Alimentation 25 octobre 2018

Les consommateurs d’ici encore timides

Alors que 95 % de la production québécoise de soya dédiée à l’alimentation humaine est exportée, seulement 5 % demeurent sur le territoire. Les transformateurs qui exploitent ce petit marché sont encore considérés comme des joueurs marginaux. Toutefois, les produits à base de cette légumineuse sont de plus en plus présents sur les tablettes des supermarchés.

« C’est rendu populaire. On en parle tous les jours! Aujourd’hui, ce ne sont plus juste des végétariens qui en consomment; c’est monsieur et madame Tout-le-monde », observe Réal Beaulieu, copropriétaire d’Unisoya.

Le fondateur de l’entreprise de Saint-Isidore assiste depuis 30 ans à la hausse constante de la demande pour son tofu. Il estime posséder la moitié des parts du marché et ses ventes ont bondi d’environ 20 % chaque année depuis cinq ans.

« Mais on est encore marginaux. Ce n’est pas un marché d’une centaine de millions », renchérit celui qui produit de 1 200 à 1 500 tonnes de tofu annuellement. 

M. Beaulieu anticipe toutefois une croissance plus modeste de ses ventes, alors que d’autres aliments à base de protéines de soya en provenance des États-Unis prennent d’assaut les tablettes, comme les galettes de burger ou encore les mélanges sans-viande hachée.

Influence

Les boissons de soya et végétales biologiques (amandes et riz) des Aliments Natura occupent environ 70 % des parts de marché. L’entreprise de Saint-Hyacinthe observe également une hausse de ses ventes d’à peu près 6 % par année. 

Il reste encore beaucoup d’éducation à faire auprès du public concernant la consommation du soya, estime Ignace Daher, vice-président aux ventes et au marketing des Aliments Natura. « C’est difficile de vendre du lait de soya. Il y a beaucoup de groupes de pression qui ont joué sur la perception [négative des impacts sur la santé] », souligne-t-il. Le soya a fait l’objet de plusieurs études contestées au cours des dernières années.

À cela s’ajoute la difficulté de demeurer compétitifs par rapport à d’autres boissons de soya qui se trouvent à côté du lait de vache dans les sections réfrigérées des épiceries, par exemple. « Les grandes chaînes ne nous voient plus comme un joueur sympathique dans les produits naturels », mentionne M. Daher. L’entreprise pourrait toutefois trouver des débouchés intéressants après avoir été approchée par des commerçants en Chine. 

Même au Québec, les communautés asiatiques établies à Montréal ont une influence directe sur les volumes de consommation de soya, avance Alain Létourneau, président-directeur général de Prograin. On constate une plus grande « effervescence » grâce à eux, car avec « monsieur et madame Tout-le-monde, on est encore loin de leur faire prendre tous les jours leur boisson de soya », considère-t-il.

Si la filière de transformation du soya n’est pas encore très développée dans la Belle Province, « il semble y avoir de la place pour ça, soutient pour sa part Christian Overbeek, président des Producteurs de grains du Québec. Il y a des attentes sociétales en mouvement et ce serait triste de ne pas pouvoir y répondre ». 

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