Plus rare qu’il y a 10 ou 15 ans, le phénomène des dommages causés par les écureuils dans les érablières demeure néanmoins une source d’ennuis pour bien des acériculteurs. Explications et conseils d’experts sur cette question.

« Il faut savoir que plusieurs animaux sont susceptibles de s’attaquer à la tubulure. Les principaux sont les écureuils – roux, noirs, gris, volants –, auxquels s’ajoute le tamia rayé (suisse), confirme Joël Boutin, enseignant en production acéricole au Centre de formation agricole Saint-Anselme. On doit garder en tête que c’est nous qui venons sur leur territoire, que c’est normal qu’il puisse y avoir des réactions! »

Si la majorité des dégâts sont effectivement dus à la présence de rongeurs, dans le cas des écureuils, les dommages causés sont cycliques en raison de la courbe de la population. Peu à peu, le nombre d’individus augmente, finit par atteindre un sommet, puis l’arrivée de prédateurs ou de maladies fait retomber la population. On pense que les risques et ravages pourraient être plus importants lors des pics.

Tous peuvent être touchés

M. Boutin soumet que la courbe s’étalerait peut-être sur une période d’une dizaine d’années. Tous les producteurs peuvent un jour être confrontés à ce problème, à des moments différents, et il n’y a pas une région plus ou moins affectée qu’une autre au Québec. Ce sont les tubes latéraux – communément appelés 5/16 po – qui sont surtout la cible des écureuils. Ceux-ci y percent des trous, voire les cisaillent.

« Quand on a affaire à des experts enragés, ils peuvent même partir avec toutes les composantes en nylon. Les T bouchons, les unions, les chalumeaux… tout ce qui sert à relier les 5/16 po. Si bien que la tubulure se retrouve au sol. Les rongeurs les emportent et les mettent quelque part dans un arbre. Ils semblent se dire : ça, c’est ma nourriture pour cet hiver, ce sera merveilleux! » commente l’enseignant.

Quelques explications possibles

M. Boutin met de l’avant une théorie pour expliquer les avaries provoquées par les écureuils. Lorsque la population est à son plus fort, les dommages qui surviennent l’automne pourraient être attribuables à des juvéniles, de jeunes individus nés au cours de la même année et qui sont inexpérimentés. Ces écureuils ­percevraient les équipements comme des aliments potentiels et seraient pris d’une rage subite.   

« Il est aussi fréquent de voir que les dommages importants à la tubulure ont été faits après des coupes forestières très intenses sur des lots voisins d’une érablière exploitée, souligne le spécialiste en acériculture. On peut croire que les animaux, dont les écureuils, qui ont perdu leur habitat et leur nourriture viennent alors dans l’érablière voisine et leur comportement peut dans ce cas être fort désagréable! »

De l’eau de Javel à l’alcool isopropylique

Comme les ravages n’ont habituellement pas lieu en saison, l’eau sucrée n’aurait rien à voir avec la folie passagère des rongeurs. Pendant de nombreuses années, l’hypochlorite de sodium (eau de Javel) a été utilisé pour laver la tubulure et le sel qu’il contient est pointé du doigt. Comme Joël Boutin, le président et copropriétaire de l’équipementier Dominion & Grimm, Vincent Pépin, incrimine ce type de produit.

« Aujourd’hui, contrairement à il y a une décennie, les gens assainissent avec de l’alcool isopropylique, une solution qui est non salée, évoque-t-il. Un autre élément à considérer, c’est l’aménagement forestier qui a beaucoup modifié l’habitat idéal d’un rongeur. Les producteurs font maintenant des sylvicultures mieux adaptées à l’acérico-forestier et les écureuils ont plus de prédateurs dans un boisé propre. » 

M. Pépin rapporte la présence d’un hibou dans l’érablière qu’il possède, hibou qui est devenu son « meilleur ami contre les rongeurs ». Il constate que le rapace voit plus aisément la forêt et que la chasse est ainsi facilitée, une observation que fait aussi l’organisme Nature-Action Québec, qui suggère de favoriser l’habitat de la martre d’Amérique, du renard, de la chouette, du hibou et de la buse, par exemple.  

Les écureuils, des animaux territoriaux

Un écureuil vit sur un territoire donné et ne le quitte généralement pas. « On peut imaginer que chacun occupe une zone spécifique. Si des dégâts sont faits dans un secteur, ce sont les individus qui l’habitent qui sont indésirables, pas ceux qui se trouvent ailleurs dans l’érablière. Il faut donc éviter de tous les chasser, car il y a des chances que de mauvais écureuils viennent remplacer les bons – qui ne s’intéressent pas à la tubulure – si des secteurs sont vacants », révèle Joël Boutin.

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Des pistes de solution

S’il n’existe encore aucune technologie pour éloigner les écureuils dans les milieux ouverts, des solutions restent toutefois à la portée des producteurs.

En prévention :

→ Éviter l’emploi de produits qui contiennent du sel. Préférer l’utilisation de l’alcool isopropylique en suivant les recommandations – dosage et technique – prescrites par le Centre ACER. L’odeur dégagée par l’alcool agit en outre comme un répulsif.  

Deux approches en cas de dommages :

→ Déposer une demande de permis pour chasser les écureuils. Un agriculteur qui démontre que ses infrastructures sont en train d’être sévèrement endommagées par ces animaux peut obtenir un permis temporaire et les éliminer en toute légalité; 

→ Faire diversion et offrir aux rongeurs du maïs en grains séché. On dispose alors, en petits tas, la nourriture le long des chemins dans les secteurs où des dommages ont été causés. On propose un choix aux écureuils en les occupant à autre chose.