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Une récente étude de l’Université Laval confirme la corrélation entre le séjour des abeilles dans les champs de bleuets nains et de canneberges l’été pour la pollinisation et leurs problèmes de santé.
Pour tirer ces conclusions, les chercheurs Claude Dufour, Pierre Giovenazzo et Valérie Fournier ont étudié différents indicateurs de santé de 20 colonies d’abeilles. Au terme de l’expérience qui s’est échelonnée sur plusieurs mois, ils ont entre autres constaté que les abeilles envoyées dans les cannebergières durant l’été étaient plus nombreuses à mourir l’hiver suivant que celles qui séjournaient dans d’autres cultures. Par contre, le travail en bleuetière n’affaiblirait pas directement les insectes, mais nuirait au développement des larves, donc à la reproduction des abeilles.
Les chercheurs attribuent ces effets négatifs à des carences alimentaires lors de la pollinisation, qui ne se règlent pas, ont-ils constaté, même lorsque les ruches retournent en milieu diversifié après leur séjour de quelques semaines en cannebergière et en bleuetière. Les canneberges, explique-t-on, produisent peu de nectar et la diversité florale autour est plutôt faible. Quant au pollen dans les bleuetières, il contient moins de 20 % de protéines.
La coauteure de l’étude Claude Dufour, elle-même apicultrice à Lac-Etchemin, dans Chaudière-Appalaches, souligne toutefois que la pollinisation est essentielle au rendement des cannebergières et des bleuetières et qu’il faut continuer de trouver des pistes de solutions pour atténuer le problème.
Le président-fondateur de Fruit d’or, Martin Le Moine, qui a déjà été producteur de canneberges dans le Centre-du-Québec, souligne que des efforts sont faits à l’égard des abeilles. « De plus en plus de producteurs, sachant que les abeilles manquent de nectar, font pousser des fleurs plus riches autour des canneberges, notamment du trèfle, pour qu’elles puissent aller chercher plus de nutriments », commente-t-il.
Un enjeu déjà connu
Raphaël Vacher est propriétaire de 1 300 ruches à Alma, au Lac-Saint-Jean. Il a arrêté de mettre ses abeilles en location dans les cannebergières il y a cinq ans, justement parce qu’il remarquait qu’il en perdait deux fois plus dans les ruches envoyées dans ce type de culture. Par contre, celui qui est aussi premier vice-président des Apiculteurs et apicultrices du Québec continue de louer aux bleuetières les insectes pollinisateurs qu’il élève, parce que le nectar, dit-il, génère beaucoup moins de pertes que celui des cannebergières. « Je ne suis pas surpris des résultats de cette étude », témoigne-t-il d’entrée de jeu, assurant que le phénomène est connu des apiculteurs et des agriculteurs.
Toutefois, la production de miel à elle seule est de moins en moins rentable dans plusieurs régions du Québec, ce qui oblige les apiculteurs commerciaux à diversifier leurs activités pour arrondir les fins de mois. « On calcule que le prêt d’abeilles durant l’été est assez payant pour compenser les pertes d’insectes l’hiver suivant », ajoute M. Vacher, qui spécifie que des suppléments alimentaires et des traitements existent pour atténuer ce problème.
« Mon rêve serait de rester chez moi à m’occuper de mes ruches, mais la seule récolte de miel ne me le permet pas. En plus, les canneberges et les bleuets ont particulièrement besoin de pollinisation. Les agriculteurs offrent de très bons prix pour louer nos abeilles. »
Contacté par La Terre, le président du Syndicat des producteurs de bleuets du Québec, Daniel Gobeil, estime que son rendement « quadruple avec le travail des abeilles ».
D’autres solutions existent, notamment la location de bourdons. « Certains agriculteurs ont recours aux deux. Les bourdons sont plus chers, mais ils pollinisent plus vite. Chaque producteur fait des calculs et développe sa propre stratégie », explique M. Gobeil.