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Il y a des rêves que l’on voudrait voir se réaliser. Celui de devenir pomiculteur se révèle parsemé d’embûches.
D’entrée de jeu, établissons le fait que la pomiculture représente un secteur agricole exigeant techniquement et financièrement; il vaut mieux en être prévenu. Mais si malgré tout votre rêve doit prendre forme, voici quelques conseils d’un spécialiste pour devenir un acheteur averti.
Yvon Morin, agronome et conseiller pomicole chez Agrilus, mentionne qu’au moment du repérage d’un verger de pommiers, le premier critère consiste dans le choix l’emplacement, le site où est implanté le verger. « Les meilleurs sites sont situés à flanc de colline, où l’eau se draine bien et l’air circule librement. Il est préférable d’éviter les cuvettes et les basses terres », spécifie-t-il. C’est pourquoi on trouve des vergers de pommiers autour des Montérégiennes, tels les monts Saint-Hilaire et Rougemont. « La topographie, ça ne se change pas, ajoute-t-il. Là où l’air ne circule pas, les gelées printanières sont fréquentes et mortelles pour les fleurs, donc pour la récolte de l’année. En résumé, les meilleurs sites à pommiers se révèlent aussi ceux des vignes.
Se lancer en pomiculture nécessite de concevoir d’abord un plan d’affaires bien défini. En découleront les réponses à de nombreuses questions. Quel est le marché cible : la transformation, l’autocueillette, la vente de pommes aux emballeurs, devenir cidriculteur? Selon le marché, on ne cherchera pas le même type de plantation de pommiers.
Verger standard, semi-nain, à haute densité…
L’image bucolique d’immenses pommiers en fleurs, que l’on appelle pommiers standards, fait rêver. Ceux-ci proviennent en majorité d’une vieille lignée de variété McIntosh, appelée Barré. Si ce type de pommiers fait la joie des autocueilleurs, leur rentabilité est moins assurée. Les pomiculteurs ont délaissé ce type de pommiers parce que les fruits produits n’atteignent pas le taux de 40 % de rouge McIntosh caractéristique de la pomme de fantaisie. D’où la difficulté de fournir en quantité les emballeurs ou les grossistes. Bien sûr, le pommier standard produit de belles pommes, mais il nécessite de nombreuses interventions, notamment la taille, une tâche importante.
Comme le verger de pommiers standards s’avère difficile à rentabiliser, son prix d’achat ne doit pas être élevé. « C’est toujours le site qui prédomine. Il vaut mieux acheter un verger de pommiers standards sur un bon site qu’un autre type, comme celui à haute densité, par exemple, sur un mauvais site. On peut restaurer un verger, mais il est impossible de changer de site », rappelle Yvon Morin.
Plusieurs vergers sont plantés de pommiers nains ou semi-nains. De plus petite taille, tous deux ont pour avantage de ne pas nécessiter d’échelle lors de la taille, des traitements… et de la récolte! Idéales pour l’autocueillette, ces variétés offrent des fruits d’une grande qualité.
Quant au verger à haute densité, dont les variétés de pommes sont diversifiées, il répond aux besoins des grossistes. Les pommiers forment un long corridor, et des poteaux ainsi que des fils métalliques relient les arbres entre eux. Passer d’une rangée à l’autre se fait difficilement. Aussi, ce type de verger ne se prête pas à l’autocueillette.
Enfin, si votre rêve consiste à de devenir cidriculteur, tout type de verger, nain, semi-nain ou standard, pourra remplir sa fonction pourvu que le tonnage de pommes requis pour la production soit atteint, puisque toute la récolte sera transformée à la ferme. En outre, vous devez être expert et un passionné de cidre et d’alcool avant tout. Sans compter la maîtrise des stratégies marketing pour vendre votre produit.
Lutte aux maladies et contrôle des ravageurs
Le conseiller pomicole recommande aux intéressés de suivre un cours sur la lutte aux maladies et le contrôle des ravageurs des pommes offert à l’Institut de technologie agroalimentaire de Saint-Hyacinthe, ce qu’on appelle la phytoprotection. Cet aspect s’avère capital et fort stressant en pomiculture, car le consommateur exige de beaux fruits rouges exempts de taches ou de piqûres d’insectes. « Le nombre d’interventions phytosanitaires pour obtenir de belles pommes est élevé, il faut en être conscient », insiste M. Morin. Et le contrôle des maladies et des ravageurs implique des pulvérisations de pesticides, tels que fongicides, insecticides, acaricides, ce qui se traduit par plusieurs heures passées au volant du tracteur. La production bio alors? « La régie biologique de pommiers s’avère encore plus difficile que la conventionnelle et nécessite plus d’interventions. En régie bio, les chances de réussite augmentent si le verger se trouve isolé d’autres pommiers », indique le conseiller pomicole.
Une dernière mise en garde : « Au cours du processus d’achat, le vendeur doit fournir les états financiers officiels de son verger, notamment ceux de La Financière agricole. Si un pomiculteur avoue que la moitié de sa récolte est vendue au noir, attention! Comme ces chiffres ne peuvent pas être vérifiés, l’achat devient plus risqué », ajoute-t-il.
On conseille souvent aux nouveaux venus de s’entourer de personnes compétentes pour améliorer leurs chances de réussite. Cependant, le secteur pomicole connaît une pénurie de conseillers spécialisés, et le soutien technique se fait rare. Toutefois, le Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ) publie plusieurs guides sur la culture de la pomme, notamment sur l’implantation (Implantation d’un verger de pommiers) et les ravageurs (Guide d’identification des ravageurs des pommiers et de leurs ennemis naturels) au www.craaq.qc.ca.
La rentabilité des entreprises pomicoles demeure difficile au Québec, depuis nombre d’années. L’achat d’un verger de pommiers constitue une aventure risquée. Transformer son rêve en réalité exige de la conviction, beaucoup de conviction.