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Plusieurs projets de mise en marché de bœuf nourri à l’herbe ou sans hormones de croissance ont connu des échecs ces dernières années, mais pas Bœuf Gaspésie, qui tire son épingle du jeu depuis 2008.
« L’entreprise va bien parce qu’on s’arrange pour qu’elle aille bien », résume Marc Cyr, éleveur et directeur de la coopérative gaspésienne. Il affirme que les sept éleveurs qui ont fondé l’organisation investissent beaucoup de temps et d’efforts pour s’assurer de la réussite de Bœuf Gaspésie.
Apprentissage à la dure
Bœuf Gaspésie Année de fondation 2008 Propriétaires 7 fermes participantes Chiffre d’affaires 500 000 $ Principaux marchés Gaspésie, Québec |
En 2008, ces éleveurs ont voulu se démarquer par un cahier des charges obligeant les animaux à vivre une partie de l’année au pâturage et interdisant l’utilisation d’hormones de croissance et d’antibiotiques dans l’alimentation. Défense aussi d’envoyer les veaux terminer leur vie dans un parc d’engraissement. Ces exigences leur ont permis de vendre la viande environ 15 à 20 % plus cher. Et la population gaspésienne a emboîté le pas en achetant de plus en plus le produit. Mais boom! En 2014, la hausse de 25 à 30 % du prix de la viande sur tout le marché canadien a fait mal, par ricochet, à Bœuf Gaspésie. « Nos marchands nous disaient l’un après l’autre qu’ils arrêtaient de vendre notre viande. On vivait comme une crise. Il a fallu virer notre capot de bord et aller vendre en ville [Québec et Montréal] où la population est plus volumineuse et a un meilleur pouvoir d’achat », relate M. Cyr.
Pas n’importe qui
Encore aujourd’hui, le Bœuf Gaspésie est principalement vendu à l’extérieur de la région. « On a des bouchers qui aiment travailler avec nos produits et des clients qui en achètent depuis 10 ans. Ça, c’est une fierté », dit Marc Cyr. Il ajoute que la coopérative, qui a démarré sans marge de crédit, est en bonne santé financière.
La coopérative veut accroître ses ventes, et pour y arriver, elle veut miser sur la qualité de son produit. « On veut augmenter le nombre de producteurs, mais on n’accepte pas n’importe qui, car si l’éleveur est moins rigoureux et que la qualité de la viande n’est pas là, on fait quoi avec les animaux qu’on a promis de lui acheter? » se demande M. Cyr.
En ce qui concerne les profits d’élevage, le directeur affirme que le Bœuf Gaspésie génère en moyenne un meilleur revenu à la ferme que l’élevage de veaux d’embouche, mais nécessite plus d’efforts, ce qui nuit au recrutement. L’enseigne Bœuf Gaspésie qui trône devant chaque ferme participante est une fierté. « C’est beaucoup d’heures pas comptées, mais j’ai du plaisir à continuer de faire avancer Bœuf Gaspésie », témoigne-t-il.
Le défi de la croissance
Le directeur général Marc Cyr mentionne que le défi majeur que rencontre la coopérative Bœuf Gaspésie est « d’avoir une croissance raisonnable ». Les ventes annuelles ne dépassent pas 200 carcasses depuis belle lurette pour deux raisons principales. D’une part, les commerces de détail ne se bousculent pas pour commander le produit à cause de son prix élevé comparativement à celui d’une viande plus conventionnelle, en raison des coûts de production. D’autre part, les agriculteurs hésitent à augmenter leur production en raison de la logistique plus complexe de cet élevage. En effet, les sept producteurs membres de la coopérative gardent et engraissent une portion de leurs veaux jusqu’à l’âge adulte pour ainsi en faire du Bœuf Gaspésie. Puisque les bêtes sont nourries en partie au pâturage, leur gain de poids est plus lent et nécessite près de deux ans d’élevage et d’espace à la ferme. Les éleveurs préfèrent donc continuer à vendre une autre portion de leurs veaux à l’encan traditionnel sans en faire du Bœuf Gaspésie.
En termes de mise en marché, Marc Cyr pense qu’il n’y a pas mieux que le bouche-à-oreille pour parvenir à faire augmenter les ventes d’un produit du terroir, car les campagnes publicitaires ne donnent pas les résultats escomptés. L’avenir de Bœuf Gaspésie passe aussi, selon lui, par le développement des ventes chez les boucheries spécialisées. Ce type de commerce peut avantageusement mettre en évidence les atouts d’une viande de spécialité.
Une relève à assurer
Même si la coopérative est parvenue à dépasser les difficultés de commercialisation, elle sait qu’elle se heurtera à d’autres obstacles. Elle doit dès à présent penser à assurer la relève des producteurs qui prennent leur retraite et convaincre les participants de consentir plus d’efforts pour augmenter leur production, puis chercher d’autres agriculteurs pour participer à cette aventure. Les éleveurs gaspésiens s’inquiètent aussi que l’abattoir de Luceville, dans le Bas-Saint-Laurent, où ils envoient tous leurs animaux, soit à vendre. Ils souhaitent que le prochain acquéreur poursuive les activités d’abattage de bœufs aux mêmes conditions.
Déclic Sept producteurs gaspésiens de veaux d’embouche ont décidé en 2008 d’injecter 500 $ chacun pour créer la coopérative Bœuf Gaspésie. Ils espéraient ainsi solutionner le problème de fluctuation des prix qui les affectait. « Ça nous frustrait d’avoir 100 $ de moins par animal en l’espace d’une semaine parce que les marchés avaient baissé. C’est là que nous est venue l’idée d’être propriétaires de notre produit et de notre mise en marché », explique l’éleveur Marc Cyr, au sujet des débuts de Bœuf Gaspésie. |
Ce portrait d’entreprise est rendu possible grâce au Fonds CDPQ pour la relève journalistique mis sur pied par la Caisse de dépôt et placement du Québec et la Fédération professionnelle des journalistes du Québec.