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La découverte d’une molécule antioxydante dans le sirop d’érable par des scientifiques américains a piqué l’orgueil de deux chercheurs québécois. À défaut d’avoir fait la trouvaille, ils se sont donné la mission d’élaborer en premier la synthèse totale du québécol, qui pourrait servir à produire des médicaments.
Avril 2011. La sonnerie du téléphone du professeur Normand Voyer, à l’Université Laval, retentit. Le chimiste répond. Au bout du fil, on lui demande de réagir à la découverte d’une molécule contenue dans le sirop d’érable par une équipe de chercheurs du Rhode Island. Normand Voyer commente la trouvaille du québécol, que les chercheurs américains ont nommé en l’honneur de la province où est produit 70 % du sirop d’érable mondial, mais la requête le fouette. « Je me suis dit : ‘‘Ce n’est pas vrai qu’un chercheur des États-Unis va découvrir une molécule dans notre produit culte et qu’il va en faire la synthèse également” », lance le professeur amusé. La course à la synthèse complète du québécol était alors lancée pour Normand Voyer et son copilote Sébastien Cardinal, doctorant à l’Université Laval.
« L’équipe du docteur Seeram au Rhode Island avait isolé quelques microgrammes de québécol sur 20 litres de sirop d’érable, explique Normand Voyer. Pour vérifier si la molécule présente des effets bénéfiques sur la santé, il faut avoir suffisamment de matériel. C’est pourquoi une synthèse est nécessaire. »
Son acolyte Sébastien Cardinal et lui ont travaillé d’arrache-pied pour atteindre leur objectif. Le professeur explique que la quête de la synthèse complète du québécol constituait un élément rassembleur dans le laboratoire, où œuvrent près d’une dizaine d’étudiants. Après plusieurs mois de dur labeur, les chercheurs ont finalement réussi à publier leur synthèse complète de la molécule en mai dernier, quelques semaines à peine avant celle de l’équipe du docteur Seeram, soutient Normand Voyer. « J’ai apporté un gâteau le lendemain de la fin de nos travaux, se souvient en riant le chimiste. Mais quand je suis rentré dans le laboratoire, il n’y avait personne. Les étudiants avaient trop fêté la veille avec une autre substance… du houblon. »
Effets sur la santé à confirmer
Il est toujours impossible de déterminer si le québécol possède des propriétés bénéfiques sur la santé. Normand Voyer tient toutefois à rappeler que plusieurs médicaments sont élaborés avec des molécules extraites de certains arbustes, par exemple, qui s’apparentent à celle retrouvée dans le sirop d’érable.
Chose certaine, le québécol attire l’attention des chercheurs. Deux médecins ont contacté le professeur Voyer pour le tester en laboratoire. « J’ai appris l’existence de cette molécule quand j’ai entendu la voix de Normand Voyer à la radio, explique en rigolant André Cantin, professeur au département de médecine de l’Université de Sherbrooke. C’est un ami, alors je l’ai appelé pour obtenir la molécule. » Le département de médecine de Sherbrooke a reçu le québécol à la fin décembre. La recherche in vitro sur la molécule a commencé depuis. Selon M. Cantin, qui se spécialise dans les maladies de la fibrose pulmonaire idiopathique et la fibrose kystique, il est possible que le québécol constitue l’ingrédient actif d’un médicament dans le futur. « Il ne faut pas se leurrer, ce n’est pas pour demain, précise le professeur. Il reste que c’est excitant pour nous d’expérimenter avec un produit qui vient d’ici. Et ce serait agréable qu’un médicament porte le nom du Québec. »