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Il y a maintenant 25 ans, l’entrepreneur et agronome Maurice Dufour a fait partie de la « première vague » d’artisans-fromagers à penser au-delà du cheddar québécois qui dominait le marché. Le copropriétaire de la maison d’affinage portant son nom, dans Charlevoix, s’est alors donné pour mission de valoriser les matières premières de sa région auprès des consommateurs locaux et des touristes, déjà très nombreux à l’époque.
« Dans les années 90, on était dans les premières régions à avoir un développement axé sur l’agroalimentaire », souligne M. Dufour, qui a su profiter de cette mouvance. Par la suite, il a démarré en 2005 un élevage de brebis pour diversifier son offre de fromages de spécialité, offerts autant à la ferme que dans les supermarchés.
La Maison d’affinage Maurice Dufour Baie-Saint-Paul, Charlevoix Année de fondation : 1994 Propriétaires: Maurice Dufour et Francine Bouchard Nombre d’employés : 25 Chiffre d’affaires : 4 M $ Principaux marchés : Québec, Ontario et provinces maritimes |
Sa conjointe et lui ainsi que leurs deux enfants, Alexandre et Madeleine, peuvent maintenant compter sur de nombreux clients fidèles qu’ils appellent fièrement leurs ambassadeurs pour faire valoir l’achat local. « Ça fait partie de l’ADN de Charlevoix, […] du charme de la région et de notre entreprise. Pour nous, ça va au-delà du marketing. C’est une valeur fondamentale d’avoir les circuits les plus courts possible », précise Madeleine.
Même si beaucoup de consommateurs sont sensibles à l’achat local, il reste encore du chemin à faire, renchérit Alexandre. « On aura beau faire tous des efforts et des pressions politiques, la clé du succès, c’est le comportement des consommateurs. »
Affiner la croissance
Cette famille fromagère a toujours eu le souci de faire ressortir ses produits parmi le lot des fromages fins européens. Elle doit continuer de le faire aujourd’hui plus que jamais.
Pour faire face à l’entrée progressive des fromages européens prévue par l’accord de libre-échange Canada-Europe, les fabricants du Migneron de Charlevoix préfèrent perfectionner leurs produits et leur savoir-faire artisanal plutôt que d’uniquement augmenter les volumes pour poursuivre leur croissance.
Il y a près de deux ans, l’exploitation a décidé d’investir pour automatiser davantage ses activités et avoir de l’équipement qui améliore notamment la pasteurisation et l’écrémage de ses fromages de lait de vache et de brebis.
« En 2019, pour une entreprise comme la nôtre, la croissance n’est pas juste en transformant plus de lait. C’est aussi en améliorant tous les procédés, en diminuant les coûts de production et en rentabilisant chaque litre de lait qui entre dans notre usine », explique Alexandre, qui représente la relève de la fromagerie avec sa sœur. « Chaque étape est rentabilisée et efficace dans une optique où rien n’est laissé au hasard », ajoute Madeleine.
De la vodka avec les « résidus »
Cette volonté d’être toujours plus performants s’applique aussi à la fabrication de la vodka de « petit-lait », l’une des activités pilotées par la relève familiale de l’entreprise depuis un peu plus d’un an.
L’achat d’un nouveau vaporisateur contribue justement à l’efficacité du processus de distillation du lactosérum, cette matière liquide issue de la coagulation du lait. La vodka qui en résulte, vendue pour l’instant à la ferme mais en voie de se retrouver sur les tablettes de la SAQ, permet non seulement de récupérer cette matière résiduelle, mais aussi de la rentabiliser, car jusqu’à l’été 2018, seule l’eau contenue dans le lactosérum était récupérée pour arroser les champs de l’entreprise. Ainsi, la famille a pu s’approprier le dicton selon lequel « rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme ».
Le défi de trouver du lait de Charlevoix La disparition de ses fournisseurs est l’un des défis majeurs auquel l’entreprise devra faire face dans les prochaines années, estime Maurice Dufour. « Il y a 20 ans, il y avait 63 producteurs de lait, et depuis la semaine dernière, il en reste 14 », s’alarme le fromager. L’enjeu est crucial, car la fromagerie s’approvisionne en lait de vache de la région pour sa production. Elle ne peut en chercher ailleurs puisque sa marque de fabrique est d’utiliser des produits locaux. Pour l’instant, la situation est satisfaisante, mais à moyen terme, elle pourrait devenir préoccupante. Si l’entreprise venait à éprouver de plus sérieux problèmes d’approvisionnement, elle envisagerait de produire elle-même son lait de vache à l’avenir. Un processus émotif de transfert d’entreprise La famille demeure discrète sur les détails des négociations de transfert d’entreprise entre les parents et les enfants qui souhaitent reprendre le flambeau. « Le processus est très bien enclenché. On a les deux pieds dedans. Est-ce que c’est simple? Non. Est-ce que c’est positif? Oui », affirme Madeleine. Maurice Dufour confie pour sa part que le fait de céder une entreprise dans laquelle on a mis beaucoup d’amour n’est pas chose facile. « Il y a aussi tout le côté émotif par rapport à ça. […] Toutes les émotions qu’on met là-dedans, si ça ne nous tenait pas à cœur, ce ne serait pas pareil », murmure-t-il. |
Ce portrait d’entreprise est rendu possible grâce au Fonds CDPQ pour la relève journalistique mis sur pied par la Caisse de dépôt et placement du Québec et la Fédération professionnelle des journalistes du Québec.