ail québécois atteint seulement 10 %; on veut augmenter nos parts. Et ça passe par alimenter les supermarchés durant toute l’année », insiste-t-elle. Un défi à moyen et long terme, bien entendu. «Déjà, les épiciers sont ouverts à faire plus de place à promouvoir l’ail du Québec; nous avons eu une grande écoute de leur part cette année. Chacune des bannières participera à la Semaine de l’ail du Québec à sa façon, et nous en sommes très fiers.»

Un truc pour conserver son ail

L’Association des producteurs Ail Québec propose un truc simple pour conserver son ail longtemps à la maison : le placer dans un sac de papier à température ambiante dans un endroit sec. « Évitez de mettre l’ail au réfrigérateur : il entre en dormance et se met ensuite à germer », explique la productrice France Bouthillette. Le sac de plastique est également à proscrire, tout comme les endroits propices aux changements de température (porte qui ouvre, murs mal isolés).

Ventes difficiles de fleurs d’ail fraîches : il faut de la promo ! 

Située à deux pas de la ville, la Ferme Bibeau pourrait vendre sa fleur d’ail directement aux consommateurs, mais le marché du frais est encore à développer. « Les gens pensent que ça goûte fort, la fleur d’ail. En vérité, c’est un bon légume vert avec un goût subtil », souligne-t-il. 

Le directeur de l’Association des producteurs Ail Québec, Serge Pageau, constate que la fleur d’ail fraîche est méconnue du public et se révèle difficile à vendre. « Il faut la faire goûter et expliquer aux gens comment cuisiner avec. La fleur d’ail fraîche a beaucoup de potentiel et nous nous pencherons sur une stratégie de promotion l’an prochain pour mieux la faire connaître », dit-il.

Même à perte, la fleur d’ail est rentable

La notoriété croissante des produits transformés à base de fleurs d’ail permettra peut-être de faire débloquer les ventes de fleurs d’ail fraîches, espèrent les producteurs. De l’avis de tous, la fleur d’ail fraîche possède tous les atouts pour connaître un boom de popularité. Il faudra davantage la promouvoir et espérer une plus grande implication des épiciers. « Surtout qu’on la vend pas cher, à environ 10 $ le kilo, souligne l’agricultrice France Bouthillette. Il faudrait la vendre entre 18 $ et 20 $ le kilo pour être vraiment rentable. » Léon Bibeau-Mercier estime cependant que malgré ce faible prix, il est rentable de récolter la fleur d’ail. En effet, en enlevant la fleur, on permet au plant de consacrer le maximum de son énergie à la croissance du bulbe, ce qui en accroît le calibre.