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HEMMINGFORD — Jongler entre la gestion d’un restaurant et celle d’une terre maraîchère, voilà le « beau, mais méchant trip » dans lequel s’est lancé le chef montréalais Constant Mentzas. Si son nouveau jardin lui permet de concocter des plats plus diversifiés, l’expérience n’est cependant pas de tout repos.
Lors de la première année du projet, « les mauvaises herbes ont pris le dessus », raconte-t-il avec un brin d’humour. Au départ, le propriétaire d’Ikanos, un restaurant haut de gamme d’influence méditerranéenne, pensait pouvoir s’occuper du jardin biologique d’environ un acre, à Hemmingford, en Montérégie, avec l’aide de ses employés. Il s’est rapidement ravisé en confiant il y a deux ans la planification des semences et des récoltes à son alliée, l’horticultrice Shaina Hayes. Durant la saison, celle-ci a notamment veillé à la culture d’une cinquantaine de variétés de tomates et de près d’une trentaine de variétés de zucchinis, de concombres et de melons.
Cette aussi grande diversité de végétaux, M. Mentzas ne la retrouvait pas dans l’offre de ses fournisseurs. « Il y a à peine quatre ou cinq ans, quand je recevais des tomates, on me demandait : “Tu veux des tomates rouges ou jaunes? Vertes ou noires?” », dit-il, soulignant l’absence de descriptions reliées au goût des fruits et des légumes. « Ça fait 10 ans que je suis chef, poursuit-il. À un moment donné, tu as l’impression de te répéter un peu. Veux, veux pas, avoir des nouveaux ingrédients qui entrent [au resto], ça te force à te renouveler. »
La plupart des légumes présentés en vedette dans ses assiettes sont cultivés dans son jardin. Seuls ceux utilisés pour les purées et les bouillons proviennent d’ailleurs, indique-t-il.
Défis et rentabilité
Pouvoir choisir ses propres légumes et « ne pas être à la merci des autres » a cependant un prix. Le chef Constant Mentzas l’admet sans détour : son projet n’est pas rentable. Du moins, pour l’instant. « Je ne recommanderais à personne de le faire dans le but d’économiser de l’argent », soutient-il, projetant toutefois de parvenir à couvrir les dépenses engagées lors de la prochaine saison.
L’entrepreneur veut aussi mieux planifier les quantités afin d’avoir assez d’une même variété de légumes pour un type de plat, mais aussi pour éviter des surplus, comme ça a été le cas pour les courgettes et les aubergines cette année. « C’est un peu triste de produire des aubergines vraiment spéciales et de devoir les passer en baba ganousch [purée d’aubergines, pour éviter de les perdre] », souligne-t-il. M. Mentzas prévoit d’ailleurs faire l’achat d’une chambre froide usagée pour mieux conserver ses stocks lors de la prochaine saison.
Une tendance encore timide au Québec Le chef cuisinier de renommée internationale Jean Soulard constate une tendance émergente des restaurateurs qui font affaire directement avec des maraîchers pour des fruits et légumes sur mesure. Mais ceux qui possèdent leurs propres terres sont encore peu nombreux, contrairement en France, où la plupart des chefs ont leur jardin. Aussi, M. Soulard avance que ce ne sont pas tous les chefs qui ont le pouce vert ou l’amour de la terre. « Ça prend de l’énergie et il faut croire en cette affaire-là. C’est aussi beaucoup d’investissements. Il faut vraiment être persévérant et avoir la passion », estime celui qui a aménagé le jardin sur le toit du Château Frontenac, à Québec, au début des années 1990. |