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L’obligation d’identifier les animaux dans le cadre du programme de traçabilité relève d’un processus qui a pris racine dans les fermes laitières et d’élevage au Québec depuis maintenant dix ans.
Ce vaste projet a pour objectif d’établir un circuit de traçabilité pour assurer la salubrité des aliments, du producteur au consommateur. Toute la filière est donc sollicitée. Mais ce sont les producteurs et les éleveurs qui constituent les premiers maillons de la chaîne d’introduction de cette technologie. Nous avons visité deux fermes pour constater de quelle façon on y a vécu l’implantation de la traçabilité.
Marc Bilodeau, producteur laitier à Sherbrooke, et Benoît Côté, éleveur de bovins à Shefford, partagent le même avis sur le concept de la traçabilité. Il s’agit pour eux d’un outil incontournable dans le contexte alimentaire actuel. Si l’objectif du processus est valable, sa mise en place dans les étables ne s’est toutefois pas effectuée sans heurts. Étrangement, ce n’est pas tant le volet informatique de l’opération que celui de la rétention des boucles d’identification qu’ont abordé les deux éleveurs.
« Ces identifiants permanents n’avaient rien de permanent, résume avec un large sourire Benoît Côté. Des boucles, on en ramassait à la chaudière. » Son troupeau de Hereford et de bovins croisés, basé sur 124 vaches, a accès à l’extérieur à longueur d’année, ce qui a mis les boucles à dure épreuve. « Lorsque nous nous sommes joints au programme de traçabilité, nous craignions la surcharge de paperasse. Ce sont finalement les boucles qui nous ont donné le plus de fil à retordre. » Les températures hivernales extrêmes et la configuration des mangeoires ont mis les premières versions des identifiants à dure épreuve. Toutefois, la visite d’un représentant d’Agri-Traçabilité Québec (ATQ) a remédié à cette situation frustrante lorsqu’il a proposé des solutions adaptées à cette ferme, sachant que d’autres éleveurs vivraient la même situation.
L’introduction des identifiants s’est déroulée plus rondement à la ferme R.M. Bilodeau. Néanmoins, la participation de la ferme laitière à la traçabilité s’est aussi traduite par des problèmes de rétention avec les identifiants. Mais pour pallier ce problème, le producteur a puisé dans l’album photos où figure chaque veau né à sa ferme, afin d’identifier ceux qui auraient perdu leur boucle. Cependant, la plus récente mouture de la boucle, l’Ultraflex, semble faire ses preuves.
Un outil de gestion
Derrière l’implantation de la traçabilité se trouve aussi le développement d’outils de gestion qui n’ont pas nécessairement été adoptés d’entrée de jeu par les utilisateurs. Par exemple, la puce électronique pouvant être lue par un bâton lecteur, attachée à l’oreille de l’animal, constitue une clé donnant accès à une foule d’informations pertinentes. « Je m’en sers lors de la pesée, explique Benoît Côté. Cette puce remplace la prise de données manuelle, plus fastidieuse, et élimine les risques d’erreur. » La puce est lue électroniquement et le poids de l’animal s’inscrit automatiquement à côté du numéro ATQ. Cette information peut alors être transférée dans un fichier Excel à des fins de régie. L’éleveur utilise aussi le logiciel PATBQ en combinaison. Il construit ainsi son propre logiciel de régie.
Cela dit, lors des achats aux encans, le numéro de référence d’ ATQ s’avère bien utile puisqu’il indique exactement la date de naissance de l’animal. L’éleveur qui veut constituer des lots similaires obtient dès lors une information exacte. Autre avantage : la possibilité d’obtenir en un clic de souris l’historique complet de chaque animal!
Les deux producteurs s’entendent pour dire que l’interface informatique de gestion du programme de traçabilité est relativement simple à maîtriser. Mais le potentiel de développement de cet outil de gestion reste encore en grande partie à concrétiser.
De nouvelles applications
Aux bureaux d’ATQ, à Longueuil, on est conscient que les producteurs n’ont pas tous développé la même maîtrise du logiciel de traçabilité pour en faire un outil de gestion plus polyvalent. « Si les dix premières années ont été consacrées à l’implantation de la traçabilité dans les fermes, les dix prochaines pourraient bien être marquées du sceau du développement d’applications, prédit Jean-Sébastien Rioux, coordonnateur de l’automatisation à ATQ. Nous voulons joindre des éléments de valeur ajoutée à la traçabilité afin que les producteurs soient soutenus dans la régie de leurs fermes et de leurs troupeaux. »
M. Rioux nous livre un exemple. Un producteur peut obtenir les données électroniques en provenance de l’abattoir où il a livré un animal ou un groupe d’animaux pour en tirer des informations concernant la classification de la carcasse et même le gain de poids. L’éleveur pourra par la suite ajuster l’alimentation ou un autre paramètre de sa régie afin d’obtenir de meilleurs résultats.
Plusieurs projets sont aussi menés de front pour faciliter le maintien de la ligne de traçabilité durant la cruciale phase du transport des animaux, d’une ferme à l’autre, puis vers l’abattoir. Le suivi des carcasses, une fois l’animal abattu, pose un autre problème auquel ATQ devra s’attaquer s’il veut réaliser véritablement le lien de l’éleveur au consommateur. « Pour comprendre cette problématique, illustre M. Rioux, on n’a qu’à penser au moyen de retracer un paquet de viande hachée dans lequel on retrouve la contribution carnée de dix animaux… »
Mais pour l’instant, les projecteurs d’ATQ semblent braqués sur les producteurs pour qu’ils acquièrent, à travers la traçabilité, une approche de gestion la plus simple et la plus complète possible. L’objectif consiste aussi à enrichir cet outil tout en réduisant le fardeau administratif. Cela devra se concrétiser par des ententes entre divers intervenants pour rendre leurs bases de données compatibles. Comme on l’a vu dans l’élevage bovin, le numéro d’ATQ n’est qu’une des références utilisées.
Des efforts de promotion se poursuivront aussi sur le terrain afin, entre autres, de familiariser davantage les éleveurs à l’utilisation des bâtons de lecture pour les puces électroniques, surtout ceux en charge de grands troupeaux. En ce qui concerne nos deux producteurs, l’obstacle des identifiants maintenant surmonté, ils pourront certainement s’investir davantage dans l’intégration de nouvelles applications du logiciel d’ATQ.