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DUNHAM — La semaine dernière, le magazine Protégez-vous a ébranlé le milieu apicole en révélant que 30 % des miels testés en laboratoire sont de mauvaise qualité, contrefaits ou dilués.
Dès la publication des résultats, les médias se sont emparés de l’histoire, soulignant du coup que deux des miels jugés non conformes proviennent d’entreprises québécoises. Du coup, la ferme Les Trois acres s’est retrouvée sur la sellette puisque des tests effectués sur son miel d’été auraient relevé une teneur élevée en sucrose (6,5 %), alors que la norme est fixée à 5 %, « un autre signe de l’ajout d’un sucre étranger », écrit Protégez-vous.
Une traînée de poudre
Les articles publiés le matin du 23 mai ont engendré un nombre incalculable d’appels de journalistes, de clients fidèles offrant leur soutien, mais aussi de clients manifestant leur déception. « Nous avons reçu des bêtises et des courriels agressifs pour quelque chose qu’on n’a pas fait », raconte Stephen Crawford, propriétaire de l’entreprise avec sa conjointe Lilianne Morel.
« Ça me dépasse qu’un test indique qu’on met du sucre dans notre miel, lance l’apiculteur, furieux. Nous avons une petite production d’une centaine de ruches, où on prend le temps de bien faire les choses. On vend même notre miel un peu plus cher pour sa qualité. C’est mon métier à temps plein, l’apiculture, ça fait 28 ans qu’on bâtit notre réputation et qu’on développe la mise en marché d’autres produits [hydromel, etc.]. On aurait mis du sucre dans notre miel pour gâcher tout ça? Je suis sans mot. »
Stephen Crawford craint de perdre une partie de ses clients, notamment ceux qu’il ne connaît pas personnellement et qui achètent leurs produits dans des boutiques spécialisées.
Une erreur de régie
Tous les gens impliqués dans le milieu apicole québécois contactés par la Terre sont d’avis que les propriétaires n’ont pas ajouté de sucre à leur miel. « Moi, je suis certain qu’il n’y a pas de fraude là-dedans. Ils ont dépassé la norme de 1,5 %. S’ils avaient voulu tricher, ils auraient ajouté de 20 à 30 % de sucre. C’est plus une erreur de gestion du rucher », analyse Christian Macle, d’Intermiel.
Un autre apiculteur, Raphaël Vacher, spécifie que le sirop utilisé pour nourrir les abeilles à l’automne et au printemps pourrait expliquer le résultat obtenu par Protégez-vous. « Il peut aussi s’agir d’une contamination externe, par exemple si un apiculteur nourrit ses abeilles avec du sirop 2 ou 3 km plus loin », illustre le président du Syndicat des apiculteurs du Québec.
Des leçons
Miel montrant des signes de surchauffe et miel testé comme ayant du sucre ajouté… aucun apiculteur n’est à l’abri d’une telle situation, indique Christian Macle, qui conseille de tirer deux leçons de l’article de Protégez-vous. D’abord, s’assurer de la qualité du miel qu’on met sur le marché et ensuite, porter attention à la régie du rucher.
Labonté surchauffe L’article de Protégez-vous révèle également que trois miels, dont le miel naturel de Labonté, montraient des signes de surchauffe. Le président de Miel Labonté déclare d’emblée que le miel testé n’était pas falsifié, ni moins bon. Il explique les signes de surchauffe par le vieillissement du miel. « Il y a trois semaines, j’ai trouvé des pots de miel datant de 2014 dans une épicerie. Ce n’est pas des maudites farces! Si le commis fait une mauvaise rotation des stocks, le miel est plus vieux et ça peut arriver qu’il affiche une concentration plus élevée de HMF [ou hydroxyméthylfurfural, un composé chimique testé par Protégez-vous]. Mais ça ne veut pas dire qu’on a chauffé le miel », rétorque Jean-Marc Labonté. « Les médias ont raté la cible » Un apiculteur situé près d’Alma, Raphaël Vacher, dénonce l’angle journalistique choisi par de nombreux médias qui ont repris les résultats des tests de Protégez-vous. « Les médias ont fait un mauvais résumé des tests. Ils ont raté la cible. Quand je regarde les résultats, seulement 2 miels du Québec ont été jugés non conformes sur 31 [il exclut le miel de Manuka, qui ne peut être produit ici]. Les apiculteurs du Québec n’ont pas grand-chose à se reprocher et c’est ça qu’il faut dire », déclare-t-il. L’expert apicole du Centre de recherche en sciences animales de Deschambault, Nicolas Tremblay, estime que les apiculteurs du Québec se démarquent, même à l’international. « Les apiculteurs d’ici ont beaucoup amélioré leurs pratiques. Ils utilisent de moins en moins d’antibiotiques, et des produits employés par des apiculteurs asiatiques sont interdits ici. Ils sont fiers de leur miel et je ne crois pas qu’ils seraient tentés de le falsifier », commente-t-il. Il ajoute que le Québec produit un miel savoureux issu d’une belle diversité florale, « et non pas d’une monoculture de canola comme dans l’Ouest canadien ». |
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