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Les Américains veulent le beurre et l’argent du beurre.
Dans les objectifs publiés hier en vue de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), les représentants au Commerce des États-Unis affirment vouloir conserver les avantages du libre-échange. Du même souffle, ils veulent voir leurs fermiers et éleveurs augmenter leurs exportations.
« On sent que la gestion de l’offre est sous tension », constate Maurice Doyon, professeur-chercheur de l’Université Laval. Celui-ci admet que le document « partisan » relâché par l’administration américaine « n’a rien de surprenant » et qu’il s’adresse d’abord à la population américaine.
En préambule de son document de 18 pages, Robert E. Lighthizer, représentant au Commerce (USTR), indique effectivement qu’un prochain ALENA va procurer aux agriculteurs et éleveurs américains de nouvelles occasions d’augmenter leurs exportations et de retrouver ainsi la prospérité américaine. En d’autres mots, il s’agit du Make America Great Again du président Donald J. Trump.
Le document précise également que les produits agricoles américains devront trouver un marché d’exportation équivalent à celui trouvé aux États-Unis par les produits étrangers, et ce, grâce à la réduction ou l’élimination des tarifs.
Le texte indique aussi que le prochain accord devra chercher à éliminer les barrières non tarifaires aux exportations agricoles américaines, incluant les barrières dites discriminatoires. Dans cette catégorie, on retrouve les biotechnologies telle l’interdiction de la somatropine au Canada, une hormone de croissance autorisée et donnée aux vaches aux États-Unis.
Les Américains ont aussi dans leur mire d’autres mesures dites « injustifiées » qui ont pour effet de limiter « injustement » l’accès à l’exportation des produits agricoles américains. Rappelons que le président américain avait explicitement employé ces qualificatifs pour dénoncer l’introduction d’une nouvelle classe de lait au Canada. Celle-ci a entraîné la réduction des exportations américaines de lait diafiltré en début d’année.
Aux yeux des Américains, précise Maurice Doyon, ce lait diafiltré tombe dans la catégorie des subventions croisées, une mesure jugée « injustifiée ». Le chercheur de l’Université Laval note que les États-Unis prétendent que la poudre de lait se vend au prix mondial au Canada parce que le prix est plus élevé dans les autres classes de lait. Or, souligne-t-il, le Canada n’exporte pas de lait.
« Ça ne tient pas la route, affirme-t-il. Pour faire des subventions croisées, il faut exporter. Aux États-Unis, ils ont aussi différentes classes de lait et ils exportent. S’il y a quelqu’un qui pratique les subventions croisées, c’est bien eux autres. »
Maurice Doyon estime que les États-Unis auront toute une démonstration à faire lors des négociations, le fardeau de la preuve leur revenant. Il ne s’inquiète pas outre mesure de l’issue de ces négociations, rappelant que la balance commerciale des États-Unis dans les œufs et le lait est positive par rapport au Canada. La semaine dernière, rappelle-t-il, l’Association des producteurs d’œufs américains a recommandé à l’État « de ne pas trop brasser la cabane » (“Don’t rock the boat”).
Notons enfin que Québec vient de nommer Raymond Bachand à titre de négociateur, après l’avoir retenu à titre de conseiller le printemps dernier. Les négociations avec les États-Unis pourraient débuter le 16 août prochain.
Lire aussi l’entrevue avec Carl Grenier, expert des institutions politiques nord-américaines et de l’économie politique internationale : À l’aube d’une renégociation de l’ALENA